Laïcité et confort : le désarmement selon Ibn Khaldoun - partie 1
par Lombre Von Trek
mardi 4 février 2025
La polémique permanente autour du sujet de la laicité démontre à la fois son importance et son aspect révélateur : Lors de la parution d'un récent article, nous avons vu, comme d'habitude, les profils classiques hurler ou murmurer dans les commentaires, suivant leur caractère (IA inside ?), mais, toujours, expliquant, avec cette nuance de mépris qui ne se rencontre que chez les croyants intégristes (ou les pires collabos), que la religion ne sert à rien et que la laïcité doit être appliquée de manière absolue et sans réflexion. La preuve, quelque part, que les "laïcars" sont des religieux tendance grenouille de bénitier ou plutôt des perroquet de la doxa : J'applique la lettre sans comprendre l'esprit et sans penser aux conséquences.
J'ai déjà développé dans un précédent article que la laïcité devait être prise, dans son instrumentalisation politique actuelle, comme une arme dirigée par un état (en l'occurrence ici l'état français) contre toute structure pouvant s'opposer à lui.
En effet, en France la structure qui était (est ?) capable de mettre en place une opposition à l'état est la religion chrétienne (les guerres de Vendée entre 1793 et 1796 sont une démonstration concrète où la religion sert de carburant et de lien "social" à un mouvement qui s'oppose dans la réalité à l'impôt et à la conscription étatique).
Développons un peu cette idée en prenant une théorie dans la boite à outils dont dispose tout intellectuel.
D'après Ibn Khaldoun, un état pour prélever l'impôt (le « fluide vital » d’un état) doit désarmer sa population.
Spontanément, l'on pense d'abord à des armes physiques (épée, arc, lance dans le passé, armes à feu à l'époque contemporaine).
Il est évident que ce désarmement concerne bien effectivement les armes "physiques" dans un premier temps.
Mais dans notre société (et Khaldoun l'évoque également), on dépasse ce stade physique pour désarmer les populations à un niveau psychique en lui ôtant toute capacité d'acquérir un "asabiya" (l’asabiya toujours d'après Kahldoun est la solidarité/esprit de corps qui existe dans une population. C'est le préalable à toute action collective).
Ces règles communes, quel que soit l'autorité les définissant, forment la base de l'asabiya. La religion et la culture donne donc une légitimité pour s'opposer aux dictats d'un état spoliateur qui souhaiterait redéfinir les règles communes à son avantage (par exemple : augmentation des impôts, rétablissement de l’esclavage, conscription, ....).
La laïcité excessive (car pris avec mesure c’est un principe intéressant, repris par certaines religions....) a donc permis d'extraire la religion/culture matricielle de la société française pour laisser toute la possibilité du Pouvoir à l'état.
Mais, comme le prévoit Khaldoun, pour utiliser un pouvoir violent sur la société ("ultima ratio regum"), comme plus personne ne peut être violent, un état doit aller chercher la violence dans les marges avec des "barbares nomades" qui vont avoir, en pratique, le monopole de la violence "au nom de l'état" dans la société (et dont la culture « étrangère » rend impossible, pendant un temps, d'avoir accès au pouvoir politique sur les "masses populaires").
Cela résonne de manière familière ?
En fait l'importation d’une population étrangère, c'est la possibilité pour un état d'avoir à sa disposition une asabiya permettant la violence (plus ou moins symbolique, plus ou moins économique) contre sa population, si elle est tenté de ne pas obéir à ses ordres.
Factuellement c'est ce que l'on observe.
Une partie de la population a le droit d'être violente (il n'y a qu'à voir le laxisme judiciaire pour elle, opposé à la rigueur draconienne pour les populations qui payent l'impôt)
Une partie de la population a le droit de conserver sa religion et de la maintenir au sein de ses générations. Là encore il suffit de voir l'application de la laïcité très tolérante vis à vis des "bédouins nomades" théorisés par Ibn Khaldoun contre la « laïcité athéiste étatique » appliquée avec beaucoup de rigueur (voire d'exagération) contre les catholiques et les chrétiens.
Quand la population a des envies d'émancipation, quelques nuits d'émeutes font comprendre aux apprentis rebelles qu'ils existent des gardes chiourmes pour prévenir toute tentative d'évasion de l'impôt.
Les deux poids, deux mesures s'expliquent quand la grille de lecture de Khaldoun est appliquée. Surtout son but stratégique apparait. Et quand la stratégie de l'adversaire est découverte, il est possible de mettre en place une stratégie contraire pour gagner....
On peut également comprendre, à travers la pensée d'Ibn Khaldoun, la fascination (et la glorification) des élites "progressistes" (à travers leurs discours, leurs films, etc....) pour la violence des marginaux originaires d'outre méditerranée. Consciemment ou non, ces "élites" savent qu'ils sont encore « élites » grâce à ces "prétoriens du pauvre".
Ces "élites progressistes" savent aussi que quand leur population "de souche" comprendra et prendra des mesures contre ce système, leur pouvoir disparaitra. D'où leurs multiples tentatives pour brouiller le débat en plaçant le sujet sur la religion alors que le problème est sur l'utilisation politique de la religion.
La laïcité a donc permis de désarmer une partie de la population en lui ôtant la possibilité d'un "commun" (asabiya) à l'échelle de la Nation.
Mais une deuxième organisation pouvait être capable de s'opposer à l'état. il s'agissait de toutes les structures mises en place par la société civile pour s'auto-organiser (guilde/syndicat, confrérie/association, etc...). Plus réduites que l'asabiya religieux mais tout aussi efficace pour s'opposer à la politique d'un état.
Pour casser tous mouvements capables de s'opposer à l'état (voir dans certains cas de prendre son contrôle au détriment de l’élite ploutocratique), l'état profond a mis en place une stratégie de "désarmement des capacités cognitives".
Donc pour éviter que les gens soient motivés pour aller le soir dans des meetings politiques/syndicaux ou pour travailler à leur autonomie, une stratégie de séduction des masses (très bien vue par Huxley dans « le meilleur des mondes ») a pris place. En ajoutant l'effort de corruption des dirigeants de ces structures "civiles" (moqué déjâ par Coluche lien ), le désarmement des collectifs était dès lors inéluctable.
Globalement l'échange a été de proposer aux peuples leurs « pensées critiques » et toute "activité émancipatrice" (toutes les activités qui mettent en contact avec la réalité) contre du confort et du plaisir (notamment sexuel, dans "le meilleur des mondes" : tout le monde doit pouvoir coucher avec tout le monde .... sans aucune conséquence. Cette dernière stratégie touche d'ailleurs actuellement ses limites).
Naturellement la recherche de confort et de plaisir n'est pas un problème mais quand ce n'est pas équilibré par d'autres facteurs, cela devient un piège : Le sybaritisme.
Rien de nouveau sous le soleil, Juvénal parlait déjà du "pain et des jeux".
Au-delà de cet aspect de tranquillisant social (bien pratique pour qu'une très petite minorité puisse gouverner), la laïcité jointe à l'abandon du développement cognitif tend à un effet pervers.
En effet, sans transcendance et/ou sans la recherche d'un effort (plus ou moins spirituel), le matérialisme s'impose.
C’est plutôt une philosophie adolescente et immature ( avec une philosophie du type : « Les parents Dieu n'existe pas, je fais ce que je veux ») qui ne veut pas voir les conséquences de son positionnement et ne fait donc pas l’effort d’étudier et de travailler pour avoir le meilleur des systèmes ( à la fois une (des ?) transcendance(s) et la laicité comme principe d’organisation des transcendances).
Il suffit de regarder l’Histoire pour voir des faits appuyant cette thèse.
Prenons un exemple récent (Tout le monde ne connait pas l’exemple classique de l’ « hyper rationaliste athée » Critias dans la Grèce antique).
L'équilibre pour sortir du piège de Khaldoun sera donc délicat à trouver entre un état totalitaire et une théocratie afin de concevoir le système politique relativement démocratique qu'il est (encore) possible d'avoir en France et/ou en Europe.