Le bookmaker

par Elric Menescire
mercredi 22 février 2023

« C’est…l’histoire d’un mec… »

-Coluche

Entré "par effraction" à l'Elysée comme il l'avoue volontiers lui-même, Macron était l’individu idéal pour exploiter la faille démocratique française en profondeur, et la mener à son point de rupture : une faille consubstantielle à la faillite des partis politiques traditionnels, dits « de gouvernement », et qui se sont totalement déconsidérés en se vendant corps et âme à la social-démocratie européenne. Des partis en état de mort cérébrale, mais qui paradoxalement n’ont pas su conserver un pouvoir qu’il est relativement facile de garder.

Qu’on en juge par le verrouillage désormais quasi-total des institutions de la Vème, qui permet à un président de faire pratiquement ce qu’il veut une fois qu’il est élu. Ce qui est sans aucun doute la cause de la chute des partis traditionnels d’ailleurs : tout habitués à faire n’importe quoi en termes de promesses comme d’action, pour finir par aller tous dans le même sens, authentique droite comme prétendue gauche… c'est à dire par finir à appliquer tous la même politique, une politique de droite qui ne s’assume même plus…

Macron poussera le bouchon encore plus loin : élu sur du vide et s’appuyant sur lui, il réussira à s’engouffrer dans la brèche des institutions moribondes de cette république qui n’en a plus que le nom. Une brèche laissée béante par les précédents occupants, partis précipitamment se recaser au soleil dans le privé, comme à leur habitude.

Une brèche qu'il va s'employer à élargir de plus en plus, jusqu'à l'éclatement.

Portrait hallucinant d’un individu halluciné, dans un monde au bord de l’abîme.

 

Le liquidateur

Les tenants de la droite et de la gauche de gouvernement laissèrent derrière eux un pays en voie de décomposition, et en ce sens Macron aurait pu être qualifié de liquidateur : sa mission n’était-elle pas de préparer le pays comme l’éleveur prépare l’agneau, avant de l'envoyer à l’abattoir ?

Car oui, la France va y passer, n’en doutez plus un seul instant. Il n’y a pas d’alternative, si ce n’est de perdre un œil, une main ou sa liberté…voire sa vie.

La toute-puissance du président français est en effet inédite, et à même de lui permettre de faire pratiquement ce qu’il veut, durant tout son mandat : nulle part ailleurs, dans les sociétés qui se disent « démocratiques », un président n’a autant de pouvoir que le président de la République française. Que ce soit en matière institutionnelle, comme en matière législative voire militaire, son pouvoir est sans égal : article 16 (état d’urgence, pleins pouvoirs, sûreté nationale), pouvoir de dissolution de l’Assemblée, pouvoir de nomination (du 1er ministre, de 3 membres du Conseil constitutionnel dont son président, des ambassadeurs, des hauts fonctionnaires, des préfets, des directeurs de la fonction publique…), pouvoir de référendum (donc aussi pouvoir de ne pas l’utiliser), contrôle des armées (y compris le feu nucléaire) …

Mais au final tous ces pouvoirs ne seraient rien s’ils n’étaient minorés, en théorie du moins, par des mécanismes de contrepouvoir comme ils devraient normalement l’être. Alors oui, sur le papier c’est le cas (Assemblée, Sénat, Conseil Constitutionnel) mais dans les faits, il apparait que ce sont des institutions qui peuvent être contournées relativement facilement. Ce qui nous fait dire qu’un pouvoir mal acquis et donc construit sur des bases chancelantes, comme l’est celui de la Vème République, ne peut à la fin que s’écrouler.

Et pour cela il faut remonter à de Gaulle, plus particulièrement lorsque celui-ci parvient à ses fins en 1962, en imposant l’élection du président au suffrage universel via référendum, tout ceci dans un contexte de crise politique et institutionnelle induit par la guerre d’Algérie…certains disent très clairement qu’il a à ce moment précis tordu la Constitution, et planté les germes de la crise que nous traversons aujourd’hui. En gros, qu’il s’agit quasiment d’un coup d’état constitutionnel : car l’élection présidentielle devient ainsi en1962, l’alpha et l’oméga des partis politiques, ce qui n’était certainement pas le cas auparavant, où la vie parlementaire était bien plus privilégiée.

Eh oui : désormais, le suffrage universel direct introduit un lien bien plus direct entre l’élu et « son peuple », rendant cette élection déterminante pour tout le reste. Les législatives ne deviennent qu’une simple confirmation de la présidentielle (et ce d’autant plus avec Chirac qui alignera les dates des deux élections), là où auparavant elles étaient un enjeu bien plus prégnant dans la lutte pour le pouvoir.

 

Le troll

La meilleure façon de vérifier cette analyse est de se pencher sur le conflit en cours, concernant la contre-réforme des retraites. Avec une constance qui force le respect, cette contre-réforme est massivement rejetée par les Français, de l’ordre de 70% pour l’ensemble de la population, sur plusieurs sondages et ce depuis plusieurs mois.

Mais encore plus par les principaux concernés : 90% de rejet chez les salariés… Incroyable cependant, car rien n’y fait : malgré des manifestations inédites depuis plus de trente ans, et là où un Juppé avait dit en 1995 « si le nombre de manifestants dépasse les 2 millions, mon gouvernement n’y survivra pas », aujourd’hui nous en sommes presque à 3 millions de manifestants et … rien. Ou plutôt si : j’aurais pu intituler ce billet le forcené, car il faut voir l’obstination avec laquelle le résident de la République maintient que sa contre-réforme se fera, et feint d’ignorer les braises de la colère qui gronde, tout en soufflant vigoureusement dessus. Il était encore ce matin allé narguer les salariés de Rungis, ceux qui se pètent le dos dès 3 heures du matin pour soulever des carcasses de bœuf de plusieurs dizaines de kilos dans le froid et l'humidité, et qui se retrouvent dès 35 ans complètement cassés par le travail. « Il faudra travailler un peu plus » leur a-t-il lâché d’un air pincé de maître d’école, véritable donneur de leçons dans son costume immaculé, avant de s’en aller faire le mariole ailleurs.

Si ça n’est pas du trollage comme le disent certains, je ne sais plus ce que c’est.

Du coup j’aurais aussi pu intituler cet article le troll, ça l’aurait aussi bien fait.

Mais pourquoi Macron se permet-il tout cela ?

Certains me rétorqueront qu’il est inconscient, fou, drogué ou que sais-je.

Je pense au contraire qu’il est parfaitement conscient qu’il peut se permettre de le faire. Tout est, dans son esprit, histore de dosage.

Il est le président français, président avec des pouvoirs à nul autre pareil dans les démocraties occidentales, je le répète. A nul autre pareil.

Aux USA par exemple, Biden n’aurait jamais pu faire ce que macron fait avec l’Assemblée ou le Sénat, et encore moins mépriser l’avis général des trois quarts de la population qui rejettent en bloc sa contre-réforme depuis des mois. Les élections de mi-mandat (ou midterms) auraient mis un terme définitif à ce genre de mépris dont macron est désormais un habitué, vu que chez nous, une fois élu (et à moins d’assassiner quelqu’un en direct sous l’œil des caméras du monde entier), un président est intouchable et peut faire absolument ce qu’il veut durant cinq ans. Sans aucun risque, si ce n’est de déplaire au bon peuple. Biden (ou tout autre président américain) est obligé de lâcher du lest dès sa mi-mandat (c’est-à-dire au bout de deux ans), donc en réalité bien avant… dès la première année de son élection, et passée la période de grâce de quelques mois, s’il ne veut pas perdre sa majorité au Congrès il est obligé de composer. La totalité des 435 sièges du Congrès Américain est en effet renouvelée à l’occasion de ces midterms, ainsi qu’un tiers des sièges du Sénat.

Alors bien sûr, les USA ont d’autres problèmes qui font qu’aujourd’hui, sans aucun doute ces mécanismes authentiquement démocratiques -que la France ne possède pas je le rappelle- ne suffisent plus à assurer le bien-être de la population, loin de là. Dans un pays où 46 millions de personnes (soit 15% de la population) vivent depuis des décennies dans une situation de pauvreté telle que sans bons alimentaires, elles ne pourraient subvenir à leur besoins…sans parler des 1,6 million d’enfants qui vivent à la rue…avec 735 milliardaires s’accaparant plus 40% des richesses produites, dans un tel pays, le niveau d’inégalités est en lui-même le révélateur d’un effondrement sinon en cours, du moins en gestation avancée.

Toujours est-il qu’au jeu de « qui est le pays le plus démocratique ? » les USA l’emporteraient encore haut la main sur la France.

 

Le pyromane 

Nous le constatons donc : les institutions délétères de la Vème servent parfaitement un individu tel que Macron.

Alors oui, certains me rétorqueront sans aucun doute que Macron n’est pas le seul à blâmer. Et dans un certain sens, c’est vrai. Car de tous temps, les présidents de la République Française ont plus ou moins tous fait ce qu’ils voulaient, ne nous en cachons pas. Mais la différence avec le spécimen qui nous intéresse tient en quelques mots : il y avait quand même une certaine forme si ce n’est de crainte, du moins de respect prôné, et affiché. De la retenue, quoi.

Chirac craignait les manifestations massives et la désapprobation populaires, la preuve le retrait du CPE et ce plus de deux mois après son adoption par le Parlement en 2006. Il craignait la colère populaire, ou du moins il souhaitait s’en dispenser quand c’était possible. Et rappelons-nous qu’en 2006, quand de Villepin retire le CPE, Chirac ne voulait plus se représenter…ce qui nous fait conclure qu’il tenait compte de la colère populaire, non pas par peur de perdre sa tête, ou de ne pas se faire réélire, mais plutôt par un certain esprit de cohésion nationale.

Ça peut paraitre pompeux j’en suis conscient, mais je suis persuadé que l’ancienne classe politique, celle dont Chirac était le dernier représentant, avait à cœur de ne pas fracturer un pays que somme toute, ils chérissaient. Malgré (ou plutôt avec) ses manifestations de Gauche voire d’extrême-gauche, et malgré les blocages, les grèves, et l’esprit réfractaire d’une large partie de la population gauloise.

Manifestement, chez Sa Majesté Poudrée, c’est tout l’inverse : on sent en effet une quasi jubilation permanente à vouloir se faire peur, et ce en testant constamment la patience des français. Macron se comporte comme un petit toréador revanchard, qui irait régulièrement non pas planter de grosses banderilles dans l’échine de la bête pour ensuite la mettre à mort, mais plutôt titiller l’arrière-train de la bestiole à l’aide de milliers de petites aiguilles, plantées patiemment une à une.

Le but n'étant absolument pas de mettre a mort trop vite, mais plutôt de voir jusqu'où on peut aller.

Et bien sûr quand la bête souffre et rue un peu trop dans les brancards, et qu’elle fait mine de se rapprocher pour lui donner un coup de corne, le sale garnement court se réfugier derrière la palissade en bois massif de l’Elysée, protégé par ses centaines de gardes du corps et autres cerbères surarmés.

C’est bien une forme de pari : un pari fou, mais un pari quand même. Celui qui présuppose que la bête se lassera, résignée sur son sort, et passera à autre chose. Macron, en fait, parie sur la résignation. Il veut briser la bête, il veut briser totalement le mental et la volonté de cette France éternellement râleuse (comprendre : rebelle), il veut écraser aussi bien physiquement que moralement ces Gaulois réfractaires qu’il n’a jamais compris et que par-dessus tout, il méprise. C’est véritablement l’expression d’un mépris, ou plutôt d’une haine de classe à l’état pur. Il veut pouvoir haïr et briser ce peuple à loisir.

Mais si d’aventure… la bête refusait de se laisser faire ? Si elle faisait plutôt ce qui est dans son ADN, c’est-à-dire si elle refusait la résignation, prenait son courage à quatre pattes, et sautait par-dessus la barrière, pour tenter d'encorner son bourreau ?

Pas sûr que les picadores soient suffisamment nombreux pour l’arrêter à temps dans ce cas… voire même ne se lassent pas, à force, de devoir le faire, et la laissent mener sa charge à son terme.

Abandonnant la garde des palissades.

Mais comment en a-t-on pu arriver à de telles extrémités ?

Une extrémité telle qu’au fond, on sache tous pertinemment, que ça devra nécessairement se finir mal, très mal ? Que ça soit pour la bête, avec sa mise à mort, inévitable (rappelez-vous : il n’y a pas d’alternative), ou avec le toréador, qui peut finir encorné, et mourir dans d’atroces souffrances ?

Comment un individu tel que Macron peut faire ce qu’il fait, sans même essuyer une ultime ruade du taureau furieux ?

 

L’héritier

Le tournant de tout ceci se situe véritablement sous Sarkozy, et encore plus en 2005, puis en 2007.

Les institutions de la Vème ont permis à un président qui n’avait pas, qui n’avait plus le souci de la cohésion nationale, de jeter aux orties l’avis souverain des Français.

Oui oui, je parle bien du référendum sur le TCUE de 2005, rejeté à la majorité par plus de 55% des Français, et réadopté à plus de 90% de son contenu, sous la forme du Traité de Lisbonne en 2007, à l’initiative de Sarkozy. Un président qui manifestement, comme tous successeurs (et Young Leaders aussi d’ailleurs) se fichait comme d’une guigne de fracturer ou pas le pays. Un pays qu’au fond il n’a jamais vraiment aimé, comme tout bon mondialiste qui se respecte.

Sarkozy a tout à fait raison de dire de Macron qu’il est son « successeur » voire son héritier.

Car c’est le même mépris pour les français et ce qu’ils peuvent penser de leur politique antisociale et proriches qui les caractérise. Ainsi, là où le premier balancera, bien planqué derrière ses gardes du corps, à un pêcheur du Guilvinec en colère venu l’interpeller un « c’est toi qui a dit ça ? Ben, descends un peu le dire ! », le second lancera, tranquille devant un parterre d’admirateurs, un « qu’ils viennent me chercher » à l’adresse de tous ces gueulards qu’ils ne peut ni ne veut comprendre.

Et encore moins aimer.

Un héritier aussi, dans la façon de faire de la politique : il faut occuper le terrain, faire parler de soi, se montrer partout et tout le temps à son avantage, quand c’est possible. Avec une différence de taille cependant : là où Sarkozy, après son élection, disposait quand même d’un certain socle électoral de légitimité –car ses électeurs avaient acheté massivement ses mensonges électoraux, et ils y croyaient-, son héritier lui a très, très vite manqué de souffle.

Elu par défaut, Macron n’a jamais disposé de la légitimité de l’agité à talonnettes, ce dernier bénéficiant d’un taux exceptionnel de 84% de participation au premier et au second tour. Chose qui ne se reverra plus depuis. On se demande bien pourquoi ?

Ce qui expliquera également par la suite leurs différences de parcours : Sarkozy décevra très vite, et se prendra une belle veste en 2012. Une veste telle qu’elle impliquera de perdre face à un opportuniste de la pire espèce, un social-démocrate part-de-flan vendu à Bruxelles comme les autres… mais qui arrivera à faire passer la pilule auprès d’une majorité d’électeurs dégoûtés de la politique, et dépolitisés au point de porter ce libéral déguisé en socialiste au pouvoir. Je parle bien sûr de François « mon-véritable-adversaire-c’est-le-monde-de-la-finance » Hollande.

A l’inverse chez Macron, c’est le fil du rasoir qui prédomine. Elu puis réélu par défaut, grâce à une stratégie qui joue volontiers avec le feu, et avec une participation et un socle électoral anémiques, il n’a au fond, jamais convaincu la très grande majorité des français.

Et c’est ça qui semble lui plaire : l’adversité, non pas en ce qu’elle lui permettrait de se dépasser, mais plutôt en ce qu’elle lui permet d’aller toujours plus loin, pour tester jusqu’où il pourra réellement aller. Quitte à le regretter ensuite… Qu’on songe à l’acte III du mouvement des Gilets Jaunes, le 1er décembre 2018. Après des premiers actes puissants et inédits, le mouvement prend de l’ampleur. Les Gilets Jaunes remontent à Paris, en colère et déterminés à en découdre car ignorés par le gouvernement. Mais Sa Majesté n’en a cure : il envoie un message clair et net aux gueux en colère, partant à l’étranger en pleine crise majeure, pour ensuite revenir précipitamment une fois la capitale à feu et à sang… et non pas, revenir dans une posture d’apaisement -chose qu’il verrait comme une contrition, donc comme quelque part une atteinte à sa toute-puissance-, mais pour faire la morale en direct à la télévision, visitant l’Arc de Triomphe taggué, meurtri (condoléances aux familles des vitrines) tout en parlant de « foules haineuses » le soir même à la télévision, dans une allocution hallucinante où la remontrance le succède à la menace.

Touché dans son orgueil.

 

L’orgueilleux

C’est bien l’orgueil qui caractérise tout entier le personnage : qu’on y songe, le plus jeune président élu depuis la création de la République Française, depuis Napoléon Bonaparte… il y aurait de quoi en tournebouler la tête de plus d’un !

Est-ce à dire qu’il rentrera dans l’Histoire ? On sait tous que c’était l’obsession du prédécesseur de Chirac, mais c’était au conditionnel : rien de tout ça chez Manu la flibuste. Pour lui, il est déjà dans l’Histoire, il fait l’Histoire, il est l’Histoire.

Là où chez un animal politique aussi retors que pouvait l’être Tonton Mitterrand, c’était une interrogation philosophique, voire existentielle… chez l’individu bouffi d’orgueil qu’était déjà Macron avant son élection, chez ce golden boy devenu millionnaire à trente ans, c’est devenu non pas une affirmation, mais plutôt une confirmation. Cette élection, et la suivante -alors que ses deux médiocres prédécesseurs avaient soit échoué, soit abandonné- c’est bien la confirmation de son exceptionnalité. Une couche d’orgueil supplémentaire dans le sandwich rempli d’égo qu’il se mange tous les matins.

Il faut ainsi lire tout ce qu’il entreprend à l’aune de ce sentiment -pardon, ce ressenti- d’exceptionnalité. Il en rajoute des tonnes au mondial de foot, allant jusqu’à descendre sur la pelouse pour prendre dans ses bras un Mbappé abattu par la défaite, se ridiculisant et ridiculisant la fonction sous l’œil des caméras du monde entier, tout ça parce qu’il est le seul convaincu qu’il ne joue pas un rôle. Tout le monde le voit, tout le monde le constate, tout le monde est gêné… sauf lui.

Il se laisse prendre en photo à la Réunion, très tactile, avec une caillera à moitié à poil qui en profite pour faire un gros doigt d’honneur à tout le monde ? Il est le seul qui n’est pas gêné. Mais pourquoi le serait-il ?

Dans sa psyché tordue, tout tourne autour de lui. Il est cette « figure du Roi » dont il déplorait publiquement l’absence de la vie politique française, rendant la démocratie « incomplète » selon lui.

Ce qu’il faut comprendre, ici, c’est qu’il se voit comme le Roi Soleil, celui à qui rien ne peut résister.

L’Hubris à l’état chimiquement pur.

Ce qui nous conduit fatalement à la Chute : car à moins d’être invulnérable, la perfection n’est pas de ce monde. Peut-être devrait-il méditer cette fable qu’on apprend tous dès le collège ?

Ou, pour paraphraser la Fontaine :

« À force de s’enfler pour ressembler au bœuf,

La grenouille s’enfla si bien,

Qu’à la fin elle en creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages… »

 

Le chanceux

Prenez un shaker, et mélangez-y les ingrédients suivants :

Une bonne dose d’Hubris, une belle part de chance, un iota d’héritage, deux bonnes doses d’atlantisme, quelques grammes de haine de classe, beaucoup de cynisme et d’égocentrisme. Remuez-le tout, et rajoutez, à la cuillère, délicatement, quelques grammes de… jeu.

Versez dans un verre à cocktails, remuez : c’est prêt.

Nous pourrions alors porter la coupe aux lèvres, et constater, au vu de l'arrière goût extrêmement amer qui s'en dégage, que ce qui caractérise le petit Emmanuel, c’est finalement une conjonction assez incroyable de facteurs hasardeux, mais qui lui furent pratiquement tous favorables.

«  Il a un cul monstre çui-là » comme le dit parfois ma voisine, avec son bel accent chantant…

Arrivé au pouvoir par une chance ahurissante, il n’a en fait jamais cessé de jouer, et de gagner, ou à tout le moins de louvoyer sans trop y perdre de plumes. Il ne cesse de jouer : avec les mots et leur sens (quitte à le défaire), avec les nerfs des français, avec les institutions et les règles, voire avec les pronostics…ce qui nous fait dire sans hésiter que le qualificatif qui lui convient le mieux, finalement, c’est celui de parieur.

Et, globbish de startupper oblige, il n'y a aucun autre terme qui lui convient mieux que celui de bookmaker.

A ceci près qu'il parie bien avec notre fric, mais aussi accessoirement, sur nos vies.

Mais surtout, il est avant tout un parieur chanceux.

Macron est un joueur, mais un joueur de la pire espèce : il est de ceux qui misent gros à chaque fois. Et –fait incroyable-, comme dirait l’autre qui a désormais perdu sourcils et barbe, pour l’instant ça passe.

Il est tel un joueur de poker qui remettrait à chaque fois le budget de la maisonnée sur le tapis avec un grand sourire, tout en se demandant intérieurement, par quelque mécanisme psychopathologique tordu lui autorisant d’en jouir, si cette fois-ci encore son risque va payer.

Et sa propension à jouer sur plusieurs tableaux systématiquement (le « en même temps »), n’est renforcée que par cette incroyable chance qu’il semble avoir, pour l’instant, à gagner les nombreux paris, souvent absurdes d’un point de vue économique, politique ou social, qu’il fait à tout bout de champ.

Le « en même temps » ? C’est les fermetures massives de lits d’hôpital qui continuent durant l’épidémie...

C’est le second confinement, où on vous autorise à circuler pour aller travailler mais où on vous enferme à la fin de la journée « pour ne pas laisser circuler le virus », ce qui revenait à parier sur le fait que les gens ne se contamineraient pas suffisamment au travail (et donc dans les transports en commun) pour paralyser de nouveau le pays. Donc un pari sur la santé des français. Et ça passe.

Pareil pour le vaccin généralisé : emmerder, de la bouche même du gendre idéal, les réfractaires au vaccin suffisamment fort et longtemps, tout en rabotant les libertés publiques de tout le monde au passage, grâce à l’instauration d’un pass sanitaire qui n’a jamais prouvé son efficacité, tout en espérant que cela suffise pour passer le pic de l’épidémie…on pourra ainsi pérorer sur l’efficacité d’un vaccin dont on savait pertinemment qu’il ne protégeait pas des contaminations, en espérant que ça suffise. Encore un pari sur la santé des Français…et un pari sur leur avenir aussi -quid du coût démentiel de ces vaccins, qui devra être payé avec l'argent de nos services publics et de nos retraites ? Et quid des effets secondaires qui commencent à toucher beaucoup de monde ? Là aussi, un pari.

C’est aussi et bien sûr la crise des gilets jaunes : tenir bon alors que la France des gueux, en colère, crame les Porsche dans les quartiers bourgeois de la capitale, et en même temps organiser un grand débat bidon en espérant que ça éteindra l’incendie.

C’est la Convention Citoyenne pour le Climat et ses propositions qui devaient être reprises « sans filtre » pour résoudre la crise écologique…crise qu’on déplore d’un côté, en la prenant comme prétexte pour taxer de plus en plus les plus pauvres de l’autre, tout en favorisant ses causes et en refusant de réguler qui ou quoi que ce soit qui profite réellement de tout cela. C’est la fin de l’abondance, et en même temps l’ère de la sobriété –pour vous les gueux, pas pour nous les élites.

Restreignez votre consommation d’eau en été, mais arrosez les golfs, et remplissez les bassines pour les canons à neige ou l’agriculture intensive.

Etre pour la Paix, et ne pas voir la Russie comme un ennemi, mais vouloir sa défaite sans toutefois l'écraser... tout en inondant d'armes l'Ukraine. 

A chaque fois, l'exploit sémantique consistant à vider les mots de toute substance, pour la remplacer par leur exact inverse, est tout à fait frappant, et caractéristique de cette méthode de gouvernance par le vide.

Et en matière politique, les français commencent à en avoir ras la gueule de cette méthode délétère. Un mantra qui leur fait tourner la tête tellement vite, de droite à gauche en permanence, qu’à la fin elle menace de se décrocher. Pour tomber tout en bas de l'échaffaud, à l'extrême droite de la photo.

Car il faut oser parier sur le ras-le bol des français envers les politiques pour s’engager en se faisant passer en même temps de droite et de gauche. Ou ni l’un ni l’autre. Tout en se faisant passer pour le seul et unique barrage valable face à quelque chose qu'on a favorisé cinq ans durant. Pari gagné…

Il faut encore plus oser se représenter à la présidentielle, après avoir maltraité consciencieusement ceux qui doivent vous réélire, durant les cinq années précédentes. Se représenter en étant haï par la majorité de la population, tout en étant sûr de se faire réélire. Pari gagné. De peu, mais gagné quand même.

Il faut une bonne dose d’inconscience, ou de calcul, ou des deux, pour se présenter à l’élection présidentielle tout en promettant (fait inédit) aux gens deux ans de plus sous le joug du travail, et de finir, au mieux, retraité pauvre. Ou au pire, retraité mort. Pari gagné, là aussi…en étant réélu non pas par les premiers concernés, les travailleurs impactés par cette contre réforme… mais par ceux qui ne le sont plus, ces chers retraités qu’il a si bien su caresser dans le sens du poil.

 

Le produit

Car oui Macron est un produit, mais un excellent produit.

Un pur produit marketing, parfaitement calibré, comme les fruits et légumes dans les rayons du supermarché, de manière à atteindre à coup sûr sa cible : le retraité, le petit vieux, ou le bourgeois, celui qui bosse –comprenez : qui exploite et profite du labeur des autres jusqu’à leur mort.

Tous, ils constituent le coeur de cible de ce candidat habilement marketé par les puissants, et destiné à servir d'interface directe entre les vrais donneurs d'ordre, et l'appareil d'Etat. De manière à organiser le plus gros transfert de richesses du bas vers le haut de toute l'histoire de notre pays. Un sacré hold up à l'envers... dont les principales victimes se croient être, pour l'instant, les vrais privilégiés.. des dindons de la farce plutôt ! Des électeurs aisés, qui croient avoir sécurisé leur situation en portant le DRH au pouvoir. Mais avant tout des électeurs déboussolés, et terrorisés par un monde qu’ils ne comprennent plus tellement il a changé. Un monde rempli d’innombrables menaces. Des menaces non pas existentielles –après tout ils s’en foutent, entre les retraités qui n’ont plus que quelques années à vivre, et s’en fichent de laisser aux générations suivantes une poubelle impropre à la vie, et les friqués qui ont les moyens, pensent-ils, d’échapper au chaos social et écologique...tous, ils s'en fichent, et après eux, le déluge ou la sécheresse, au fond : quelle importance ?

Non, ce n’est pas la nature des menaces qui les inquiète : c’est plutôt ce qu’elles font peser sur leur patrimoine, leur situation. C’est un monde qui menace, in fine, leur statut de privilégiés : rentiers, petits bourgeois, aliénés de la propriété privée et de la globalisation marchande, tous voudraient un globe sans aucune limite, et se retrouvent à devoir ériger des murs partout où ils le peuvent, afin de contenir ces menaces, pour ne pas perdre ce qu’ils ont accumulé sur le dos des autres. Afin de colmater les brèches, béantes, qui hier n’étaient que des fissures, et que par leur aveuglement, ils n’ont pas su, ou voulu détecter, et réparer à temps.

Macron, c’est le gendre idéal : l’œil bleu perçant, à la fois séducteur, propre sur lui, toujours poli et bien mis, le pli impeccable et le sourire parfait. On ignore bien sûr l'aspect carnassier de toutes ces jolies dents blanches, alignées impeccablement sous le beau brushing, quand on est amoureux n'est-ce pas ?

Et puis il faut l'avouer, il est toujours en mouvement, si dynamique, un vrai rajeunissement perpétuel, de ce dynamisme dont rêvent les vieux qui, passé soixante balais, sont dans la fuite en avant du DHEA et autre sérum anti-âge, quand ce n’est pas la chirurgie esthétique qui n'arrive plus à faire illusion. Etre jeune le plus longtemps possible, profiter le plus longtemps possible. Avant la fin.

Et puis, Manu il a une petite femme sympathique. Elle a juste 24 ans de plus que lui, mais regardez, et constatez : elle se soigne, elle est intelligente, elle a du charme, à défaut de ne pas avoir de rides. Elle a réussi, elle la prof de lettres, l'intello de salon, a le séduire, pensez donc, ca en fera des images croustillantes a se mettre sous la dent en ces périodes de disette post soixante-huitarde, où même le sexe perd face aux soucis...en résumé c'est la classe à la française pour cette first lady d’opérette, elle qui n’hésite pas à pratiquer le mantra de son homme a tout bout de champ. Claquer plusieurs millions d’argent public pour refaire la déco de l’Elysée parce que "ça sentait le tabac froid", et en même temps oser aller quémander des pièces jaunes aux gueux, pour des hôpitaux que son cher et tendre poulet de grain a en fait consciencieusement saccagés cinq ans durant...

Fallait oser, mais elle est comme lui : plus c’est gros, et plus ça passe. Ils pratiquent le mantra en couple. Tous les deux, c’est en même temps, et tout le temps.

Que vous soyez jeune cadre dynamique à la Défense, ou vieille rombière pleine aux as faisant régulièrement le tour du monde en Costa croisière, vous tous, privilégiés de ce monde finissant, aurez une raison d’admirer –et donc de le porter au pouvoir, et de l’y maintenir- ce pur produit benchmarké pour correspondre en tous points à l’image que vous souhaitez qu’il vous renvoie.

Ça n’est certainement pas lui que vous, 20% du corps électoral français, privilégiés parmi les privilégiés de la mondialisation heureuse, avez porté et re porté au pouvoir.

Vous n’avez pas voté pour lui, non.

C’est là tout le génie de Mac Kinsey et consorts : vous avez voté pour un miroir.

Vous vous êtes élus vous-mêmes, alors que tout autour de vous, le monde que vous avez construit, le monde que vous chérissez, le monde que vous portez à bout de bras, est en train de s’écrouler.

Par pans entiers.

 

Fantasia

A la fin de l’histoire, c’est à une avalanche de en même temps qu’on assiste : toujours plus de n’importe quoi, toujours plus vite, toujours plus loin dans l’outrage. La France et les français se retrouvent, surpris, totalement à poil, tels quelque pucelle un brin naïve, traînés et piégés et enchaînés dans la cave d’une cité sordide et anonyme, avec des dizaines de frustrés nourris à la pornographie gratuite et illimitée d’un youporn, dopés au Caprisun et anesthésiés par la coke bon marché, ne cherchant qu'à assouvir leurs pulsions les plus primaires sur la donzelle qui semble isolée et si ... offerte. La virginité de la pucelle n’en réchappera pas c'est sûr, pas plus que son honneur, mais le pire dans tout ça, ça n’est pas ça.

Non, le pire c’est que les racailles coupables de ces agissements ne comprendront sincèrement pas, quand ils se feront rattraper par la patrouille, en quoi ils auraient fait quelque chose de mal.

Pour eux, toute l’affaire est normale, il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat : et macron est semblable à eux en tous points dans son comportement avec le pays.

Il est élu vous comprenez ? Il est légitime -entendez : à faire ce qu'il veut jusqu'au bout.

Ce président ne semble connaitre aucune limite, car la loi, comme la décence, ne s’appliquent plus à son exceptionnalité. Il est désormais au-delà de ces considérations bassement morales : à être exceptionnel, prérogatives exceptionnelles. On ne parlera plus de viol, mais d’ouverture à la sexualité.

Alors pourquoi en faire tout un plat ? Y a pas de quoi fouetter un jésuite, et encore moins un chanoine, fut-il de Lattran. Et quelle ingratitude, à la fin ! Pour quelqu'un qui donne tellement de sa personne, pourquoi tant de haine ?

Macron finira comme il a commencé : porté par une suractivité permanente, il en viendra à ne même plus savoir où il va. Un peu comme ces personnages de cartoons des sixties, comme le Mickey dans Fantasia, apprenti-sorcier qui essaie désespérément de courir après tous les balais qui prennent vie, et mettent le bordel partout. En pure perte, bien sûr. Le mouvement perpétuel d’un produit parfaitement calibré, mais qui ne pourra continuer, longtemps, à nier le réel. Celui qui est en train d’arriver à grande vitesse.

Macron se prendra le mur de plein fouet, et, comme la gifle qu’il se mangea à Tain, ou comme les gilets jaunes, ou comme la crise économique, ou comme la crise sanitaire, ou comme la crise climatique, il ne verra rien venir.

Ce sera sa fin, car tant va la cruche à l’eau qu’à la fin tu nous les brises : à force de compter sur son incroyable pot, macron se rendra compte, une dernière fois, qu’il est trop tard, et que le pot s'est brisé en mille morceaux, cette fois-ci pour de bon. Et il n'y aura pas de colle magique, pas de deuxième chance pour le vase de Soissons.

A ce moment-là, la magie s’arrêtera instantanément. A ce moment précis, à l’inverse du cartoon où l’apprenti magicien menace de sombrer, débordé de partout par les balais que partout il a mis en branle, hélas il n’y aura pas d’intervention du maître magicien pour sauver le Mickey de la finance. Le sauver de cette multitude rendue furieuse et incontrôlable, uniquement et seulement à cause de lui, et de son irresponsabilité crasse.

Macron réalisera alors avec effroi que nous ne sommes pas dans un film, mais dans la vraie vie.

Plus de deus ex machina providentiel pour cet être qui se crut, sa vie durant, d’exception.

Ceci sonnera véritablement la fin de toutes les fantaisies.

La fin de la danse.

Et, à la fin de ce bal-là, on paiera les musiciens.

 

Quoi qu’il en coûte.

 


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