Le coup de pied de l’âne de France Inter à DSK
par Paul Villach
mardi 24 mai 2011
On reste bouche bée. La partialité de France Inter, déjà observée en maintes occasions, atteint des sommets. Voici comment le journaliste de service, Patrick Boyer, a présenté la défense de DSK, lundi 23 mai 2011, au journal de 13 heures : « L'homme qui voulait présider la France sur des valeurs de Gauche, a-t-il estimé, ne devra peut-être son salut judiciaire qu'au prix du discrédit d'une femme de ménage africaine, travailleuse immigrée à New-York… C'est en ces termes que se pose aujourd'hui l'affaire DSK devant la justice américaine ».
Que le sophisme est misérable ! La rédaction de France Inter a dû cogiter pour présenter de façon aussi partialement négative la défense de DSK. Soucieuse sans doute de ne pas prêter le flanc à une accusation d’atteinte à la présomption d’innocence plus ou moins implicite comme nombre d’hebomadaires français, elle a choisi un angle d’attaque de DSK dont on laisse le lecteur juger de l’honnêteté.
1- "Une fourchette" malhonnête
La rédaction de France-Inter enferme d’abord DSK dans ce qu’on appelle au jeu d’échecs "une fourchette" : quand on a deux pièces majeures, la Dame ou une Tour par exemple, menacées par la même pièce de son adversaire, comme un Cheval, on ne peut sauver les deux ; on en perd forcément une puisque, son tour venu, on ne peut déplacer qu’un pion. France Inter ne laisse aussi à DSK aucune chance de s’en sortir :
- soit il ne se défend pas et il encourt les peines dont les crimes reprochés sont punis ;
- soit il se défend, comme c’est le droit de tout accusé, mais il ne le fera qu’en niant ses valeurs de Gauche et une peine morale lui pend au nez, puisqu’il ne pourra se défendre qu’ aux dépens de son accusatrice dont il aura prouvé le faux-témoignage ou la dénonciation calomnieuse.
2- Un amalgame : imputer à DSK la procédure accusatoire américaine
France-Inter procède, d’autre part, à un amalgame qui tend à rendre responsable DSK des modalités de défense brutales qu’impose la procédure judicaire américaine. À la différence du système français, on ne cesse depuis huit jours de le répéter, ce sont les parties en cause qui mènent l’enquête : la victime supposée doit apporter les preuves de l’agression subie et l’agresseur supposé les réfuter : le juge arbitre.
Il va de soi qu’à ce jeu, comme on le voit aussi, du reste, devant un tribunal français, ruiner le crédit de l’accusateur est un angle d’attaque qui permet à l’accusé de ruiner l’accusation. Il n’est pas rare qu’un accusateur soit un affabulateur ou qu’il ait des raisons personnelles de mettre en cause un innocent. A-t-on oublié l'affaire Dominique Baudis ou l’affaire d’Outreau ? Est-ce qu'à Outreau, 13 des 17 accusés n’avaient pas été dénoncés calomnieusement par l’un deux qui a fini en appel par avouer sa calomnie, ouvrant la voie le 1er décembre 2005 à leur acquittement ?
Il est donc malhonnête de reprocher à un prévenu d’user des moyens de défense que lui donne le système judiciaire. Il n’a pas le choix des armes : elles lui sont imposées.
3- Un argument ad hominem par amalgame contre l’homme de Gauche
Mais France Inter ne s’en tient pas là. Elle veut faire rendre gorge à DSK, prétendu homme de Gauche, et qui « voulait présider la France sur des valeurs de Gauche ». Elle use du leurre de l’argument ad hominem dont la particularité est d’opposer ses propres arguments à l’adversaire pour le discréditer : ainsi la radio de service public prétend-elle d’avance que la défense de DSK serait en contradiction avec les valeurs de la Gauche dont il se réclame. Comment déraisonner à ce point ?
- Le témoignage émanant d’une femme, immigrée africaine et femme de ménage tiendrait-il sa fiabilité des trois qualités de son auteur ? À en croire France Inter , oui, de sorte que DSK s’exposerait 1- au sexisme anti-féminin, 2- à l’ethnisme anti-africain, 3- et au classisme anti-salariés modestes.
- C’est donc un nouvel amalgame malhonnête. La fiabilité d’un témoignage, en effet, n’est garanti ni par le sexe, ni par l’ethnie, ni par la classe sociale de son auteur. Il existe des personnes honnêtes et malhonnêtes dans les six grands groupes concentriques auxquels tout individu appartient et que définissent l’âge, le sexe, l’ethnie, la nation, la classe sociale et la tribu (ou le clan). L’Histoire montre même que de modestes citoyens peuvent se laisser corrompre par des dirigeants pour accomplir les basses besognes. Il suffit de revoir « Z » de Costa Gavras, paru en 1969 qui s’inspire de l’affaire du député grec Lambrakis assassiné en mai 1963 par deux individus du lumpen-prolétariat soudoyés par le pouvoir en place.
On a vu six hebdomadaires ne pas respecter la présomption d’innoncence de DSK. La radio de service publique France Inter ne s’y risque pas : elle préfèreinnover. Elle lui dénie tout simplement d’avance la possibilité de se défendre sous peine de renier ses valeurs de Gauche. Le leurre de l’amalgame est grossier. France Inter ne se rend même pas compte qu’en inscrivant arbitrairement au patrimoine des valeurs de Gauche la défense des femmes, des Africains immigrés et des salariés, elle s’expose à se voir retourner un autre argument ad hominem de même amalgame : ne dresse-t-elle pas ainsi a contrario de la Droite qu’elle sert, le pire des portraits, sexiste, ethniste et classiste ? On croit assister à la fable de La Fontaine, où « le lion devenu vieux » est « attaqué par ses propres sujets / Devenus forts par sa faiblesse. » France-Inter y joue le rôle de l’Âne qui, comme le Cheval, le Loup et le Bœuf, y va de son coup de pied contre le fauve à terre. Comme on aimait mieux cette station de service publique quand avec Stéphane Guillon elle affrontait DSK au faîte de sa puissance ! (1) Paul Villach
(1) Paul Villach, « DSK « dynamité » par Stéphane Guillon sur France Inter, « façon puzzle » : méchanceté ou critique légitime ? » AgoraVox, 23 février 2009.