Le bilan (in)sécuritaire de Sarkozy
par Aurélia Lemonnier
jeudi 1er mars 2007
Nicolas Sarkozy s’est félicité de son bilan. Pourtant, si les médias à sa botte ont relayé ses gargarismes, force est de constater que la réalité est bien différente...
C’est lui qui voulait être jugé sur son bilan, mais avant tout le monde, il s’est félicité de sa réussite, pourtant fort discutable. Il s’est dit "bravo" tout seul, vite, vite, avant que l’on se penche sur les chiffres concoctés par son équipe, avant que quelqu’un n’analyse ces résultats. Heureusement pour lui, de nombreux médias se couchent devant lui et reprennent ses paroles en boucle. Alors beaucoup de gens y croient. Comment leur en vouloir ? Peut-on demander à tout un chacun de lire différents journaux pour préserver la pluralité de l’information et surtout démonter les mensonges des candidats et en particulier de celui qui a une longueur d’avance (dans le mensonge) !
La première chose que fit Sarkozy , en arrivant place Beauvau, fut de rompre avec le triptyque prévention-répression-réparation qui fondait la politique de sécurité du gouvernement Jospin (l’"ordre juste", revendiqué par la candidate socialiste) pour prôner le tout-répressif : "le nouveau Gouvernement, déclare-t-il en 2002, est convaincu que la répression est la meileure des préventions" ; il persiste en 2006, au moment de l’examen de la loi sur la prévention de la délinquance : "La sanction est donc le premier outil de prévention". Les Français, plus proches des réalités, pensent à 63% (sondage LH2, oct. 2006), que la priorité en matière de lutte contre l’insécurité est la lutte contre le chômage et l’exclusion. C’est aussi l’avis des policiers, comme Gérald Noulé, secrétaire général du SNPT, qui interpelle son ministre : " J’attends maintenant du gouvernement le grand volet prévention de sa politique de sécurité." Il peut toujours attendre, car Nicolas Sarkozy, au contraire, démantèle la police de proximité mise en place par ses prédécesseurs Jean-Pierre Chevènement et Daniel Vaillant. Ainsi, alors que grâce à l’action du directeur départemental de la sécurité publique, la situation est redevenue normale à Toulouse, après les émeutes de 1998 et l’état de guérilla urbaine qui en avait découlé, alors qu’on vient d’y enregistrer, en 2002, une baisse exceptionnelle de la délinquance (-4,8%), le DDSP, loin de recevoir les félicitations méritées, se fait remonter les bretelles devant tout le monde, par Sarkozy en personne.
S’ensuivent, à l’initiative du ministre, une douzaine de lois répressives ! Cette inflation législative visant à le faire passer pour un homme d’action, apporte plutôt la preuve de son inefficacité (pourquoi cumuler une douzaine de lois quand on aurait pu en faire une seule, mais bonne ? ou même faire appliquer celles qui existent déjà..., mais ça...vous comprenez, ça se voit moins ! Puisqu’on vous dit que l’on ne cherche pas le résultat, mais seulement à donner l’impression d’agir).
Pour se donner de la crédibilité devant les gogos, celui qui ambitionne de gouverner la France, prend la petite lucarne en otage et prétend que les délinquants mineurs bénéficient de laxisme et ne sont jamais incarcérés (ce que corrige à chaque fois le syndicat de la magistrature, avec un relai médiatique presque inexistant, simple hasard ?).
Plutôt que de s’attaquer aux filières de la prostitution et de la mendicité, ce sont ces femmes et hommes en galères qui se retrouvent en prison. Avec Sarkozy, on s’attaque donc aux victimes !
Visiblement, son ambition est d’entraîner la France sur la même pente que Bush l’a fait aux Etats-Unis, en adoptant le "Patriot Act" après les attentats du 11 septembre 2001 (qui remet en cause l’habeas corpus qui fonde la justice anglo-saxonne). Comme son maître outre-atlantique (avec 715 détenus pour 100 000 habitants, les Etats-Unis sont le premier pays en matière d’emprisonnement), il incarcère à tour de bras et déclare ensuite, avec son aplomb habituel, que la droite a amélioré l’état des prisons.
Pour mener à bien cette politique du tout répressif, du tout carcéral, le mieux est d’inféoder le pouvoir judiciaire au ministère de l’intérieur : La séparation des pouvoirs qui fonde notre République (cf Constitution) et toutes les vraies démocraties est donc remise en cause, et les syndicats s’en inquiètent ("Nous voulons défendre l’indépendance de la justice") en vain : la place Vendôme doit désormais servir la place Beauvau et Sarkozy sanctionne le vice-procureur Didier Peyrat pour avoir tenté d’alerter l’opinion, quand lui se permet d’accuser la justice de laxisme via les "grands" médias qui lui ont fait allégeance.
Si encore cette politique donnait des résultats... mais c’est tout le contraire !
le bateleur en chef avance fièrement une baisse de la délinquance de 8,3 %. Pourtant, si l’on y regarde de plus près, on se rend compte que les violences les plus graves -celles faites aux personnes- n’ont cessé d’augmenter (+ 40 %). On constate que si les plus riches, sont toujours mieux protégés par les nouvelles technologies, les plus modestes sont les premières victimes !
Beaucoup n’ont même plus confiance en la police qui les traite avec mépris et dureté depuis que Sarkozy les y a officieusement encouragés (quoi qu’il en dise officiellement), et ne déclarent même pas les actes délictueux dont ils sont victimes à des policiers qu’ils ne voient plus sur le terrain depuis la disparition de la police de proximité.
Par ailleurs, avec la culture du chiffre généralisée par leur ministre ("L’objectif [...] une baisse de 20 % de la délinquance d’ici 2006 par rapport à 2002", déclare-t-il devant les préfets, prouvant une fois de plus, comme avec les quotas de sans-papiers, qu’il décide de tous les chiffres à l’avance, sur quelle base ? ), les policiers sont invités à être "efficaces" : "quand une bande [...] casse 30 voitures [...] pour alléger les statistiques, il suffit de tout rassembler dans un seul fait." reconnaît un commissaire de banlieue. Un policier expérimenté complète : "Une voiture fracturée, on fait passer ça dans la catégorie dégradation, et ce n’est plus un délit", "un roulotier arrêté, on peut lui mettres sur le dos toutes les voitures cassées du quartier, c’est autant de faits élucidés", ajoute-t-il. On enregistre aussi des plaintes en mains courantes, quand on ne les fait pas tout simplement disparaître.
Le rapport gouvernemental conclut finalement non à une baisse, mais à une hausse de 19,5 %.
Plutôt que de s’attaquer aux causes sociales de la délinquance, Sarkozy prône donc un durcissement de la police et de la justice et remplit les prisons en faisant mentir les chiffres de son bilan finalement désastreux !