Le Big Bang et le boson de Higgs : Et Dieu dans tout ça ?

par chems eddine Chitour
samedi 4 août 2012

« Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. »

Confucius

De tout temps, les hommes se sont posés les questions suivantes, fruit d'une inquiétude légitime : Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Comment expliquer l'ordre superbe de l'Univers, depuis la délicate harmonie d'une humble fleur des champs, jusqu'à la splendeur sombre de la voûte étoilée ? Suffit-il de laisser agir les lois de l'Univers pour qu'à partir du hasard naisse naturellement la vie - ou faut-il imaginer qu'au-delà des choses visibles, il y a encore autre chose, une Intelligence discrète- un horloger transcendant -, qui animerait la matière et lui donnerait souffle ?

Une découverte majeure a été faite début juillet. « Il n'y a plus de doutes. Les explorateurs de l'infiniment petit viennent enfin de mettre la main sur une nouvelle particule. Un petit bout de rien. Mais pas n'importe lequel. C'est très certainement LA particule. Retrouver l'origine de la masse des particules est « quelque chose qui nous rapproche de la création de l'univers ». En effet, le mécanisme de Higgs va permettre de comprendre comment les masses sont apparues à partir du Big Bang initial, qui est à l'origine des masses des particules qui existent aujourd'hui. Et c'est donc en ce sens-là qu'il y a un aspect métaphysique important qui nous donne une nouvelle conception des particules et du rôle du monde microscopique dans l'univers.

Une brève histoire du temps après le big bang

Depuis les premières interrogations de prêtres égyptiens, il y a de cela plus de quatre mille ans, l'histoire de la découverte du ciel et des étoiles a évolué constamment : le big bang semble être une théorie qui se tient. L'astronome Edwin Hubble établit par ses observations au télescope en 1924 la nature extragalactique des nébuleuses. L'Univers venait encore de s'agrandir. Pourtant, cet immense univers se révéla n'être qu'un tout petit hameau perdu au sein d'une immense galaxie. Et maintenant, cette immense galaxie elle-même n'était plus qu'une goutte parmi une infinité d'autres gouttes, contenant chacune une infinité d'étoiles. Avec dans l'une des gouttes de cette pluie cosmique, notre Soleil, microscopique, quelconque, anonyme, entraînant autour de lui ce misérable atome de pierre et d'eau qu'est notre Terre.

Mais, imaginons alors ce qu'était l'Univers il y a mille ans, par exemple : il était évidemment plus petit, puisque depuis mille ans les galaxies se fuient les unes les autres. Et de même, il y a un million d'années, ou un milliard d'années, l'univers était encore plus petit...En remontant le temps de cette façon, on arrive nécessairement à un instant où toutes les galaxies étaient réunies en un seul point ; de la même façon que si on filme l'explosion d'une grenade qui projette des éclats dans toutes les directions, lorsqu'on passe le film à l'envers, on voit tous les éclats revenir en arrière et se réunir à nouveau en un seul point. Ainsi, les observations de Hubble semblaient indiquer que l'univers dans son entier était en expansion, depuis cet instant lointain où, pour la science, il avait jailli du néant.

Le big bang nous a fait découvrir une histoire imprévue et fantastique. Il a eu une naissance, grandiose, il grandit maintenant, et peut-être connaîtra-t-il un jour la vieillesse et la mort. L'histoire connue commence alors que l'univers avait déjà atteint l'âge de 10-43 secondes. - le temps de Planck- Avant, on ne sait rien. Cette période inconnue est d'une brièveté inouïe : à cet « âge » de 10-43 secondes l'univers était vraiment tout petit : il était alors des millions de milliards de fois plus petit qu'un atome ! Il était chaud, une fièvre gigantesque, cosmique ! Des milliards de milliards de degrés ! Puis, pour une raison inconnue que les scientifiques ne s'expliquent pas, le vide si vivant s'est mis à enfler. (1)

C'est comme si quelqu'un a donné le signal du début. En moins de temps, qu'un battement de cil (entre 10-43 et 10-32 seconde), son volume a été multiplié par 10-50 (10 suivi de 50 zéros) ! On ne sait toujours pas ce qu'il y avait avant justement le temps de Planck A cette question posée autrement : "Que faisait Dieu avant de créer l'univers ?" Saint Augustin eut cette réplique sas appel :"Dieu préparait l'enferpour ceux qui se posent cette question"...

Sans que l'on sache pourquoi, sont apparues les premières particules de matière. Après cette barrière fatidique des trois cent mille ans, des nuages de gaz se sont formés. Ils donnèrent naissance aux milliards de galaxies pendant près de 14 milliards d'années. Il a donc fallu attendre des milliards d'années, attendre que protons et électrons s'unissent en atomes d'hydrogène, attendre qu'ils s'assemblent en étoiles, pour voir naître enfin ces atomes plus lourds, nos atomes ; et c'est donc d'une « chose » minuscule que le monde est apparu, lors d'une explosion initiale. Les éléments qui composent notre corps sont ceux qui, naguère, fondèrent l'univers. (1) 

La découverte du boson de Higgs annoncée début juillet 2012 est essentielle car les particules de lumières initiales n'avaient pas de masse. C'est le boson de Higgs qui les a « alourdies ». Une partie de l'énergie devient matière. Cependant, écrit David Larousserie, officiellement, le Cern n'a pas parlé de ´´découverte´´ mais de ´´particule compatible avec le boson de Higgs ´´Imaginez que cette particule est un gros lièvre tapi au bord d'un champ de blé, immobile. Si les couleurs sont identiques, l'animal est invisible. Si le champ de blé se met à osciller sans que le lapin bouge, alors en observant suffisamment longtemps on pourra voir la bête.´´ Le champ de blé est créé par les violentes interactions entre des paquets de protons lancés l'un contre l'autre à des vitesses proches de la lumière. Fin de l'histoire ? Pas du tout ! Il faut s'assurer que ce qu'on a vu est bien le fameux boson BEH, tel que prévu par la théorie. (...) A l'origine du monde, tout n'était qu'énergie ou rayonnement. Point de particules, encore moins de lapins. Le calme plat dans un environnement très chaud. Puis l'Univers grandit et du coup la température baisse. Pour l'Univers, à ce moment-là, une partie de l'énergie devient matière, un peu comme une partie du liquide devient gaz. Ce qui était plat, identique dans toutes les directions, devient turbulent et asymétrique (...) Plus précisément, une partie de ce qui n'était qu'énergie devient matière stable et pesante. Le boson BEH leur a donné leur masse. Mais qui a donné la masse au boson ?(2)



Le boson de Higgs a-t-il révélé l'existence de Dieu ?

Le recours réccurrent à Dieu dans les découvertes même de la part de physiciens intrigue. C'est peut être une constante de la tentation prométhéenne de l'homme. On a d'abord parlé du visage de Dieu et maintenant de la particule de Dieu. Jean Le Mosellan du Monde écrit : « C'est pas nouveau Le visage de Dieu a été entrevu lors de la découverte de la radiation fossile par George Smoot, Nobel de physique 2006. Cette radiation constitue le « fond diffus cosmique ».Résidu du formidable éclair produit au point zéro du big bang. Cette radiation est « une radiation pour laquelle il n'existe aucune source connue dans l'Univers » (Arno Penzias, Nobel de physique 1978) Il s'agit d'un rayonnement uniforme dans toutes les directions. Où faut-il en rechercher l'origine ? De manière naturelle avant le big bang, moment où la matière et l'énergie n'existaient pas encore « C'est une création à partir de rien. L'apparition à partir de rien de notre Univers. » dit George Smoot. Instant inouï où apparaissent à la fois Matière et Espace- Temps. « L'évolution du Monde peut être comparée à un feu d'artifice qui vient de se terminer... Nous voyons s'éteindre doucement les soleils et cherchons à reconstituer l'éclat disparu de la formation des mondes » écrit Hubble. (...) Toutes ces lois semblent issues « d'un esprit immensément supérieur à celui de l'homme » dit Einstein qui croyait « au Dieu de Spinoza révélé dans l'harmonie du monde, mais pas en un Dieu qui se préoccuperait des faits et gestes de chacun ». (3)

"La découverte du boson de Higgs écrit Fabien Trécourt, appelé aussi ´´particule de Dieu´´, devrait éclairer les scientifiques sur l'origine de l'univers. Mais les nouvelles réponses ne sont pas sans poser de nouvelles questions... Pour la première fois, le Cern annonce officiellement avoir observé la ´´particule de Dieu´´. Elle doit ce surnom à Léon Lederman, prix Nobel de physique en 1988. Pour vulgariser, certains physiciens décrivent les bosons de Higgs comme une sorte de ´´ciment´´, une colle pour toutes les ´´briques´´ de l'univers : Concrètement, les plus petits éléments qui composent l'univers, les quarks, n'ont pas de masse à l'origine. Quand ils se déplacent, on suppose qu'ils traversent un ´´champ de Higgs´´, omniprésent, qu'on peut assimiler à un champ de neige dont les bosons seraient les flocons. Les quarks se couvrent de bosons comme on se couvrirait de neige. Ils acquièrent ainsi une masse et peuvent se lier pour former de nouvelles particules. Celles-ci, à terme, donneront de la matière. (...) Néanmoins, cette découverte ´´pose autant de questions qu'elle apporte de réponses, précise le bulletin du Cern. Par exemple, qu'est-ce qui détermine la masse du boson du Higgs´´ ? On serait tenté de reformuler : quelle est l'origine de l'origine ? Tant que les scientifiques ne seront pas remontés au big-bang lui-même voire à ce qui l'aurait précédé, il est à parier que les religions se satisferont de leurs propres explications sur la création de l'univers" (4)

« Nous savons à l'heure actuelle que l'univers est constitué de matière, nous savons ce qu'il y a dans cette matière, mais nous ne savons pas quelle est son origine. (...) Cette découverte nous permettrait d'expliquer l'origine de la matière, c'est-à-dire ce qui s'est passé un millième de milliardième de seconde après le big-bang. C'est en effet de ce moment-là que date la formation du boson de Higgs. A l'heure actuelle, nous savons que l'univers est constitué de matière, nous savons de quoi est faite cette matière, mais nous ne savons pas comment elle s'est formée. Le champ d'énergie formé par les particules de Higgs remplit l'univers. Avant d'entrer en interaction avec ce champ, toutes les particules sont dépourvues de masse et se déplacent à la vitesse de la lumière. Mais en traversant ce champ d'énergie elles se chargent d'une masse Mais toutes les particules n'interagissent pas de la même manière avec le champ de Higgs. La lumière, par exemple, n'interagit pas avec lui et les photons de lumière continuent à se déplacer très vite.(5)

Avec le boson de Higgs, a-t-on alors, encore besoin de Dieu ?

Tout d'abord, il faut bien rappeler que la science et la théologie n'ont pas le même objet de recherche, ni les mêmes méthodes, et que, si un rapprochement doit avoir lieu, ce n'est pas dans le sens d'une confirmation de la théologie par la science. Au Vatican, le jésuite Guy Consolmagno, astrophysicien, a tenu à rappeler que l'expression ´´Particule de Dieu´´ est une plaisanterie : elle correspond tout au plus à l'idée de vouloir décrire la particule ´´comme un don de Dieu afin d'aider à expliquer comment la réalité fonctionne dans le monde des particules élémentaires´´.(6)

Souvenons-nous, le mot big bang est né en 1949. Et le Vatican s'en est saisi pour dire que la Création a bien eu lieu. C'est ainsi que la lumière fut dans la Genèse. Cette fois, l'hypothèse va encore plus en profondeur, au coeur de la question : on suppose qu'il existe un élément primitif à partir duquel a émergé le monde. Nous l'appelons Création dans la mesure où il est l'action d'un créateur intelligent qui a pensé et voulu l'univers. Ces différents points identifiés ont un certain rapport avec la phase initiale de la création ; toutefois, la cause réelle ne peut pas être dans ces faits scientifiques, mais dans un Être intelligent que nous appelons Dieu, dont l'action est la Création. Il appartient à la science d'identifier le « facteur primaire » du point de vue matériel, cependant, supposer l'existence d'un créateur nécessite un saut philosophique. Il se peut que même cette merveilleuse découverte n'indique pas l'acte initial de la matière, mais il est indéniable qu'il existe un commencement de la création. Le boson de Higgs est la pierre angulaire finale qui manquait au « Modèle Standard », la théorie qui décrit la structure de la matière. Le Modèle Standard unifie deux forces de la nature (électromagnétique et nucléaire faible) pour montrer qu'elles sont les deux faces d'une force plus fondamentale.(7)

Les scientifiques disent que la science a si bien rempli les « trous » dans nos connaissances qu'on n'a plus besoin de Dieu. Mais l'idée que seuls les « trous » de la connaissance scientifique indiquent l'oeuvre de Dieu (surnommé le « Dieu-des-trous ») est confuse. (...) Mais le « Dieu-des-trous » n'est pas le Dieu de la Bible. Là, on y apprend que Dieu est impliqué dans ce que nous comprenons déjà, aussi bien que dans ce que nous n'avons pas encore compris. Le Pr C. A. Coulson, qui inventa l'expression le Dieu-des-trous' écrit : « Lorsque nous nous approchons de l'inconnu dans la science, notre règle n'est pas de nous réjouir d'avoir trouvé Dieu ; mais de devenir de meilleurs scientifiques. » (8)

Hicham Abdel Gawad a analysé le conflit entre les scientifiques et les théologiens. Il écrit :
Pour le sacré, la meilleure attitude, pour le croyant, c'est de se dire : j'accepte ce qui est dit dans les textes sacrés, dans la mesure où ils le sont réellement, qu'il n'y ait pas de doute là-dessus, mais cela ne doit pas m'empêcher de vérifier ce que je peux vérifier et de comprendre le sens profond qui y est contenu. Pour le scientifique c'est de se dire qu'il y a quelque chose qui mérite que l'on s'y arrête, sans a priori d'aucune sorte et d'étudier ces textes sacrés de la façon la plus objective possible et d'en tirer les conclusions qui en ressortiront inévitablement, même si elles vont à l'encontre de ce qu'il croyait jusqu'à présent. La Science moderne semble, en effet, incapable d'expliquer l'eschatologie par exemple car il concerne l'avant et l'après de la Création et ne peut donc être acquis par le savoir humain si ce n'est grâce à la Révélation divine. Certains versets (la majorité en réalité) échapperont donc à toute approche scientifique.(9)

Reste que l'énigme de l'existence du boson en pose d'autres. Ainsi, les forces qui régissent le monde ont-elles été autrefois unies en une seule et même ? Si la science a la prétention de nous renseigner sur nos origines, elle est cependant incapable de nous offrir ne serait-ce qu'une théorie sur notre devenir après la mort.

1. http://www.alterinfo.net/LA-CREATION-DE-L-UNIVERS-Ce-que-disent-la-science-et-les-religions_a36491.html
2. David Larousserie : Les physiciens ont découvert le boson de Higgs Le Monde 4 07 2012
3. http://www.lemonde.fr/idees/chronique/ 2010/06/09/le-visage-de-dieu_ 1369808_3232.html
4. Fabien Trécourt - http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/le-boson-de-higgs-a-t-il-revele-l-existence-de-dieu-10-07-2012-2627_118.php 10/07/2012
5. http://www.lexpress.fr/actualite/sciences /boson-de-higgs-nous-sommes-sur-le-point-de-comprendre-l-origine-de-la-matiere_ 1134355.html
6.http://www.lavie.fr/chroniques/chretiens-en-debats/avec-le-boson-de-higgs-a-t-on-encore-besoin-de-dieu-06-07-2012-29112_290.php
7. http://benoit-et-moi.fr/2012%20(II)/045500 a02d0f3c31a/045500a08b0d06703.html
8. « God and the Big Bang and the science-faith debate » de Michael Poole, Université de Londres, publié par C.P.O., Worthing, BN13 1BW, G.B., 1996
9. Hicham Abdel Gawad : La religion, les scientifiques, les théologiens... Et l'islam dans tout ça ? Oumma.com 3 janvier 2011.

Professeur émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz


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