Le combat d’un médecin à la retraite contre l’industrie pharmaceutique

par SLamarche
samedi 15 août 2020

S’il n’y avait qu’une seule leçon à retenir parmi tous les enseignements à tirer de la pandémie du virus SARS-CoV-2, ce serait celle concernant l’influence de Big Pharma sur les décideurs politique et les institutions internationales. Ils ont joué et jouent encore un rôle à tous les étages de la crise. Le lobbying puissant et les pratiques douteuses de l’industrie pharmaceutique sont certes connus depuis longtemps mais la crise sanitaire a permis de déciller les yeux des plus myopes.

L’histoire du professeur italien Claudio De Simone est toute aussi édifiante.

La malédiction des prophètes

Claudio De Simone est un spécialiste des maladies infectieuses qui s’est orienté très tôt vers les maladies de l’appareil digestif. Il a commencé à s’intéresser au microbiote humain dans les années 1980, bien avant donc que la communauté scientifique ne découvre l’importance et le rôle des bactéries dans la flore intestinale. Pour de nombreux chercheurs, cette découverte, qui change fondamentalement l’approche médicale et qui pourrait permettre de traiter certaines maladies comme l’Alzheimer ou le Parkinson, est la plus importante des cinquante dernières années.

C’est dire si le professeur De Simone était un précurseur dans le domaine. Dès les années 1990, avec ses équipes de l’hôpital de l’Aquila, il mène des recherches et des essais cliniques sur des souches bactériennes qui permettent de lutter contre l’inflammation intestinale.

Au début du 21ème siècle, une société pharmaceutique italienne, Sigma-Tau, lui propose de créer une société pour commercialiser ce probiotique. VSL#3 est né, ça marche, et jusque-là tout va bien…

Les pressions

Forte de son succès, en 2011, la société Sigma-Tau, souhaite entrer en bourse. Pour attirer les investisseurs, il faut augmenter les bénéfices et donc dans ces cas-là, il n’y a pas d’autre solution que diminuer les coûts. VSL#3 est cher à produire, il est composé de huit souches bactériennes différentes. Il est donc demandé de discrètement modifier la formule du professeur De Simone. Business is business, la santé du patient est secondaire… Le professeur s’y refuse. Les pressions augmentent. Le professeur italien reste intraitable. Il finit par perdre la bataille et quitte la société.

Publicité mensongère

Dès lors, Sigma-Tau est libre de produire le VSL#3, avec une formule plus rentable. Pourtant, la présentation du produit reste la même « 450 milliards de bactéries par sachet  » et elle rassure le patient en indiquant que ce produit a fait l’objet d’essais cliniques. Rien n’est moins vrai. Les recherches ont été faites avec certaines posologies inconnues de Sigma-Tau. Tout au plus le laboratoire aurait pu inscrire VSL#3 nouvelle formule, ce qu’il ne fait pas.

Chemin de croix

Claudio De Simone n'accepte pas cette manœuvre et entame alors une longue bataille, un parcours du combattant devant les tribunaux du monde entier : Rome, Séoul, Londres, Annapolis, Mumbay. Car entretemps Sigma-Tau est devenue Alphasigma avec une filiale aux Etats-Unis et distribue la contrefaçon du probiotique sur toute la planète. D’autres laboratoires distribuent également le VSL#3, comme Ferring, basé dans le canton de Vaux. Comme le professeur s’oppose à la distribution de son médicament dans ces conditions, il est attaqué devant les tribunaux. Alors il voyage et défend les intérêts de son probiotique et par conséquent des patients. Dans un entretien au journal le Temps, le médecin de 69 ans déclare non sans humour :

« Embêter un vieux comme moi qui est persuadé d’avoir raison, c’est une mauvaise idée, assène-t-il. C’est plus dangereux que de s’attaquer à un jeune homme, car gagner contre mes adversaires, c’est désormais ce qui me maintient en vie. »

A l’usure

C’est un combat titanesque, le pot de fer contre le pot de terre. Par la force des choses, le spécialiste des maladies infectieuses est devenu un excellent juriste. Il gagne des batailles. Les laboratoires pharmaceutiques n’en ont cure, ils disposent de montagnes de moyens pour arriver à leurs fins. Laisser gagner De Simone, ce serait une bien dangereuse jurisprudence pour Big Pharma. En se battant pour faire valider la copie non-conforme du VSL#3, les cartels pharmaceutiques préservent des intérêts beaucoup plus importants. Ils comptent donc bien avoir le dernier mot.

Le combat du professeur Claudio De Simone est un combat pour tous…


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