Le cas Mélenchon

par Fergus
vendredi 19 octobre 2018

C’est un fait : Mélenchon agit sur l’électorat comme une sorte d’aimant politique constitué de deux pôles opposés. Les deux faces d’une forte personnalité. Tantôt séduisant par sa puissance d’engagement, ses qualités de tribun et son aptitude à fédérer les forces progressistes, tantôt répulsif par ses excès comportementaux, le leader de la France Insoumise ne laisse personne indifférent. Et ce ne sont pas ses dernières prestations médiatisées qui vont éteindre les polémiques, bien au contraire...

Photo Eric Feferberg (AFP)

D’un côté attirant – le pôle positif de l’aimant –, Mélenchon rallie à ses discours enflammés, souvent ponctués d’anathèmes justifiés contre les politiciens néolibéraux, les « banksters » et autres adversaires des classes populaires, les espoirs des partisans de la gauche de progrès. Mais pas seulement : se joignent à eux de nombreux cocus de la social-démocratie et d’un macronisme plus que jamais « et de droite et de droite » qui mine les fondements de la justice sociale et entraîne toujours plus de Français sur la voie de la précarisation et de la paupérisation.

De l’autre côté repoussant – le pôle négatif du même aimant –, le leader de la France Insoumise irrite par ses rodomontades et son irrépressible arrogance ; il agace par ses jugements péremptoires et ses invectives ; il se disqualifie parfois par ses outrances, à l’image de celles qui ont émaillé son comportement lors de la perquisition du siège de la FI, au grand dam de certains militants, et notamment des « Insoumis démocrates », un collectif créé en réaction à la concentration du pouvoir de décision, et dont les membres ne manquent pas de se démarquer plus encore depuis mardi, allant jusqu’à parler de « blessure » et de « tristesse ».

Il est parfait, Mélenchon, lorsqu’il pourfend le capitalisme dévoyé par la spéculation internationale, lorsqu’il vilipende les cadeaux faits aux grandes fortunes, lorsqu’il dénonce les agressions antisociales voulues par la Commission européenne et les organisations patronales, ou bien encore lorsqu’il met l’exécutif face à ses responsabilités dans la dégradation des conditions de vie et du climat social. Nul doute que c’est cette image de combattant pugnace et déterminé qui, depuis le début de la mandature de Macron, a fait de Mélenchon le premier opposant au président dans l’esprit des Français. 

Il est nettement moins exemplaire, Mélenchon, lorsqu’il s’égare dans des pugilats stériles avec les journalistes ou les moque jusque dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale, mais surtout lorsqu’il s’oppose en vociférant et en se confrontant physiquement, comme il l’a fait mardi au siège de la France Insoumise, à des magistrats et des policiers qui, autant que lui, sont des représentants de la République dans l’exercice de leur mission. Et cela même si l’on peut contester l’opportunité de ladite perquisition, et même si l’on peut estimer qu’il s’agit là avant tout d’une manœuvre de déstabilisation politique, ce que Mélenchon était fondé à penser.

Que ces perquisitions aient pu sembler disproportionnées par leur ampleur et leur simultanéité, cela semble en effet une évidence si l’on se réfère aux causes qui les ont initiées, à savoir l’utilisation par la FI d’assistants parlementaires rémunérés par l’Union Européenne d’un côté, et les soupçons de surfacturation des prestations de la société Médiascop de Sophia Chikirou, prestations remboursées par l’État à la France Insoumise dans le cadre des comptes de campagne. D’autant plus disproportionnées et sujettes à questionnement que les comptes de campagne de Macron, encore plus suspects, auraient également dû faire l’objet d’investigations du parquet, ce qui n’a pas été le cas, protection du monarque oblige ! À cet égard, la différence de traitement est flagrante et choquante !

Cela ne justifie pourtant pas la réaction épidermique virulente et peu digne d’un élu qu’a eue Mélenchon au siège de la France Insoumise, lui qui, auparavant, avait fait preuve d’un calme et d’une dignité remarquables durant la perquisition de son domicile comme on a pu le constater sur la vidéo diffusée en direct sur Facebook. En se livrant à de tels excès au siège de la FI, Mélenchon a donné un exemple désastreux à tous les jeunes du fait de son statut d’élu de la République qui, en toutes circonstances dans le cadre d’actions légales, devrait le conduire à rester maître de lui.

Les évènements qui se sont produits mardi dans le cadre de cette série de perquisitions ordonnées aux dépens de la France Insoumise vont, n’en doutons pas, marquer les esprits d’une manière indélébile, et ne pas manquer de poser une question essentielle aux militants de la FI soucieux de l’avenir de leur mouvement : Mélenchon peut-il encore rester durablement à la tête de la France Insoumise ? Et cela au risque de la plomber dans l’optique des futurs rendez-vous électoraux du fait des profonds clivages que suscite dans l’électorat l’attitude de son chef. La réponse appartient aux militants et, dans le contexte actuel, ne pourra pas manquer de leur être posée.


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