La Turquie est-elle moins « démocratique » que la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne ?

par Clark Kent
vendredi 22 juin 2018

Dimanche prochain, le 24 juin 2018, des élections anticipées vont avoir lieu en Turquie. Pour la presse occidentale, il s’agit d’une manœuvre électoraliste d’'Erdoğan qui veut profiter d’une cote de popularité (qui ne s’expliquerait alors que par une pratique forcenée de la démagogie et serait à son zénith) et pour anticiper sur une dégradation prévisible de l’économie du pays.

Il ne s’agit pas de prendre parti pour ou contre Erdoğan, ce grand Mamamouchi des temps modernes frère musulman nostalgique de l’empire ottoman et pourfendeur de Kurdes, mais de savoir si les juges sont les mieux placés pour donner des leçons. Quand Chirac a dissous l’assemblée, ou quand Theresa May a organisé une élection anticipée, la légitimité des élections britanniques ou du mandat de Chirac n'ont pas été remis en question, or le discours médiatique traditionnel sur une Turquie autocratique et fascisante est tellement intégré dans les consciences européennes et américaines que toute initiative du « Sultan » ne peut être que la mise en œuvre d’un calcul machiavélique.

En France, en 2017, les élections présidentielles se sont déroulées alors que le pays était en état d'urgence depuis les attentats terroristes de 2015 à Paris. Dans son rapport sur le scrutin en question, l'OSCE (organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a déclaré que "cela n'affectait ni l'environnement de la campagne ni l’organisation des élections". Pour ce qui concerne la Turquie, la même organisation considère des élections équitables pourraient être menacées en raison de préoccupations liées aux libertés, en particulier dans les médias.

C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! La propriété des médias est un scandale mondial. Pour ne parler que de notre pays, « pays des droits de l’homme et berceau de la démocratie », tous les quotidiens nationaux (Le Monde, Libération et Le Figaro), toutes les chaînes d’info (LCI, I-Télé, BFM-TV), les hebdomadaires de référence (Le NouvelObs, L’Express, Le Point) et les chaînes de TV privées (Canal+, TF1) appartiennent à huit milliardaires qui se partagent l’accès à nos cerveaux embrumés par une perfusion addictive : Bouygues, Niel, Arnault, Bolloré, Drahi, Pinault, Pigasse et Lagardère. Lagardère vend Libération à Drahi qui rachète BFM-TV et RMC alors que Bouygues prend le contrôle d’Eurosport et Bolloré reprend celui de Canal.

Au cours des trois dernières années, les Turcs se sont rendus aux urnes plus souvent qu'en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Le taux de participation dans les élections nationales en Turquie est plus élevé que dans beaucoup d'autres pays dits « démocratiques » à travers le monde : 85%, contre 65% pour la France, 76% pour l'Allemagne et 55% pour les États-Unis. Pour un pays constamment antidémocratique et un gouvernement si souvent vendu comme autoritaire, la Turquie utilise ses mécanismes démocratiques assez fréquemment. Ou bien il ne s’agit pas là d’un critère de vie « démocratique », ou bien la Turquie n’est pas la « dictature » qui nous est présentée, ou bien nous vivons tous dans des « dictatures » !

Plutôt que d’évaluer les proportions de « dictature » et de « démocratie » dans les pays ciblés par l’OTAN pour des opérations liées à l’hégémonie de la « communauté internationale » (dénomination politiquement correcte de l’empire etses satellites inféodés), il serait bon de mordiller la laisse qui nous serre le cou en contrepartie d’une pâtée dont le goût et la quantité ont une fâcheuse tendance à se dégrader.

Votez bien, les Turcs !

 


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