Le calumet de la paix

par Gabriel
mardi 10 septembre 2013

 Assis dans son jardin un joint à la main, il fume l’herbe bienfaitrice. Depuis que cette saleté de crabe s’est installée dans son corps, fumer son cannabis l’apaise car il anesthésie momentanément la souffrance en calmant les velléités de la bête, ce squatteur malvenu qui ronge son intérieur jusqu’à lui faire couler des larmes de douleur. Alors, le crustacé se fait plus discret, les marteaux piqueurs creusant sa chair se mettent en veille et le vacarme strident de son orchestre cacophonique est temporairement étouffé sous la fumée inhalée par ses poumons.

 C’est un de ses amis atteint de sclérose en plaque qui lui a refilé le tuyau. Au début disait-il, les médicaments te shootent. Tu te sens nauséeux, dans un brouillard, vaseux et puis ton corps s’habitue au traitement alors, ils sont obligés d’augmenter les doses jusqu’à ce que la douleur se calme à nouveau, se tempère. Le problème, c’est les effets secondaires qui détraquent ton organisme, la perversité du soigneur qui se paye sur la bête. Alors, drogue pour drogue autant prendre celle qui te calme le plus sans pour autant te rendre malade par ailleurs.

 Il lui a donné des cours de phytothérapie très orientés, il en convient, sur la seule espèce intéressante dans leurs cas : « La petite graine interdite qui donne des jolies feuilles vertes… ». Dire que le boulanger du coin, ce farceur, proposait des baguettes aux graines de sésame ou de pavot, mais où va se loger l’ironie ? Alors, la culture de son petit potager privé l’occupe et lui donne une bonne conscience écologique et puis, pendant ce temps, il ne pense pas à son avenir qui rétrécit aussi vite qu’une chaussette en coton lavée à 90 degrés.

 Attention, mon propos n’est pas de faire ici l’apologie des drogues, surtout celles distribuées par les laboratoires pharmaceutiques qui tuent des milliers de personnes, ni celles autorisées par l’état comme l’alcool et les cigarettes en vente libre parce que financièrement ca rapporte aux petits filous qui nous gouvernent et qui sont gentiment arrosés par ces puissants lobbies. Je voudrais juste que l’on comprenne que certaines drogues, dans certaines situations, sont plus saines, plus bénéfiques et surtout plus adaptées que d’autres.

 73 000 morts par an en France, responsable : la cigarette. 50 000 décès par an en France, responsable : l’alcool. Comme disait un regretté comique : « Choisi ton camps camarade… ». J’entends déjà les commentaires du style : « Oui mais le tabac et l’alcool sont autorisés, pas le cannabis… », C’est vrai ! L’euthanasie médicalement assistée est interdite mais pas la guerre, voler dans un supermarché est interdit mais spéculer sur les matières premières et faire crever de faim des millions de personnes est autorisé voir salement encouragé etc… J’arrête ici parce que des exemples du même tonneau j’en ai à la pelle. Bien sur il y a la loi et celle-ci est le bras séculier de la justice mais aujourd’hui, j’ai comme l’impression qu’elle est devenue la prothèse d’un pouvoir corrompu, une vilaine excroissance qui fait son commerce sur le chagrin et l’amertume…

 Certains diront aussi qu’il faut accepter la douleur, qu’elle fait partie intégrante de la vie etc… Seulement voilà, la coupe des supplices n'a pas la même taille pour tout le monde. Au cours de la maladie, il a constaté que la peur et le dégoût de la souffrance font crier presqu'autant que le fait la souffrance elle-même. Surtout que les donneurs de leçon ne se fassent aucune illusion, tout le monde est faible devant son calvaire.

 La maladie... Pourquoi elle suit la vie ? On essaie en vain de lui échapper mais elle parvient toujours à s'incruster, elle est récursive. Choisit-elle, en jouant aux dés, un être et sa destinée pour qu’une fois dans son corps installée, elle finisse par le ronger ? Et quand par chance la science arrive à l'irradier, voilà qu'une autre apparait... La maladie, c’est le fléau de la vie et il sait bien maintenant qu’il faut mourir pour en guérir.

 Donc il pense d’après son expérience que le cannabis, au niveau thérapeutique, lui est bénéfique. Bien sur, l’état et les laboratoires vous diront le contraire car, si cela venait à être de notoriété publique, ça amputerait sérieusement les bénéfices pour les uns et les pots de vin pour les autres. Les pauvres d’esprit, ils devraient arrêter de compter et penser un peu plus à vivre mais bon, on ne change pas les rayures d’un troupeau de zèbre …

 Comme le volcan en souffrance par l’attente des siècles crache soudainement sa fumée pour se libérer, les volutes cannabissales emportent ses douleurs qui le précèdent vers le ciel. Allez frères de peine, sur ces bonnes paroles, il retourne péniblement à son jardinet car le quatrième signe du zodiac est entrain de gagner la partie et il lui fait salement savoir.

 J’ai écri ce texte suite à deux témoignages d’usagers du cannabis à des fins thérapeutiques. Ceux-ci le consommaient parce qu’il calmait leurs douleurs et leur créait un état de bien être oubliant un instant, furtive éclaircie dans l’orage, la proche issue fatale qui, dans un état de médicamentation normale, leur minait le moral. Je ne me permettrai ici aucun jugement, d’ailleurs qui suis-je pour juger du bien fondé de telle ou telle pratique choisit par celui qui souffre et attend l’ultime départ. J’ose espérer que chacun est libre de vivre et de partir comme il l’entend et que, devant la souffrance et la mort, les conseils donnés seraient, dans le meilleur des cas, déplacés voir limite insultants.

 Chacun d’entre nous est ou sera confronté un jour à sa propre maladie, à sa propre souffrance. Il est primordial qu’à cet instant, nous puissions avoir la liberté de gérer physiologiquement cette épreuve comme nous la ressentons. J’espère seulement, que les meilleurs solutions seront mises en œuvres et que l’éducation ou la prétendue morale des autres ne feront pas obstacle au dernier confort d’un être en fin de vie…

 Merci à tous pour la lecture de ce texte. 


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