La vengeance de Macron

par Jean-Luc Picard-Bachelerie
lundi 30 janvier 2023

Le second mandat d’Emmanuel ne ressemble pas au premier.

  1. La Constitution lui interdit un troisième mandat d’affilée.

  2. Il s’est fait élire avec moins de voix au premier tour qu’à la précédente élection et avec un écart plus faible au second tour.

  3. Son parti « godillot » n’a plus la majorité absolue.

Depuis cette grande déception, le comportement du président est régulièrement surprenant. Faut-il s’en inquiéter ?

Pourtant, tout avait bien commencé au soir du 24 avril. Il reconnaissait objectivement la faiblesse de son élection et en tirait immédiatement les conséquences logiques et sages : « Je sais ce que je vous dois. » [...] « Je suis le président de tous » [...] « Je ne suis plus le candidat d'un camp, mais le président de tous. » [...] « Nul ne sera laissé au bord du chemin ». [...] « Je sais que nombre de compatriotes ont voté pour moi non pour soutenir les idées que je porte, mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. » [...] « Ce vote m’oblige ». La logique aurait voulu qu’il suive cette direction. Mais non ! Dommage… (lien)

Depuis, notre président à des comportements des plus surprenants. Pas autant que ceux de Trump, Bolsonaro, Poutine ou Kim Jong-un, mais tout de même...

Le 6 décembre dernier, alors en voyage officiel aux États-Unis, le journaliste Mohamed Bouhafsi a eu l’occasion de l’interviewer. Il lui a notamment confié ceci : « Donc il y a deux semaines, j’étais dans une dépression très grave. » Puis : « Il y a un mois, j’étais en train de faire le travail de tous les ministres et du Premier ministre. J’étais le Rémy Bricka de la politique française… » (lien)

Le 18 novembre dernier, Emmanuel Macron avait prononcé à l’adresse de ceux qui étaient scandalisés par un mondial discutable écologiquement et lui demandaient un geste politique face aux nombreux morts qui ont endeuillé la construction des stades au Qatar : « c’était une très mauvaise idée de politiser le sport » (lien). Sa présence à deux matchs de l’équipe de France, et non pas à la seule finale, n’est-elle pas un acte politique ?

Le 14 décembre dernier, Emmanuel Macron se rend au Qatar pour assister à la demi-finale France-Macroc. Pourquoi pas la ministre des Sports ou la Première ministre d’autant que pour être dans les tribunes, il doit s’absenter du sommet à Bruxelles entre l'Union européenne et l'Asie du Sud-Est. Qu’à cela ne tienne, il se fait représenter par Olaf Scholz, le chancelier allemand avec lequel il entretient de difficiles relations au point de reporter, probablement au mois de janvier, le conseil des ministres conjoint initialement prévu en octobre. (lien)

Le lendemain, enfin arrivé à Bruxelles, notre président, sans un mot de solidarité avec ceux qui ont construit les stades nous dit que le Qatar « organise très bien cette Coupe du monde, et que l'organisation est bonne, la sécurité est bonne, donc ne mégotons pas sur notre plaisir. » (lien)

Le 18 décembre, nous avons encore assisté à un comportement inimaginable, stupéfiant, voire ahurissant de la part du chef de l’État, déchaîné dans les tribunes et consolateur omniprésent sur le terrain et dans les vestiaires. L’image de la France en a pris un coup. (lien)

Venons-en au projet de réforme des retraites. Il nous dit avoir présenté son programme lors de la campagne présidentielle. Il promettait 65 ans à partir de la génération 1969 (lien). Aujourd’hui 1961. Il promettait une concertation avec les Français. Aujourd’hui, Elisabeth Borne nous dit que 64 ans « n’est plus négociable » alors qu’il n’y a pas eu de concertation avec les Français. (lien)

Que peut révéler ce projet de réforme des retraites sur Macron ?

Commençons par décrire les camps opposés.

Il y a ceux qui ont à gagner avec le projet de réforme des retraites : le MEDEF et sa cohorte d’employeurs, et ceux qui sont pour Macron. Ils répètent à l’envi les arguments et éléments de langage lancés par les ministres qui récitent ce que leur a dit Macron qui répète ce que lui a conseillé l’un de ses cabinets-conseils afin d’amener les gens à consentir. Ils sont très peu. Une minorité. Une minorité qui veut imposer à la majorité, par le jeu des alliances de représentants indignes de la représentation qui leur a été confiée par élection.

Et puis, il y a la majorité, ceux qui ont à perdre avec la réforme. On leur donne des chiffres : dettes, économie, démographie, etc.. Mais peu importe les chiffres puisque ceux-là parlent de leur vie. Les premiers qui ont à perdre sont ceux qui ne connaîtront pas la retraite parce qu’ils mourront avant. Avant 62 ans, 25 % sont déjà morts. Entre 62 et 64, il y en aura encore un peu plus. C’est toujours ça de pris pour les économies, direz-vous. Il y a ceux qui comptaient partir à 64 ans avec une surcote et qui partiront avec la retraite normale, c’est-à-dire trop peu. À moins qu’ils décident de pousser jusqu’à 66 ans. Ceux qui comptaient partir à 62 ans avec une retraite à taux plein se retrouveraient avec une décote s’ils persistaient à vouloir partir à 62 ans. Pour résumer, les pensions seront moins élevées. Et parlons aussi de ce fameux relèvement du minimum retraite à 1 200 € bruts qui laissera tout de même les concernés avec un net en dessous du seuil de pauvreté.

« D’après le ministère du Travail, en 1984 il y avait 12 % des salariés qui subissaient 3 contraintes physiques, c’est-à-dire se baisser régulièrement, porter des charges lourdes, être dans des postures pénibles. On se dit qu’après 40 ans de robotique, d’informatique, de numérique, de start-up nation, tout ça doit être fortement allégé. Eh bien, au contraire, on est passé de 12 à 34 % des salariés qui subissent des contraintes physiques aujourd’hui. Il en est de même avec les contraintes psychiques. En 1984, c’était 6 % des salariés qui avaient des contraintes psychiques fortes : devoir faire leur travail dans l’heure et ainsi de suite. Et on est passé à 35 %. Si on ne comprend pas ça, si on ne comprend pas l’intensification du travail, on ne comprend pas le désir profond qu’ont les gens d’en sortir. » (François Ruffin lien).

Si on additionne les 34 et 35 % nous arrivons à un taux de 69 % qui ont le désir impérieux de partir. A ceux-là, il faut ajouter ceux qui ont un travail moins contraignant, mais qui ont des projets pour la retraite et qui comptent y arriver en bonne santé. Nous arrivons, grosso modo, aux chiffres des contestataires sondés.

Des solutions autres que le recul de l’âge de départ à la retraite, il y en a beaucoup d’autres :

Alors, pourquoi Macron choisit, coûte que coûte, les solutions qui font souffrir les gens, voire en empêcher certains d’accéder à la retraite pour cause de décès anticipé ?

Trois explications

En diminuant le montant des retraites, Macron poursuit son idée de nous contraindre à investir dans les assurances, les fonds de pension. C’est ce qu’il voulait généraliser avec la retraite à points.

En voulant baisser le montant des retraites de la plupart des futurs retraités, Macron veut contraindre le cumul emploi-retraite afin de repousser encore la durée du travail contraint au-delà de l’âge de départ en retraite pour interdire ce qu’il doit considérer comme une oisiveté : faire ce qu’on veut sans contrainte, c’est-à-dire, profiter de ses petits-enfants, développer une activité associative, profiter du bon temps tant qu’on est encore en bonne santé. Pourquoi ? Parce que Macron confond retraité et assisté !

En rallongeant la durée du travail et en repoussant l’âge de départ en retraite, Macron veut prolonger la durée de souffrance de 69 % des travailleurs.

En fait, il est à peu près certain que Macron se rend vraiment compte de ce qu’il fait. Ses choix sont délibérés. Il veut alimenter les fonds de pension, il veut payer d’autres réformes, et surtout, il veut faire mal, car il juge plus important de ne pas mettre le capital à contribution que de faire souffrir les gens.

Alors pourquoi ? Est-il déséquilibré ? Déteste-t-il les Français, ces Gaulois réfractaires qu’il ne parvient pas à mettre au pas, à mater ? Où veut-il tout simplement se venger de ces Français qui l’ont si mal élu et qui lui interdisent de gouverner en autocrate ?

La question est simple : soit il est dépressif auquel cas, les Parlementaires seraient bien avisés de réclamer un bilan santé ; soit il est tout simplement sans coeur ou méchant, auquel cas la rue serait bien avisée de le pousser dehors.

 

 

Sources

RTL - Marie-Pierre Haddad : Macron réélu : ce qu'il faut retenir de sa première prise de parole

Marie-France : Emmanuel Macron « dans une dépression très grave » : les rares confidences du président

AFP Le Monde : Coupe du monde 2022 : « Il ne faut pas politiser le sport », affirme Emmanuel Macron

AFP Mediapart - Macron se fait remplacer par Scholz à un sommet entre l’UE et l’Asie du Sud-Est

France info sport - Hadrien Bect : Le Qatar "organise très bien cette Coupe du monde" : une partie de l'opposition critique "des compliments déplacés" de la part d'Emmanuel Macron

Gala – Clara Gaillot : “Putain  !” : Emmanuel Macron déchaîné en tribunes, une étonnante vidéo dévoilée

Retraite.com : Reforme des retraites Macron : Résumé des mesures

La Nouvelle République : Les 64 ans ne sont « plus négociables » dit Élisabeth Borne avant l’examen du texte

France Inter - Nicolas Demorand et Léa Salamé : François Ruffin

 

 

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