Laissez tranquille la vie privée de Rachida Dati !

par Sylvain Rakotoarison
lundi 20 octobre 2008

Pendant qu’on recherche la généalogie sans intérêt d’un futur bébé, le gouvernement poursuit ses réformes…

Petit coup de gueule ce jour contre les détracteurs peu constructifs de la ministre de la Justice, Rachida Dati, sur le thème désormais bien connu : qui est le père de son enfant ?

Et j’ai envie de dire : et alors ? En quoi cela vous concerne-t-il ?

La personnalité de Rachida Dati est entière et elle entraîne des réactions très entières : un soutien sans faille ou une opposition irréductible.

Pourtant, sur le papier, elle devrait faire l’unanimité. Car il est patent que Rachida Dati est une femme politique. Personne ne pourra lui ôter cela.

C’était par exemple visible lors des soirées électorales au soir des deux tours de l’élection présidentielle de 2007. Et si elle maniait excellemment mauvaise foi et langue de bois (mais, dans les soirées électorales, qui peut vraiment être sincère ?), elle montrait un dynamisme et une combativité qui déconcertaient ses adversaires politiques.

Sur le papier, une jeune femme d’une quarantaine d’année, d’origine maghrébine (algérienne et marocaine), dans une famille apparemment pas vraiment facile, qui réussit à ce point, c’est suffisamment rare pour la saluer.

Après, on pourra toujours "gloser" sur le sens du verbe "réussir". On peut protester sur sa manière d’"arriver" ou les réseaux qu’elle a pu se construire tout au long de son existence (mais alors, pourquoi le lui reprocher, à elle, et pas aux nombreuses autres personnalités politiques qui ont fait de même ?)

Des ministres incompétents, pas à la hauteur, il y en a eu des multitudes dans la République française… et il ne me semble pas que Rachida Dati ne soit pas à la hauteur. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, lui a donné une "feuille de route" très dense et, malgré des maladresses ou des erreurs, elle se débrouille nettement mieux que ce que des pessimistes pouvaient prévoir lors de sa nomination place Vendôme.

Symbole de la société consumériste ? Peut-être. Mais alors, pointez aussi du doigt tous ces jeunes qui veulent acquérir le dernier jeu vidéo ou le dernier téléphone mobile en vogue.


Angle de tirs…

S’il doit y avoir des discussions autour de Rachida Dati, cela doit être au sujet de ses travaux ministériels. De ses nombreuses (trop nombreuses) réformes.

Par exemple, j’avais expliqué pourquoi je n’approuvais pas sa loi sur la rétention de sûreté qui me paraissait aller dans le sens d’une présomption coupable des suspects.

Ni que j’étais enthousiaste pour la réforme des institutions qu’elle avait à peine présentée car elle n’en avait pas eu vraiment l’initiative.

Quant à la réforme de la carte judiciaire, elle me semblait nécessaire sur le principe pour s’adapter aux évolutions démographiques, mais cette réforme avait peut-être trop suivi un certain clientélisme de parti.


Parler de l’inutile en oubliant l’essentiel

Débattre du père de sa future fille, quel rapport avec la politique ? Avec le nécessaire et sain débat politique ?


Les opposants au gouvernement se discréditent complètement en focalisant leurs critiques sur des éléments apolitiques. Sur des gros mots présidentiels, sur des bébés ministériels, sur des comportements privés alors qu’il y aurait tant à critiquer ou à approuver par ailleurs. Sur le fond.

C’est Rachida Dati elle-même qui en aurait parlé, qui aurait voulu en faire de la mousse médiatique ? Et alors ? Pourquoi la suivre dans cette voie ? Elle aurait besoin de revenir à la surface des médias et ses détracteurs lui feraient alors son jeu, comme c’est étrange !

Qu’un bébé naisse au sein d’un gouvernement, ce n’est pas nouveau. Et ce qui est même cocasse, c’est que ceux qui critiquent Rachida Dati et Nicolas Sarkozy ont probablement dû voter pour la concurrente de ce dernier, Ségolène Royal.

Or, Ségolène Royal n’avait pas fait mieux dans le registre vie privée et exposition ministérielle.

Rappelez-vous : son quatrième enfant, Flora, était née alors qu’elle était ministre de l’Environnement de Pierre Bérégovoy et elle en avait profité pour montrer son bébé à toutes les caméras. François Hollande en était d’ailleurs vert de rage, mais Ségolène Royal ne lui avait pas vraiment laissé le choix.


Quel rapport entre paternité et collusion ?

Dernier argument pour justifier ce délire d’informations de caniveau, c’est le risque de collusion entre les intérêts particuliers d’un éventuel père et la probité d’une ministre de la Justice.

Quel rapport ? Aucun. Des collusions entre ministres et intérêts industriels privés, il a dû y en avoir souvent (hélas). Et indépendamment de la couleur politique (on se rappelle les affaires qui ont entre autres entaché Pierre Bérégovoy). Faudrait-il donc faire un bébé avec un associé de mauvaises œuvres ? D’autres liens ne seraient-ils pas plus simples ? Une femme ne pourrait-elle que coucher si elle voulait influer ? Considérations bien étriquées et bien misogynes…


Bonheur et image

Le seul sentiment que je peux avoir face à cette information publique, ce n’est pas de rechercher le père (je m’en moque "royalement", chacun sa vie), mais c’est de féliciter la naissance d’un nouvel être, car une naissance est toujours une joie, un bonheur, quelle qu’elle soit.

Et aussi de me dire que je préfère l’image d’une Rachida Dati, jeune femme fonceuse et volontaire, parfois cassante et maladroite, et mère célibataire à celle de ces femmes qui se cachent derrière une burqa et qui sont interdites d’avoir leur propre vie par leur propre mari.


Réforme du Code pénal

Alors, si vous voulez vous opposer à Rachida Dati, regardez attentivement la réforme du Code pénal, approfondissez les différents enjeux. Il s’agit avant tout de rendre moins opaques les lois que nul n’est censé ignorer et aussi de les rendre plus cohérentes.

C’est un travail de titans. Pour cela, un Comité de réflexion a été mis en place et installé par la ministre de la Justice ce 14 octobre 2008.


Avec quatre axes pour cette réforme :

1. plus grande cohérence et meilleure lisibilité du droit pénal ;

2. renforcer la lutte contre la récidive et la délinquance ;

3. renforcer les droits de la défense ;

4. mieux prendre en compte les droits des victimes.


Je souscris aux points 1, 3 et 4 mais je suppose qu’il faudra bien regarder comment le point 2 sera décliné par ce comité puis par le gouvernement.

Les conclusions seront adressées à Rachida Dati le 1er juillet 2009.

D’ici là, ce n’est pas du bébé qu’il faudrait débattre, mais bien des procédures proposées pour rénover notre Code pénal. Et il y a là sujet à de nombreuses discussions.

J’espère que l’opposition s’emparera, elle aussi, du sujet pour faire avancer les débats.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 octobre 2008)


Pour aller plus loin :

La rétention de sûreté.

La réforme des institutions.

La réforme de la carte judiciaire.

La réforme du Code pénal.



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