Le communisme, une idéologie calomniée

par Erdal
mercredi 18 février 2015

Qui n’a pas déjà entendu cette phrase : « Le communisme, c’est 100 millions de morts » ? Une phrase incapable de montrer quoique ce soit qui sonne plus comme un slogan publicitaire qu’autre chose, d’ailleurs délivrée souvent par des anticommunistes primaires n’ayant pas les moyens d’entrer dans un vrai débat.

Cette phrase comprend de nombreuses erreurs et sous-entendus, tout d’abord le chiffre en lui-même. Dans un article du Monde du 14 novembre 1997 Nicolas Werth et Jean-Louis Margolin, deux co-auteurs du Livre noir du communisme (respectivement de la partie soviétique et asiatique), récapitulent les désaccords d’au moins la moitié des co-auteurs avec le chapitre introductif de Stéphane Courtois, dans cet article ils dénonçaient des chiffres « abusifs, non justifiés » et accusaient Courtois d’avoir manipulé leurs chiffres de morts, de les avoir augmenté sans raison à partir de leurs propres études. Pour ces co-auteurs la moyenne « réelle » des victimes du communisme, d’après leurs comptes, serait d’environ « 79 millions  » [1]. Ce n’est pas « peu », mais on est déjà loin des « 100 millions de morts » annoncés fièrement par Courtois. C’est grave. Grave de jouer avec les cadavres à des fins de propagande politique. Comment peut-on prendre au sérieux un historien qui fait clairement passer l’idéologie avant l’histoire ?

Soljenitsyne disait en son temps que Staline avait tué 66 millions de personnes. Rien que ça. Aujourd’hui même les historiens les plus fantaisistes en rigoleraient. Le communisme est sans aucun doute l’idéologie la plus calomniée de tous les temps, et pour cause !

https://www.youtube.com/watch?v=Xmt9KXCCJ7M&nbsp ;(humour)

Dire en bloc que le « communisme a fait X millions de morts » ne mène à rien, il faut faire preuve d’esprit critique. Il faudrait déjà distinguer les victimes directes (exécutions, goulag…) des victimes indirectes (guerres, famines) qui forment la plupart des victimes totales. Par exemple la guerre civile et internationale contre la Russie soviétique et le « Grand bond en avant » (1958-1961) serait l’unique faute des communistes, pour le premier je ne pense pas avoir besoin d’argumenter, en revanche le deuxième est plus complexe, c’est l’événement le plus meurtrier du tableau et mériterait qu’on s’y penche un peu.

Comme l’écrit l’historien britannique Eric Hobsbawm dans The Age of Revolution : 1789-1848 (1962) presque toute réforme agraire, progressiste ou pas, entraîne d’abord le désastre. Il cite de nombreux cas en Europe et quelques uns en Asie. Une ou deux années de bouleversements politiques et économiques entraînent discontinuité et dysfonctionnement, facteur de rupture d’approvisionnement de biens, alimentaires et autres. Pourquoi le Grand bond en avant (et le « Grand tournant » soviétique en 1929) seraient des exceptions, surtout qu’il s’agissait de pays extrêmement pauvres ou la moindre convulsion pouvait tout faire basculer ? D’autant plus que les objectifs étaient valables : il s’agissait d’accélérer le développement économique. Plus particulièrement concernant la Chine, il ne faut pas négliger et prendre en compte les facteurs ayant contribué et catalysé la famine (sans être leur cause intégrale), tout d’abord les catastrophes naturelles intervenue à ce moment-là qu’on oublie trop et qui sont bien réelles, par exemple [2] :

Sans oublier la « campagne des 4 nuisibles » qui consistait à liquider quatre espèces animales comme les moineaux qui étaient réputées détruire les récoltes, or ces animaux se nourrissaient d’insectes qui ont pu proliférer et attaquer les récoltes avec encore plus d’intensité. Mao n’était pas un dieu, il ne pouvait pas contrôler les catastrophes naturelles et pouvait commettre des erreurs. Ces deux facteurs, qui n’expliquent bien sûr pas tout, n’ont aucun rapport avec l’idéologie communiste.

Bien sûr on a oublié que Mao, malgré ses lacunes, a tout de même réussi à sortir son pays de la misère extrême en peu de temps : l’espérance de vie passe de 35 ans en 1949 à 65 ans en 1976, soit près du double. Une évolution similaire aux autres pays socialistes comme l’URSS et l’Albanie et qui est loin d’avoir été aussi rapide dans nos pays occidentaux.

Les communistes seraient des méchants aux 100 millions de morts qui aiment égorger les enfants, il ne faut pas donc pas chercher d’alternative à l’exploitation de milliards d’individus par une poignée de capitalistes et de banquiers (sinon c’est le bolcho totalitaire au couteau entre les dents !). C’est le message qu’ils veulent faire passer, n’y faites pas attention. Regardez la réalité en face et réfléchissez par vous-même.

Et à ceux qui disent « comment peut-on être communiste après le goulag ? », nous leur répondons : comment peut-on être catholique après l’Inquisition ?

La guerre des chiffres n’a pas beaucoup d’utilité étant donné que l’on peut trouver des chiffres bien plus élevés pour le capitalisme comme ceux présentés dans le Livre noir du capitalisme (100 millions de morts au XX° siècle) et les millions de morts de faim chaque année de nos jours dans un monde de surproduction et de spéculation sur les matières premières. « La famine tue 16.000 enfants par jour – attention, je ne parle que de la famine et que des enfants ! – faites le calcul sur 1 an : plus de 5 millions de morts… sur 20 ans : plus de 100 millions… pourtant, le communisme a disparu il y a plus de 20 ans, à qui donc attribuer ces morts, si ce n’est au seul système restant sur la planète : le capitalisme… » [3] Mais là on entre dans un sujet interdit.

Lâchez vos préjugés et écoutez d’abord ce qu’ont à dire les communistes et les marxistes, peut-être ont-ils des réponses concrètes aux problèmes actuels. Je vous invite à étudier sérieusement ce qu’est le communisme, à étudier ces régimes avec plus d’objectivité, tout n’est pas noir ou blanc, il y eut également de grandes réalisations et même Werth et Margolin, dans l’article cité, admettaient que « [le communisme] ne fut ni partout ni constamment massacreur » et remettaient en cause le prétendu « lien direct » entre crimes de masse et idéologie communiste (thèse de Courtois). Vous pouvez être sûr que si les Etats-Unis avaient perdu la guerre froide on n’aurait retenu d’eux que le génocide amérindien, la traite des noirs, la collaboration avec le nazisme, les expansions impérialistes…

Voir également : Le communisme et les fameux 100 millions de morts : une manipulation ?
Sortie de crise : le communisme la seule voie ? 

Notes : 

[1] : http://glasscock.tamu.edu/nehss2012/images/Werth_Communisme_retour_a_lhistoire.pdf
[2] : http://www.disastercenter.com/disaster/TOP100K.html
Mao and Lincoln, Part 2 : The Great Leap Forward not all bad, Henry C. K Liu, 1er avril 2004, Asiatimes.com
[3] : http://2ccr.unblog.fr/2013/11/21/cest-100-millions-de-morts/


Lire l'article complet, et les commentaires