Le bonheur des salariés est-il possible ?

par Didier Cozin
mardi 7 juin 2011

C'est face à la souffrance (évidente) au travail de nombreux salariés la question que se posent nombre de DRH aujourd'hui.

Bien évidemment avant de tenter de répondre à cette question il faut ne pas embrayer instantanément sur les idéologies et mythes des 19 et 20 ème siècle (l'exploitation capitaliste, les travailleurs dessaisis du fruit de leur travail, la cupidité des patrons, le mercantilisme...).

Ne pourrait-on, loin des modèles idéologiques des siècles passés (que comprendraient Marx ou Jaurès à Facebook ou à Apple ?) s'interroger sur la relation salariale au XXI ème siècle et tenter de travailler ensemble plutôt que de se confronter vainement (tout en comptabilisant nos défaites sociales et économiques) ?

Plutôt que de parler du bien être des salariés je pense qu'il faut désormais s'interroger sur le bien être et les possibilités de développement des travailleurs.

A mon sens c'est en effet toute la relation salariale qui est interpelée depuis l'aube du XXIè siècle.

D'une part les entreprises ont été déresponsabilisées face aux difficultés laborieuses des salariés. Le stress, les objectifs intenables, la faible formation ou la simple démotivation au travail ne semblent pas les concerner.
Payant beaucoup de charges elles estiment que tout cela ne relève pas de leur responsabilité ni de leurs compétences (et par ailleurs le code du travail les pousse aussi à se désintéresser de nombre de sujets sociaux) mais de l'Etat et des régimes sociaux.
Dans ce monde figé et spécialisé il y aurait donc la sécu, le CE ou les régimes assurantiels pour panser les maux du travail et l'objectif serait rarement d'être bien ensemble au travail (et donc de bien travailler).

Par ailleurs la relation salariale est de plus en plus problématique entre un employeur qui se méfie (parfois à juste titre) de ses salariés et des salariés qui eux aussi n'ont guère confiance dans leur employeur (ils n'ont pas toujours tort non plus). Le tout est parasité par un code du travail de plus de 3 000 articles où tout est écrit, codifié et qui ne laisse donc aucune marge de manœuvre aux partenaires sociaux (ou alors dans le sens du toujours plus, un cliquet qu'il faut enclencher en permanence et qui entraîne le travail dans des coûts stratosphériques).


Sans confiance il n'y a ni économie ni travail et cette confiance manque partout dans notre pays bien malheureusement (pas seulement la confiance entre employés et employeurs, mais aussi entre l'Etat et les citoyens, l'Etat et les forces sociales, entre acteurs économiques...)


Comme l'a écrit Guy le Boterf, le neurones ne se mettent pas en route au coup de sifflet. Dans beaucoup de métiers il faut désormais être mobilisé, inventif, créatif, mobile, entreprenant, ingénieux...toutes ces qualités désertent peu à peu le champ du travail salarié parce que sans confiance réciproque le travail ne peut être que de la répétition.

Prenons l'exemple d'Internet.
Les salariés français passent en moyenne (au travail) 94 minutes sur Internet (selon une étude d'une société de filtrage internet : Olféo) dont 63 % à des fins personnelles. Cela fait sur une année environ 30 jours à ne pas travailler mais à surfer sur Facebook, Youtube, Wikipedia ou le boncoin.fr.

Si jamais la société met en place un filtrage Internet (coûteux et pas forcément efficace) il restera toujours au salarié la possibilité d'utiliser son smartphone pour surfer, faire ses courses ou ses petites affaires sur Internet.

Plutôt que de faire confiance et de permettre le télétravail et donc le travail par mission, sans lien avec des horaires réguliers et précis nous préférons rester sur des modèles obsolètes où il faut pointer (badger) pour faire ses heures. Peu importe qu'on fasse ou non semblant de travailler (on appelle cela le présentéisme).

Il me semble que la relation salariale va beaucoup souffrir dans les prochaines années, en l'an 2000, 93 % des travailleurs étaient salariés alors qu'en 1945 ils n'étaient que 50 %. Nous rejoindrons sans doute ce taux de 50 % à l'horizon 2020.

Le salariat n'a pas toujours existé dans la société française. C'est même une invention du XIX ème siècle quand il s'est agit de fidéliser les travailleurs dans les manufactures ou les mines. Nous pourrions revenir à des temps nouveaux où ce fameux lien de subordination (de plus en plus mal accepté) n'existera plus, le salariat laissant la place à des contrats de chantier qui cesseront quand le chantier aura été menés.

Le rôle de l'Etat (s'il existe toujours) ne sera plus de contrôler, sanctionner mais d'accompagner les travailleurs entre deux missions, de les requalifier, de les sécuriser professionnellement.

Le XXe siècle laborieux est sans doute derrière nous, le travail indépendant ou dans de petites équipes a tout son avenir. On se réunira le temps d'une mission ou d'un chantier, on travaillera (cher) sans compter ses heures (autres aberrations actuelles) et à l'issue du travail on se formera en attendant de construire un autre chantier.

Le XX è siècle a cru qu'il pourrait changer l'homme pour changer la société, cette vision totalitaire ne pouvait échouer parce qu'elle était guidée par le haut. 

Personne ne pourra changer la société, personne n'a le pouvoir d'empêcher 1,5 milliard de chinois d'accéder au confort économique et à un mieux être social, les forces mondialisées qui secouent la planète sont irresistibles et seule une catastrophe écologique majeure (peut être possible) peut stopper ces mouvements gigantesques.

Le XXI è siècle est une vague, face à la vague Duddley Lynch l'a écrit (La stratégie du dauphin), il y a 3 réactions possibles (un peu plus dans le livre) :

- La Carpe : s'enfouir sous la vase et espérer un avenir meilleur en lorgnant du côté du passé (

- Le requin : manger ou tuer l'autre avant qu'il ne vous tue (le cadre stressé et ambitieux du XX è siècle)

- le Dauphin : surfer sur la vague et épouser le changement sans dévier de ses objectifs finaux mais en prenant tous les chemins possibles pour y parvenir.


Pour comprendre, aborder et se développer dans la nouvelle économie de la connaissance et de l'information il faudra plus que jamais utiliser cet outil génial et capable de miracles dont la nature nous a universellement doté : notre cerveau.



Didier Cozin
Auteur des ouvrages "Histoire de DIF" et Reflex DIF
 


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