La Vème République est morte

par Jean Dugenêt
samedi 2 mars 2019

 Emmanuel Macron est le président des milliardaires. Il n’est pas le président du peuple. L’article 2 de la constitution de la Vème République qui proclame le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ne s’applique plus. La Vème République est donc morte. Pourtant, nombreux sont ceux qui vantent la grande stabilité de la Vème République dont la constitution date de 1958. Ce n’est pas notre avis. En plusieurs étapes, cette constitution a été vidée de son contenu. Elle a d’ailleurs été modifiée par 22 lois depuis 1958 et elle a été aussi parfois modifiée dans l’esprit sans l’être dans le texte. Nous allons examiner les différentes phases de cette mutation. A l’origine la Vème République était un régime « bonapartiste ». En 1964, François Mitterrand écrivait « Le Coup d’Etat permanent » en soulignant comme trait essentiel de ce régime le pouvoir personnel d’un chef d’Etat devenu tout-puissant. En effet, la caractéristique essentielle de ce régime est de concentrer l’essentiel du pouvoir dans les mains du Président. Ce n’est donc pas un régime démocratique comme les régimes parlementaires classiques sans être pour autant, à proprement parler, une dictature. En effet, l’essentiel du pouvoir est bien confié à un seul homme mais à la condition qu’il ait un assentiment populaire ce qui n’est pas le cas dans les monarchies absolues et autres formes de dictature. Ce fut le cas, bien sûr, pour Napoléon Bonaparte dont on a retenu le nom pour caractériser ce type de régime. Ce fut le cas aussi pour le Général de Gaulle qui a mis en place la Vème République. Le suffrage universel et le référendum sont donc les clefs de voute des régimes bonapartistes puisqu’ils prouvent l’adhésion du peuple à la politique du chef de l’Etat. La Vème république a d’ailleurs été mise en place par un référendum, avec 82,60% de « oui », et non pas par une assemblée constituante. Le référendum, sous le Général de Gaulle avait valeur de plébiscite. Il n’était pas pensable que le Président de la République, avec tous les pouvoirs que lui confère la constitution, puisse exercer en étant minoritaire d’une quelconque façon. Le 27 avril 1969, n’ayant obtenu que 47,59 % des voix au référendum qu’il proposait, le Général de Gaulle démissionnait.

La première dégradation de la Vème république a été instituée par François Mitterrand avec la cohabitation. S’accrochant au pouvoir, François Mitterrand, a en effet inventé cette procédure lui permettant de rester en place alors que des élections législatives l’avaient mis en minorité. Cela est en contradiction avec l’esprit de la Vème république et il n’y a d’ailleurs rien dans la constitution qui permette de répartir les rôles entre le Président et le Premier Ministre en cas de cohabitation. Mitterrand invente une répartition en s’affirmant responsable des relations internationales mais il n’a pas d’autres moyens, pour imposer son point de vue au Premier Ministre, que de faire la gueule, de bouder, quand il estime que celui-ci dérape. C’est ce qui s’est passé quand il a appris que le 14 août 1994, lors d’un point de presse à Saint-Tropez, Edouard Balladur s’était attribué la responsabilité d’un conseil de sécurité réuni le matin même sur le porte-avions Foch pour détailler les mesures arrêtées dans l’affaire du Kosovo. Il est vrai qu’Edouard Balladur avait oublié de dire que François Mitterrand était présent le matin à cette réunion. N’est-il pas cependant dérisoire qu’il n’y ait rien d’autre pour répartir les rôles ? En fait, il y a antinomie entre cohabitation et Vème république.

La seconde dégradation de la Vème république est consécutive au traité de Maastricht. Elle a été suivie de modifications de la constitution faites en catimini dans le dos des français. En particulier, l’incrimination de « complot contre la sureté de l’Etat » a été supprimée en 1993 puis, quelques mois avant l’élection de Nicolas Sarkozy, c’est l’incrimination de « haute trahison » qui, à son tour, a été supprimée en 2007. Ainsi ceux qui se sont montrés coupables de s’être attaqués à la souveraineté de l’Etat français, en le plaçant sous la tutelle de l’Union Européenne, ont pu échapper à ces deux incriminations. Car c’est bien de cela qu’il s’agit avec la mise en place de l’Union Européenne. C’est Viviane Reding, la vice-présidente de la Commission Européenne, qui le dit elle-même : « il n’y a plus de politiques intérieures nationales. Il n’y a plus que des politiques européennes qui sont partagées dans une souveraineté commune. »

La troisième dégradation arrive quand le « Non » massif, exprimé par les français lors du référendum de 2005 sur le projet de traité de « Constitution Européenne », fut considéré comme nul et non avenu par les dictateurs de la « construction européenne ». Pour cela, ils ont signé à Lisbonne, le 13 décembre 2007, un nouveau traité qui reprenait la quasi-intégralité du projet qui avait été refusé par les français le 29 mai 2005 avec 54,87% de « Non ». La ratification de cette nouvelle mouture du traité, refusé par le peuple français, nécessitait une révision constitutionnelle. Dans le dos des français, tous les états-majors des partis politiques se sont mis d’accord pour éviter de proposer au peuple de se prononcer à nouveau par référendum. Ils ont accepté que cela soit confié au congrès (députés et sénateurs) qui s’est réuni à Versailles le 4 février 2008. Il ne restait plus, à ceux qui ont voulu trahir la volonté du peuple, qu’à ratifier le traité par la voie parlementaire. Ce qui fut fait le 8 février 2008.

Qu’une décision référendaire puisse devenir lettre morte était inimaginable avec la Vème République de 1958. Le peuple de France a perdu toute souveraineté. Il n’y a plus de démocratie. Que pouvait-il arriver de pire maintenant qu’il n’y a plus de politique nationale et que les référendums ne servent plus à rien face aux décisions de Bruxelles ? Réponse : les élections présidentielles de 2017.

Nous considérons que depuis l’élection de 2017 la Vème République est morte. Pourtant il n’y eu aucune modification de la constitution lors de cette ultime étape de dépérissement de la Vème République. Ce sont les règles de financement de la presse, la privatisation des chaînes de télévision et toutes les réglementations sur les médias qui sont venues aggraver encore la situation. Désormais les quelques milliardaires qui contrôlent l’essentiel des médias peuvent faire élire qui ils veulent comme Président de la République. Ils pourraient faire élire un cheval tel Caligula qui voulait nommer son cheval favori comme Consul. Ils ont choisi Emmanuel Macron dans le rôle du cheval Incitatus. Nous constatons en effet que le résultat aux élections est en corrélation avec le volume de l’exposition médiatique. Ceux qui ont les médias dans leurs mains peuvent ainsi en déplaçant les curseurs obtenir le résultat qu’ils veulent. Nous verrons que, pour faire élire Emmanuel Macron, il a suffi que quatre personnes fortunées se mettent d’accord : Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel et Arnaud Lagardère. Ils possèdent ensemble :

Un noyau aussi puissant est suffisant car il est évidemment suivi par l’ensemble des médias dominants. Ce fut quasiment un Coup d’Etat manigancé plus de trois ans à l’avance. Ceux qui croient qu’Emmanuel Macron était un candidat classique que les milliardaires auraient choisi de soutenir puisqu’il leur semblait le mieux placé pour défendre leurs intérêts se trompent. La vérité c’est que les milliardaires ont choisi un individu qu’ils connaissaient et ont décidé d’en faire le Président de la République. Emmanuel Macron n’est que leur larbin. Ce n’est pas seulement le candidat qu’ils ont appuyé. Ne croyez donc pas non plus que cette poignée de milliardaires ont fait ce qui s’apparente à un Coup d’Etat pour donner le pouvoir à Emmanuel Macron. Non ! Ils l’ont fait pour prendre le pouvoir pour eux-mêmes. Nous avons désormais un gouvernement de milliardaires pour les milliardaires.

Assurément, la Vème République est morte. François Asselineau le montre à sa façon en ayant constitué un dossier où il énumère et explique les multiples cas où les décisions d’Emmanuel Macron sont non seulement anticonstitutionnelles, au regard de la constitution de la Vème République, mais peuvent être considérées comme des « manquements à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat ». Il énumère ainsi les 10 principales violations et il argumente en détaillant pour chacune d’elles tout ce qu’il y a d’anticonstitutionnel. Nous nous contenterons ici de citer ces 10 principales violations mais nous conseillons la lecture intégrale du dossier disponible sur le site web de l’UPR.

  1. La paupérisation et la précarisation de pans entier de la société française ;
  2. Le bradage d’intérêts stratégiques et de services publics ;
  3. Le dénigrement incessant des français ;
  4. Le musellement en sa faveur des médias audiovisuels du service public et la tentative sans précédent d’imposer une supposée Vérité par la loi, en particulier par le vote d’une loi contre les prétendues « fake news » ;
  5. Le travail de sape contre l’unité nationale ;
  6. La destruction programmée de milliers de communes françaises ;
  7. Une politique visant à éroder constamment notre indépendance nationale et à dissoudre la France dans une Europe fédérale sous domination allemande ;
  8. La violation du droit du parlement et du droit international ;
  9. La mise en avant constamment d’une rhétorique guerrière visant à promouvoir un nationalisme continental européen ;
  10. Le mépris constant avec lequel M. Macron traite la langue française et la francophonie.

Il a fait ce dossier pour demander aux députés et aux sénateurs de lancer la procédure de destitution d’Emmanuel Macron. Cette démarche était une ultime tentative pour contrer le « Coup d’Etat » des milliardaires et sauver ce qui restait de la Vème République. La proposition aurait certainement été refusée par l’assemblée nationale et le sénat d’autant plus qu’il est requis d’avoir au moins les 2/3 des membres des deux assemblées. Cependant, il serait resté quelque chose du débat.

Pour notre part, nous avons toujours pensé que la Vème République était un régime réactionnaire dès son avènement mais ce que nous connaissons aujourd’hui est bien pire. Ce nouveau régime vit sur le cadavre de la Vème République dont il a conservé la constitution mais, en fait, elle ne s’applique plus. Pour sauver les apparences, les sénateurs et les députés restent en place et les assemblées perdurent. Cependant, le parlement et la chambre des députés ne sont plus que des théâtres dans lesquels jouent tous ces acteurs que nous appelons les « histrions de la politique ». Comme dans la Commedia Dell’Arte, ils improvisent des pièces sur un canevas connu où chaque personnage a un rôle précis à tenir. La conclusion est toujours la même : les décisions prises à Bruxelles s’appliquent puisque telle est la volonté des milliardaires. Nous allons illustrer par un exemple comment, en fait, fonctionne le pouvoir.

Le lundi 10 décembre 2018, en réaction au mouvement des gilets-jaunes, Emmanuel Macron fait un discours suivi par 23 millions de français. Il lâche quelques miettes et il dit :

« J’ai besoin que nos grandes entreprises, nos concitoyens les plus fortunés aident la nation à réussir. Je les réunirai et prendrai des décisions en ce sens dès cette semaine. »

Le lendemain, dans « Les Echos », un article titre :

« Iliad, Altice, Orange mais aussi Total, Publicis et LVMH sont les premiers à avoir répondu à l’appel du président de verser une prime de fin d’année »

Essayons de voir quels sont les noms des principaux capitalistes qui sont derrière ces groupes. Pour « Orange » nous retiendrons le nom du directeur puisqu’il s’agit de l’entreprise publique qui succède à France Telecom. Nous ferons de même pour « Total ». C’est la première entreprise française en termes de chiffre d’affaire qui, par ailleurs, ne paie quasiment pas d’impôts. Mais, il ne ressort pas nettement d’actionnaire principal. Le principal actionnaire « Blackrock, inc » n’ayant que 6,3% du capital. Il est d’autant plus difficile de faire ressortir des noms que « Blackrock, inc » est une société tentaculaire de gestion d’actifs dont on connaît mal les actionnaires et il y aurait sans doute beaucoup de choses à dire à ce sujet mais cela nous éloignerait de notre propos. Voici donc les cinq personnes qui ont pris simultanément la décision d’accorder une prime de fin d’année à leur personnel. Pour les grands capitalistes nous avons mis entre parenthèses leur classement parmi les plus grosses fortunes de France.

Nous avons déjà signalé que les trois plus fortunés (Bernard Arnault, Xavier Niel et Patrick Drahi) font partie du petit comité qui avait prévu de faire élire Emmanuel Macron dès 2014.

Quel est le mythe qu’Emmanuel Macron veut faire avaler aux français avec cette histoire de primes de fin d’années ? Il prétend que, quand il le veut, il peut réunir les « plus fortunés », comme il dit, leur expliquer qu’il faut qu’ils payent une prime à leurs salariés et que aussitôt (le lendemain de l’annonce) ces grands patrons s’exécutent. Ainsi, toutes les institutions de la Vème République ne serviraient plus à rien ni aucun corps intermédiaire. Plus besoin de syndicats ou de représentants du patronat puisqu’Emmanuel Macron est censé tout régler lui-même avec les patrons. A l’évidence c’est l’inverse qui s’est produit. Face au mouvement des gilets-jaunes, les grosses fortunes qui dirigent désormais le pays ont commencé à prendre peur et ont décidé d’agir pour se tirer de ce mauvais pas. C’est donc un petit comité de ces grosses fortunes qui a pris la décision de donner une prime de fin d’année à leurs employés et ce petit comité a demandé à Emmanuel Macron d’en faire l’annonce dans un discours. Ainsi, ces grosses fortunes en ont profité pour présenter Emmanuel Macron comme l’homme providentiel, ayant beaucoup de pouvoir, l’homme capable de régler bien des problèmes.

Il est effectivement acquis que les institutions de la Vème République ne servent plus à rien. La Vème République est morte. Il faudrait d’ailleurs beaucoup plus que ce scénario pour qu’Emmanuel Macron recueille l’assentiment des français. Ce régime n’est pas du tout bonapartiste. C’est un régime totalitaire et fascisant. Nous vous invitons à regarder à ce sujet sur YouTube la vidéo de François Asselineau intitulée : « La France devient-elle fascisante ? »

 


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