Le climato-scepticisme

par Io Camille Kaze
jeudi 25 janvier 2018

De ma fille Jiji : c'est elle seule qui l'a écrit, elle a 22 ans, bientôt 23 (en avril).

 

Je mettrai en lien cette vidéo : https://www.dailymotion.com/video/x10mmjy : à voir.

 

Le Climatoscepticisme

« Dieu merci, les hommes ne peuvent pas encore voler
et dévaster le ciel comme ils dévastent la terre ! » 1

 

Les hommes, dévaster la terre ? Voilà une idée bien étrangère aux discours climato-sceptiques. Les discours contemporains sur la crise écologique pointent la responsabilité des activités humaines pour l'ensemble de la crise écologique et plus particulièrement pour le phénomène de dérèglement climatique, ainsi : l'augmentation des températures moyenne sur l'ensemble du globe, l'augmentation du niveau des eaux, la diminution de la masse des glaciers, l'augmentation des sécheresses et des inondations, l'extinction de nombreuses espèces animales sont provoqués par les actions humaines. Ces changements s'observent sur une longue période temporelle et sonnent la sonnette d'alarme sur la situation terrestre.

 

Si, d'après un journal scientifique, 97,1 % des études scientifiques valident le consensus selon lequel le réchauffement climatique est anthropique2, certaines personnes ne sont toujours pas convaincues par le lien de causalité entre le changement climatique et les activités humaines. Ces personnes se nomment communément des « climato-sceptiques », Stéphane Foucart en propose une définition assez large, est climato-sceptique : celui qui nie l'existence d'un changement climatique / celui qui l'accepte mais nie le caractère anthropique /celui qui l'accepte mais ne le considère pas comme dangereux / celui qui l'accepte mais pense qu'il est réversible ou peut être atténué.

 

3 La position dominante ne nie pas le changement climatique mais réfute le rôle de l'activité humaine, ainsi le réchauffement climatique ne serait pas dû à l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, mais à l'activité du soleil. Or, si il y a un consensus scientifique sur la nature anthropique du changement climatique, ne peut-on pas voir dans le climatoscepticisme une forme d'obscurantisme ? Les tenants de ce point de vue ne sont pas forcément des personnes peu au courant de l'actualité, pour preuve, Donald Trump4 président des États-Unis est en plein dans cette mouvance. Si je ne partage pas les arguments des climato-sceptique, ce phénomène est intéressant à étudier tant il illustre l'état de nos sociétés : le discours scientifique est éclaté, il n'y a plus un mais des discours scientifiques, cet éclatement instille le doute et amène la méfiance des individus envers les experts et crée un terreau propice à l'instrumentalisation du discours écologique à des fins politiques.

 

Ces modifications s'expliquent par l'émergence de la «  société du risque 5 », notion théorisée par Ulrich Beck où les risques ne sont plus dû à des causes extérieures à la société, mais internes à celle-ci. La société industrielle a crée ses propres menaces, qui ont un caractère non calculable et incontrôlable. Cette nouveauté dans notre rapport moderne au risque, amène un climat d'incertitude, où il est impossible de connaître la probabilité certaine d'un risque à la fois globalisé, irréversible et bien souvent invisible :« Ce n'est pas une défaillance qui produit la catastrophe, mais les systèmes qui transforment le caractère proprement humain de l'erreur en d'incompréhensibles puissances de destruction. On en est réduit à évaluer les dangers à l'aide d'instruments de mesure, de théories, et surtout d'absence de connaissances (…). »

 

6. Ainsi, l'humain se retrouve impuissant, face notamment au dérèglement climatique anthropique qui lui-même est imperceptible par nos sens et pourtant est une menace si grande qu'elle compromet la vie des humains sur terre. C'est sur cette nouvelle nature des risques (imperceptible, incommensurable, immaîtrisable) qu'un discours négationniste est possible. Si le risque est imperceptible par nos sens, comment être sûr qu'il existe ? De plus, ce risque est issue d'une multitude de facteurs eux-même imperceptibles (la pollution est bien souvent invisible), à tel point qu'on pourrait venir douter de ce lien de causalité. La nature de la science a elle-même évoluée et s'est adaptée face à la société du risque ; elle a intégré dans sa méthodologie et dans son discours ce facteur d'incertitude ; ainsi, on est passé d'une science infaillible et déductive à une science faillible reposant sur des raisonnements probabilistes et de ce fait admettant l'incertitude comme une caractéristique inhérente de notre monde. Les modèles scientifiques intègrent donc cette part de doute qui subsiste et c'est de ce doute que se nourrissent les climato-sceptiques. Ainsi, même si la majorité des scientifiques s'accordent sur le caractère anthropique de la situation climatique, il persiste un doute. Il semblerait cependant irrationnel de ce saisir de cette infime incertitude et d'en faire un modèle de vérité, or c'est exactement la logique des climato-sceptiques.

 

Le climato-scepticisme peut être basé sur des discours scientifiques, instaurant dès lors la confusion chez le public, puisque deux discours d'un même domaine de connaissance sont à la fois rationnels et contradictoires. Cette situation peut amener à la méfiance envers le discours des experts, où l'un peut dire le contraire de l'autre et plonger le public dans un état d'incompréhension cristallisant l'action. Or, la situation actuelle est alarmante et l'inaction n'est plus envisageable. Peut-on voir dans le climatoscepticisme une volonté de désinformation et de subversion du savoir ? Car, finalement nier le caractère anthropique du changement climatique, est un moyen d'empêcher les réformes de notre mode de consommation, de production : si l'activité humaine n'en est pas la cause, pas besoin d'agir, de changer. Bien trop souvent, le discours climato-sceptique est un outil politique, ainsi Donald Trump tout en tenant ce discours, déconstruit toutes les avancées écologiques mises en place par les présidents précédents. Faut-il aussi préciser que le groupe pétrolier Exxon a financé, en 2009, plusieurs groupes de recherche climato-sceptique7 ?

 

Le changement de nos modes de production peut nuire aux intérêts économiques de certains, et le discours climato-sceptique prend alors tout son sens. Loin d'y voir un complot, on peut quand même se poser la question de l'existence d'une volonté à entretenir l'ignorance à des fins économiques. Mathias Girel parle de l'ignorance en tant qu'arme politique : « instiller le doute alors qu’un consensus scientifique semblait établi, et, par là, à bloquer un nombre important de projets de réglementations. »8.

 

Pour lutter contre cela, il faut accepter le fait que même si il persiste un caractère incertain dans les théories scientifiques, elles ne sont pour autant pas dénuées d'objectivité, et si il existe un large consensus sur le caractère anthropique du changement climatique, c'est qu'il est fort probable que cela soit véridique. Pour contrer l'obscurantisme il faut alors diffuser le savoir, donner les clefs intellectuelles aux citoyens pour comprendre le phénomène du changement climatique. Cependant, la diffusion du savoir scientifique demande à ce qu'il soit habilement vulgarisé afin que sa simplification permette au public de comprendre le problème dans sa globalité et ainsi de développer son esprit critique. Car, si certains pouvoirs publics s'emparent du discours climato-sceptique, c'est alors aux citoyens de ne pas s'y plier et d'agir face à l'urgence climatique.

 

De toute évidence, malgré la persistance d'un doute, il faut agir dans ce monde d'incertitude, c'est notamment en ce sens que le philosophe Hans Jonas, théorise le Principe Responsabilité : « Agis constamment en sorte que les conséquences de ton acte demeurent compatibles avec la persistance d'une vie authentiquement humaine sur cette Terre. 9 ».

 

Les conséquences de nos actions demeurent incertaines, il faut alors agir avec précaution et prendre en compte des risques hypothétiques. Les conséquences de nos actions ne relèvent plus du local ou de l'humain, elles sont globales et affectent la biosphère entière, il faut donc prendre en compte ces nouvelles données et agir du mieux que l'on peut. Ainsi, même un climato-sceptique devrait prendre en considération le caractère falsifiable de sa théorie, et dans le doute, toujours agir de façon à ne pas détériorer la biosphère et à ne pas compromettre la vie sur terre des générations futures.

 

1THOREAU Henry David, Journal – 3 janvier 1961, 2017, Gallimard

2http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/8/2/024024/meta

3 FOUCART Stéphane, Le populisme climatique, p.19, 2010, Editions Denoël

4https://www.franceculture.fr/geopolitique/le-programme-climato-sceptique-tres-controverse-de-donald-trump

5BECK Ulrich, La société du risque : sur la voie d'une autre modernité, 2003, Aubier

6BECK Ulrich, « Avant-propos », La société du risque : sur la voie d'une autre modernité, 2003, Aubier

7http://www.lefigaro.fr/international/2010/07/19/01003-20100719ARTFIG00449-le-lobby-climatosceptique-finance-par-le-petrolier-exxon.php

8GIREL Mathias, Agnotologie : mode d'emploi, 2013, Editions de minuit

9JONAS Hans, Le Principe Responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, 1995, Flammarion


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