Le chat, la belette et le petit lapin : réunion entre le Président turc, la présidente de la Commission et le Président du Conseil

par heber
samedi 10 avril 2021

La rencontre Erdogan, Von Der Leyen, Michel s'est transformée en un lamentable vaudeville où la Présidente de la Commission a été traitée de manière ignoble et scandaleuse par le dictateur turc sans que le Président du Conseil réagisse. Que faut-il penser de cette mascarade qui ne doit visiblement rien au hasard.

 Le chat, la belette et le petit lapin

  (titre emprunté au grand Lafontaine )

Dessin de Grandville (1838-1840).

Le chat mitré Erdogan a reçu récemment la belette Charles Michel et la victime désignée de la fable, Madame Von Der Leyen, dans le rôle de l’innocent petit lapin.

De façon délibérée et suite à une préparation manifestement minutieuse, Erdogan a piégé la Présidente de la Commission et l’a humiliée publiquement en utilisant un artifice honteux qui démontre la grossièreté et le manque de savoir-vivre du sultan mégalomane qui règne en dictateur sur son royaume d’Asie Mineure.

Tout le monde a pu voir sur les écrans des télés, la malheureuse, abandonnée, seule, debout au milieu de la pièce de réception, sans savoir où elle pouvait s’asseoir, tandis que Charles Michel s’empressait de s’installer, en parfait mufle, sur l’unique siège disposé auprès d’Erdogan. 

Il y a belle lurette que le comportement erratique et la vulgarité récurrente d’Erdogan, cet autocrate halluciné, n’étonnent plus personne même s’il est regrettable que les dirigeants de nos 27 Etats Membres n’aient jamais eu le courage de sanctionner ce malade dangereux prêt à embraser le monde pour rétablir la splendeur passée de l’empire ottoman et pour promouvoir ses idées rétrogrades et fondamentalistes en compagnie de la confrérie des Frères Musulmans dont il est devenu le porte-drapeau et le zélé leader.

Mais, il est par contre inadmissible que Charles Michel n’ait pas immédiatement réagi à l’offense ainsi faite à la Présidente de la Commission ainsi qu’à la femme occidentale qu’elle est, symbole du statut (presque) égalitaire gagné suite à la lutte, longue et acharnée, menée par les mouvements féministes depuis près de deux siècles dans nos pays européens.

Tout au contraire, à l’instar de la belette de la fable de Lafontaine qui s’appropria, dès qu’elle le put, le terrier du petit lapin, Michel s’est précipité vers l’unique chaise disponible, qu’il aurait pourtant dû, en application des règles élémentaires de politesse en vigueur depuis des siècles au sein de nos contrées, céder à la Présidente de la Commission.

Cet incident, que certains pourraient juger insignifiant, est loin de l’être.

En effet, le grand sultan a clairement organisé cette orchestration publique afin de faire passer trois messages très clairs  :

 

- d’une part, aux membres les plus extrêmes de sa coalition politique, à ses électeurs conservateurs et au monde musulman, à qui il a démontré publiquement qu’il applique fermement la ligne consistant à revenir aux traditions les plus rétrogrades et fondamentalistes de la religion musulmane, selon lesquelles la femme a, sur les plans, économique, juridique et social, un statut et des droits inférieurs et subordonnés à ceux des hommes,

- d’autre part, à l’Europe, pour signifier à la Commission Européenne et au Parlement Européen, que leurs critiques renouvelées sur le non-respect flagrant des droits humains et des libertés élémentaires en Turquie, sont dérisoires et n’ont aucun effet sur lui d’autant que leurs démarches ne rencontrent aucun réel support, ni auprès du Conseil de l'UE ni auprès de la plupart des 27 Etats-membres,

-et, enfin, pour réaffirmer, face au monde, que lui, Erdogan, est un vrai chef, insensible aux pressions, qui décide et agit en toute autonomie, sans que l’Europe ou quiconque d’autre  puisse exercer la moindre influence sur lui.

Dans ce contexte, l’absence de réaction de Charles Michel est incompréhensible.

Elle ne peut s’expliquer que selon quatre hypothèses :

1-Soit, Charles Michel, ignorant les dispositions protocolaires arrêtées par la partie turque, a été pris au dépourvu et n’a pas osé réagir, tétanisé par la peur de créer un incident diplomatique, ou bien n’a pas su comment réagir.

Cette hypothèse est invraisemblable. Charles Michel est né dans une famille versée en politique et dispose, bien qu’il soit encore jeune, d’une grande expérience personnelle en la matière, y compris au plus haut niveau, puisqu’il a déjà occupé les fonctions de chef de parti et de premier ministre.

2-Soit, Charles Michel - qu’il ait été au courant ou non des dispositions protocolaires - est un parfait goujat, qui n’a vu, en l’occurrence, aucun problème, au fait que Madame Van der Leyen soit traité de la sorte. Cette hypothèse, même si ses antécédents familiaux ne le prédisposent pas à être un modèle de galanterie, ( son père est renommé autant pour son intelligence et sa finesse d’esprit que pour la rudesse et la rustrerie de ses manières), est également invraisemblable.

3-Soit, Charles Michel ,bien qu’il ne soit pas au courant des dispositions protocolaires, a saisi, sur le champ, l’occasion rêvée d’affirmer publiquement, la prééminence de sa fonction de Président du Conseil sur celle de la Présidente de la Commission ( avec d’autant plus de hâte que la rumeur leur prête des relations plutôt difficiles ) et, emporté par sa volonté de domination, il n’a pas mesuré les dégâts considérables que son attitude lui porterait vis-à-vis de l’opinion publique. Cette hypothèse est plausible et si elle est exacte, elle n’est pas tolérable compte tenu des conséquences politiques significatives de cet incident, telles qu’exposées en début d’article.

4-Soit, Charles Michel, parfaitement au courant des dispositions protocolaires prévues par la partie turque, a non seulement évité de réagir mais a, de facto, approuvé ces dispositions, en préparant ainsi un piège vicieux avec Erdogan,à sa collègue et ‘’amie’’ VDL.

Cette dernière hypothèse est la plus plausible, surtout lorsqu’on constate le naturel avec lequel Charles Michel s’est dirigé vers le siège installé près d’Erdogan, sans marquer la moindre hésitation et la manière dont il a ignoré la gêne de la Présidente de la Commission, plantée au milieu de la pièce sans que quiconque lui explique où elle pouvait prendre place, avant que d’elle-même, elle se dirige vers le canapé situé à une certaine distance.

Rien n’empêchait Charles Michel de se lever pour céder sa place à la Présidente, ou tout au moins, de venir la rejoindre sur le canapé, ce qui aurait fait capoter la basse manœuvre turque, sans créer le moindre incident diplomatique, l’événement étant alors, en apparence, ramené au niveau d’une simple erreur d’agencement de la pièce imputable au personnel d’exécution.

Or, Charles Michel n’a fait ni l’un ni l’autre.

Il va sans dire que si cette hypothèse s’avère, Monsieur Michel mérite être sanctionné pour une telle attitude. Seul l’examen des documents de préparation de la rencontre (s’ils n’ont pas été entretemps escamotés) et les témoignages de ceux qui ont arrêté les dispositions protocolaires avec la partie turque permettraient de le vérifier lors d’une audition que pourrait organiser le Parlement Européen.

Mais ne rêvons pas. Les institutions européennes et les Etats Membres vont probablement, pudiquement se voiler la face, et s’empresser d’oublier et d’enterrer cet incident comme tous ceux qui émaillent depuis plusieurs années les relations Europe-Turquie, au nom d’une realpolitik qui n’est, en fait, que la manifestation criante des profondes divisions existant entre les 27 Etats Membres et de la faiblesse ou de l’inexistence de l’Europe sur la scène internationale.

Le seul gagnant de cette histoire aura été le roué chat Erdogan.

Quant à la belette Michel, elle perdra dans l’aventure quelques touffes et poignées de réputation et de son aura, en particulier, auprès des femmes, tandis que VDL et l’Europe auront subi une humiliation injuste et une insulte imméritée.

En outre, face au monde entier, la cause majeure et primordiale de l’égalité hommes-femmes aura enregistré une grave défaite publique, propre à réjouir les nombreux états et régimes, rétrogrades et attardés, où la femme est discriminée, partout autour de la planète.


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