La Théologie de l’Energie d’Henry Babel
par Oulan Bator
mardi 13 octobre 2020
Théologie de l'énergie – Henry Babel
Je me suis souvent demandé s'il était possible de concilier la morale chrétienne et la vie. S'il était possible de se comporter de la manière la plus vivante qui soit, tout en demeurant moral, parce que l'on était dans la vie, et non dans la vie parce qu'on était dans la morale.
J'ai donc saisi dans un moteur de recherche les mots clefs suivants : théologie, et énergie. Cela m'a permis de découvrir la Théologie de l'Energie d'Henry Babel. Théologien protestant, pasteur, qui appartient au courant de la Théologie Libérale.
Je dois souligner que cet ouvrage n'a pas recoupé intégralement ma préoccupation. Car c'était, avant tout, sur un plan psychologique que je me situais. La Théologie de l'Energie, telle qu'esquissée par Babel, est avant tout une théologie cosmologique. Théologie qui peut se décliner, par la suite, en psychologie, en politique, en morale. « De nos jours, les sciences étudient l'énergie physique au gré de ses transformations à des niveaux qui donnent lieu à des disciplines distinctes. Tandis que le physicien se penche sur l'atome, le chimiste sur les métamorphoses de la matière, […], le psychologue tente de pénétrer le psychisme. […] n'est-on pas en droit de souhaiter pouvoir coordonner et comparer leurs résultats en une vue d'ensemble » ? (p117)
Henry Babel donne à la Théologie et à la Science le même fondement à la réalité. « Que la lumière soit ! Et la lumière fut » […] la lumière, c'est l'énergie sous forme de radiations ». […] Citant Louis de Broglie (p133) « rien ne s'oppose donc en principe à ce que l'énergie, tout en se conservant comme toujours, puisse passer de la forme matérielle à la forme lumineuse ou inversement. […] nous pouvons ajouter maintenant que la lumière est en somme la forme la plus subtile de la matière. Cette union finale des conceptions de Lumière et Matière dans l'unité protéiforme qu'est l'Energie a été complètement démontrée par les progrès de la Physique contemporaine le jour où elle a découvert que des particules matérielles sont susceptibles de disparaître en donnant naissance à un rayonnement, tandis que le rayonnement est susceptible de se condenser en matière et de créer de nouvelles particules ». La matière est donc un produit d'une condensation de l'énergie rayonnante. « La lumière peut se condenser en matière et la matière s'évaporer en lumière ». p(133)
A partir de ce point de départ, Babel déploie la théologie et la Science dans une direction commune.
D'une part, l’entropie. « L'énergie se conserve tout en étant soumise au principe de dégradation. Elle décrit donc dans l'univers un mouvement de chute qui, à première vue, semble priver le monde de toute espèce de sens ».
« Mais voici que nous assistons, à partir d'un certain point de chute, à un phénomène prodigieux. […]. Les experts qualifient de néguentropie le phénomène inverse de l'entropie. […] Elle coïncide, à notre avis, avec la notion contemporaine d'information par opposition à celle de chaos ».
Si l'entropie semble condamner, en apparence, le finalisme de la Bible. La néguentropie laisse place à l'hypothèse du sens. Par ailleurs, « l'Univers est en mouvement, c'est à dire, en équilibre instable. Le principe de la conservation de l'énergie ne permet pas d'expliquer ce mouvement sans l'apport d'une source extérieure d'énergie » (p119). Donc, Dieu existe. Il associe Dieu a une force. « La force est une cause du mouvement tandis que l'énergie est le produit d'une force par un déplacement ».
Voici pour la téléologie du cosmos.
Néanmoins, la Théologie de l'Energie aborde également la question du salut individuel. Notamment par la doctrine apocalyptique du corps spirituel ou lumineux. Les apocalypses du judaïsme tardif, celle de Baruch, ou de Salathiel, comme celle de la métaphysique iranienne, rejoignent cette idée du corps spirituel, lumineux, glorieux. Tout comme Saint Paul : « le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel ». (p170) […] et celui qui nous a formés pour cela, c'est Dieu, qui nous donné les arrhes de l'Esprit ».
Cette doctrine du corps spirituel et lumineux procède de l'identité de la matière et de la lumière, laquelle propose, à l'humanité, la possibilité de rejoindre par sa liberté la lumière en passant par la matière. La liberté est la conséquence de la chute cosmique comme propulsion des corps dans l'espace. (p209) ». La chute est le mouvement qui détache un corps de son foyer et, en lui conférant une autonomie relative, confère par là même à sa masse la faculté d'intercepter la lumière de la source ». Par ailleurs, la prière est réceptivité, appel d'énergie. […] la santé n'est pas un état sans maladie, ni la maladie une disparition de la santé... C'est la vie qui continue à surmonter la mort ».
Voici en quelques paragraphes le résumé de ce livre intéressant. Je voudrais conclure par une thématique, développée par Babel, et que j'aie trouvé importante. En effet, le théologien possède probablement l'une des clefs d'explication du caractère inaudible du christianisme à notre époque. C'est, d'ailleurs, la même perspective qu'avait l'ancien Pape Benoit XVI. Il s'agit de la séparation de la Foi et de la Science. Il vise plus particulièrement, « la conception du monde du Nouveau Testament » qu'il juge mythique (p179) « en ce sens que le monde y est divisé en trois étages : le ciel en haut, l'enfer en bas, la terre au milieu ». C'est en effet tout à fait vrai. Le notre Père que nous récitons tous les jours, « est aux cieux ». Il y a donc, dans notre perspective, un haut, un bas, un milieu qui entre en dissonance avec l'univers infini et son absence de haut et de bas, et cette étrange espace-temps.
Babel explique que […] l'origine de la croyance en un Dieu qui apparaît en haut et se manifestant comme énergie rayonnante s'explique fort bien. (p181). Originellement, le mot Dieu apparenté au latin deus et au grec théos dérive d'une racine indo-européenne désignant le brillant ou désignant le ciel lumineux du jour. Dieu dérive de la racine div qui signifie briller, être lumineux. […] Il est ce qui brille en opposition à ce qui est obscur ». […] Du point de vue de l'existence d'un être situé sur la terre, la terre apparaît bien comme le terrain sur lequel énergies positives et négatives se disputent l'hégémonie. Babel ne renvoie néanmoins pas « les énergies négatives » au mythe. « Autant les énergies positives se présentent à nous comme apparentées à la lumière, autant les énergies négatives se présent à nous comme des corps opaques complices de l'obscurité , de la dégradation, de la mort ».
A cette vision du haut, du milieu, et du bas, qui nuit à la crédibilité du Nouveau Testament, s'ajoute la sécularisation. Avec Schleimacher, Babel définit la religion « comme le sentiment de dépendance absolue de l'homme par rapport à l'univers ou à l'infini ». « La religion est la prise de conscience de cette dépendance. […] aujourd'hui, le sentiment religieux paraît en baisse parce que la technique opère un renversement de situation. Les hommes tendent à éprouver plutôt un sentiment de maîtrise sur la nature qui ne les rendrait dépendants que d'eux mêmes.
Pour conclure, Babel dresse un parallèle étroit entre « la religion et la structure de l'univers » (p206)
« la physique nous a appris que l'élément le plus simple était la quantité d'énergie élémentaire appelé quantum ou particule. […] en fait la réalité est moins dans l'élément ou dans l'Ensemble que dans la relation de l'un à l'autre. L'univers est un tout relationnel p(206/207) […] . (Schleimacher)
Ainsi, Dieu est « superénergie relationnelle » (p208). « Puisque dans l'univers la réalité ultime n'est ni l'élément d'énergie dissocié de l'Ensemble, ni l'ensemble indissociable des éléments, Dieu est superénergie relationnelle, fondement d'unité. Il est à l'univers ce que le centre est à la circonférence, et le noyau à l'atome. Dieu est Emetteur perpétuel. Il s'ensuit, comme nous l'avons déjà vu à propos de la doctrine de la création, que la création ne doit pas être pensée comme un événement chronologique à date assignable mais comme l'affirmation de la dépendance absolue, permanent, par rapport à un Emetteur perpétuel. L'apparition de mondes nouveaux, comme, par exemple, notre système solaire, équivaut à un phénomène intra-cosmique.
« Nous appelons divin l'opération de la superénergie orientant les êtres vers l'harmonie ». A l'opposé, la tradition a appelé vie éternelle et paradis le lieu de l'éternelle félicité. La théologie de l'énergie nous montre que cette idée traduit l'aspiration à l'harmonie. L'existence actuelle est partagée entre les énergies d'en haut et d'en bas. Nous sommes déjà sollicités à passer d'un champ à l'autre en vertu d'un processus qui correspond à l'émergence de la superénergie. C'est ce que le Nouveau Testament appelle nouvelle naissance. […] l'homme est, dès maintenant, le lieu d'une mystérieuse sublimation. L'énergie divine, tel un gramme de raidum, peut le métamorphoser en un être supérieur. […] la théologie de l'énergie nous conduit aussi à ne pas oublier que l'histoire de la planète Terre ne recouvre pas celle de l'univers (ce qui a l'avantage d'accepter l'existence d'autres planètes habitées dans l'univers, ce qui va quasiment de soi). Aussi affirme-t-elle que l'ultime sélection déborde l'histoire proprement dite et relève de l'être dont il est dit qu'il possède « le règne, la puissance et la gloire ».