La stratégie Al Capone

par Jacques-Robert SIMON
mercredi 7 mars 2018

 

 Pendant les années 1920, durant prohibition américaine, Al Capone était à la tête d’un empire de trafic d’alcool, de prostitution, de jeux et de racket. Al Capone contribua à l'émergence du système de la mafia, usant de la corruption des policiers, des politiciens éminents, ainsi que des menaces physiques pour éviter les témoignages gênants, n'hésitant pas à faire exécuter les personnes lorsqu’il le jugeait nécessaire. Al Capone contrôlait plus de 160 bars clandestins et 150 tripots à Cicero mais aussi 22 maisons de passe. Le chiffre d’affaires de l’ensemble avoisinait les 120 millions de dollars par an. Al Capone n'avait aucun compte bancaire, n'achetait aucune propriété en son nom propre et, à l'exception de quelques chèques, traitait toutes ses affaires en espèces…En 1927, la Cour suprême fait passer une loi autorisant le fisc à taxer les revenus de la vente illicite d’alcool au même titre que n’importe quel autre revenu. Les contrevenants peuvent être ainsi envoyés en prison pour fraude fiscale s’ils ne déclarent pas la totalité de leurs revenus ; s’ils les déclarent, ils admettent eux-mêmes leur participation à des activités délictueuses. Le 5 juin 1931, Al Capone est inculpé, l'acte d'accusation comporte 3 680 pages et il doit répondre de 21 chefs d’accusations de fraude fiscale et d’infraction aux lois sur la Prohibition, mais n’est inculpé d’aucune autre activité illicite. Il sera condamné à17 années de prison dont 11 ans ferme.

 La stratégie Al Capone consiste à trouver une faille, même relativement bénigne, dans la vie de quelqu’un pour faire tomber celui que l’on considère comme un malfaisant hors d’atteinte. 

 La méthode a été appliquée à Dieudonné et Tarik Ramadan. Ils ont en commun d’avoir des positions antisionistes.

 Depuis 1881 la loi précise que « La diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. ». Un glissement sémantique s’est peu à peu produit à partir de cette interdiction clairement exprimée. La loi du 13 juillet 1990 tend à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. Pourquoi racisme ET antisémitisme ? L'antisémitisme est une variante du racisme, pourquoi distinguer celle-ci plutôt qu’une autre ? L’animosité voire la haine des Juifs, que l'on peut appeler antisémitisme, même si c'est anachronique pour la période antérieure à la fin du XIXème siècle, date de deux millénaires, c'est un phénomène exceptionnel qui mérite, selon les auteurs, d'être traité à part, surtout à la lumière des 6 millions de juifs qui ont disparu dans les camps de la mort. Mais le glissement sémantique ne s’arrête pas là. Il est aussi ajouté par les plus hautes autorités : « Un nouvel antisémitisme se cache derrière un antisionisme de façade » ou « L’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme. » L'antisionisme, se définit comme l'opposition au "mouvement politique et religieux visant à l'établissement puis à la consolidation d'un Etat juif en Palestine". Par touches successives, on est donc passé d’une position morale condamnant, avec raison, toute animosité en relation avec une race à la condamnation d’une attitude purement politique. Certains entretiennent probablement une confusion volontaire entre juifs et sionistes pour exercer leur haine mais il n’est peut-être pas nécessaire d’utiliser les mêmes ruses de l’esprit pour les contrer. Le résultat est patent, vous pouvez sans risques faire de l’humour à propos des camerounais, des musulmans, des terroristes, des blancs, des catholiques, des hommes politiques… mais il est périlleux d’en faire sur le peuple élu si vous n’êtes pas juif vous-même.

 Deux étapes doivent encore être décrites pour le glissement du légal au diabolique. Le président de la France dénonce en effet en 2013 « le sarcasme de ceux qui se prétendent humoristes et qui ne sont que des antisémites patentés ». Il n’est plus question de punir des propos inacceptables, il s’agit de se débarrasser d’un homme empli irrémédiablement de haine, un démon, une bête immonde que les archanges doivent terrasser, anéantir, faire retourner en enfer d’où il vient. Il n’est pas nécessaire de juger les actes, le racisme par sottise, par irritation, par exaspération laisse le pas aux diverses manifestations d’un diable qu’il faut éliminer. Ceci n’excuse en rien certaines monstruosités proférées, mais le même respect devrait concerner la mémoire de toutes les victimes d’atrocité. La liste des génocides est malheureusement longue : génocide arménien, assyrien, au Bangladesh, bosniaque, cambodgien, au Darfour, des Grecs pontiques, des Héréros et des Namas, juif, kurde, tsigane, des Tutsis, ukrainien, génocides coloniaux, dont ceux des Amériques… et il n’est nullement prouvé qu’en ne mettant en lumière un seul d’entre eux on puisse lutter efficacement contre les déraisons humaines qui ont conduit des collectivités à les perpétrer. Éliminer un individu jugé malsain n’empêche en rien la constitution de groupes dont les individus sont unis par la haine, la violence, la cruauté et surtout une insondable pauvreté d’esprit. Combien des 43,9% des électeurs de Hitler étaient antisémites ? Combien des dirigeants des grandes entreprises allemandes qui concoururent au succès du parti Nazi étaient antisémites ? Les uns voulaient surtout pouvoir vivre de leur travail et les seconds pouvoir en tirer des bénéfices. La somme des excités, des fanatiques, des jaloux du succès des autres fera une faible proportion de l’ensemble et le cœur du nazisme relève en grande partie de l’économie. L’antisémitisme n’est qu’une des manifestations de la bestialité de quelques uns utilisé pour conditionner les foules selon leurs desseins. En gommant la raison, on a de grandes chances de succès pour domestiquer en proie au chômage et aux incertitudes économiques.

 Ce que beaucoup ne supportent pas c’est une sorte de domination exercée par la quasi-totalité des pouvoirs prétendument pour le bien de tous, mais en fait qui va toujours dans la même direction, au détriment de la vérité et même quelquefois du bon sens.

 En 2014 Dieudonné a déclaré : « Je ne me sens pas du tout antisémite. Je n'ai absolument aucune haine particulière vis-à-vis du peuple juif, mais aucune attirance non plus. Lors de très nombreux procès, Dieudonné a été mis en examen pour fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, abus de biens sociaux et organisation frauduleuse d’insolvabilité. On lui reproche aussi d’avoir cherché à échapper au paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

 L’instruction est en cours pour Tarik Ramadan.

 


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