Le déni de réalité de la classe politique dirigeante et la fracture sociale

par Trelawney
vendredi 27 février 2015

Lors de sa visite sur le salon de l’agriculture, Manuel Valls premier ministre a exhorté les agriculteurs à s’éloigner de la tentation FN.

Il leur a dit en substance : « Je pense que les valeurs de travail, de solidarité, de mérite, cette volonté de transmettre ce savoir-faire à la jeunesse, cette qualité que l'on ressent ici, sont aux antipodes de ce qu'est l'extrême droite. L'extrême droite et le monde rural ne peuvent pas se retrouver ». Il a vanté les valeurs de l’Union Européenne et ce qu’elle a apportée aux agriculteurs : « Les agriculteurs savent aussi ce qu'ils doivent aux pouvoirs publics, particulièrement à l'Europe. Voter Front National, c'est détruire ce modèle européen qui a aussi soutenu l'agriculture française ». Il est vrai que 70% des revenus des agriculteurs proviennent des aides européennes, mais il ne faut pas oublier que 100% des dépenses d’investissement qui grèvent le budget des exploitations, sont imposées par les nouvelles normes européennes. Ce qui est tout aussi vrai, est que 35% des maires et beaucoup plus de conseillers municipaux des petites villes et villages de nos campagnes sont des agriculteurs, et leur appartenance politique est répartie entre l’UDI, l’UMP et le PS. Manuel Valls, dans son discours, ne s’adresse donc pas aux bonnes personnes. En fait il a depuis longtemps ignoré les personnes tentées par le vote FN et il n’est pas le seul car les médias, ainsi que tous les partis politiques du front de gauche à l’UMP les ignorent. Ces gens que l’on ne voie pas sur des tracteurs sont devenus transparents. Ce sont les anciens ouvriers des coopératives, des abattoirs, des conserveries, des usines de tracteurs etc. Ce sont ces personnes que Macron qualifie « d’analphabète ». Le parti socialiste a fait pire, car il ignore non seulement ces classes populaires, mais a réduit considérablement sa zone de chalandise et, pour lui, la ruralité est un croissant qui part de la Bretagne longe la façade atlantique pour finir dans les Charentes. Toutes les autres régions sont ignorées par ce parti, car trop ancrées à droite (Bordelais, Champagne, Alsace, Bourgogne) ou complétement sinistrées (Ardenne, Loraine, Massif central) pour qu’ils s’y intéressent.

Manuel Valls a dit : « Il faut que les territoires péri-urbains, les espaces ruraux n'aient pas ce sentiment d'abandon qu'on a pu avoir par le passé ». Il oublie d’évoquer le sujet des PME qui ferme les unes après les autres et qui plongent nos campagnes dans la misère. Quand dans un village de 2000 habitants la PME local de 150 employés ferme, ce sont les commerces qui disparaissent, les classes d’école qui ferment et la poste qui déménage et ce sont 150 familles plongées dans la précarité. Aujourd’hui une société connue de tous « la bergère de France » à bar le Duc dans la Meuse vient de se placer en redressement judiciaire. Il y a fort à parier qu’elle ne survivra pas à ce dépôt de bilan. Ce sont 300 emplois menacés, car cette société de 300 salariés est la plus importante de son département. Quand une société avec un effectif de 300 personnes est la plus importante entreprise de la Meuse, ça vous donne une idée de ce qu’est le tissu industriel dans notre pays. Bar le Duc avec ses 15000 habitants n’y survivra pas non plus. Et ce sera une quantité de laissé pour compte qui s’ajouteront aux « ignorés ».

Tout en faisant parti du monde rural, ces gens-là ne sont pas agriculteurs, ils sont même très loin du monde agricole. Ce sont ces individus, qui ont subi la crise de plein fouet et qui, pour la plupart, vivent avec des allocations chômage en attendant le RSA, que vous retrouvez en bénévoles dans des associations comme le secours populaire où les restaurants du cœur. Le FN en a incité plus d’un à s’inscrire sur ses listes aux prochaines élections cantonales et ils font plutôt bien le boulot, la parité homme femme y est scrupuleusement respectée et ce sont ces même personnes que vous retrouvez sur les marchés et à tracter dans les boites aux lettres, alors que l’UMP, le PS et le front de gauche sont aux abonnés absents de cette élections dont personnes ne veut parler. Ces personnes qui ne sont pourtant ni racistes, ni xénophobes sont proches des idées de ce parti qui n’a jamais abandonné ses principes fondamentaux des années 70 à savoir : la suprématie du « français de souche ».

Thierry Lepaon, quand il était encore premier secrétaire de la CGT a lu un discours devant le conseil national. Il fut ovationné car les idées qu’il exprimait étaient pragmatiques ambitieuses et très sociales. Quand il a dit qu’il venait de lire un tract du FN un silence gêné a remplacé les applaudissements. Le front de gauche a abandonné le terrain social au profit d’une rhétorique dogmatique sur la sempiternelle lutte des classes que personne ne comprend. Et c’est maintenant le FN avec ses idées novatrices dans ce domaine qui occupe le terrain.

 

Entre 2008 et 2012, les 30 % les plus pauvres ont perdu entre 400 et 500 euros de revenus annuels, soit entre 3 et 6 % de leur niveau de vie alors que dans le même temps, les 20 % les plus aisés ont gagné 400 euros. En revanche, depuis 2012, la progression continue du chômage a encore détérioré la situation du bas de l'échelle des revenus. Cela signifie que les niveaux de vie des moins favorisés décrochent depuis six ans. Un phénomène sans précédent selon les données de l'Insee, probablement jamais enregistré depuis les années 1930. Si on remonte sur 10 ans (2002 – 2012), le niveau de vie moyen des 10 % les plus pauvres a baissé de 600 euros, alors que celui des 10 % les plus riches s’accroissait de 6 000 euros. Entre ces catégories, l'écart s'est donc accru de 6 600 euros, environ six mois de Smic. A-t-on seulement vu un Mélenchon, un Lepaon, un Laurent Berger aborder le sujet ? De mémoire, le seul à l’avoir fait est François Hollande lors de sa campagne présidentielle et on connaît tous la suite.

 

Les couches moyennes sont quant à elles loin d'être « étranglées », car si leurs revenus stagnent leurs difficultés restent sans rapport avec celles que rencontrent les milieux populaires. Mais cela ne signifie pas que tout aille pour le mieux : pour elles, c'est l'écart entre leur situation objective et leurs aspirations qui compte. Trouvant ses origines dans un milieu rural, ouvrier, immigrés notamment, elles sont issues d'un processus de mobilité sociale ascendant (ascenseur social pour certain). Mais leurs enfants peinent à accéder à une situation équivalente à celles de leurs parents. De plus, ces catégories se situent dans le creux des politiques sociales : d'un côté, elles profitent peu des prestations sociales (en particulier des allocations logement) ; de l'autre, elles n'ont pas assez de revenus pour jouir des niches et autres réductions fiscales.

 

Les classes défavorisées qui lassées par l’injustice sociale ont décidé de prendre leur destin en main en s’inscrivant sur les listes des cantonales et en adhérents au seul parti politique qui a bien voulu leur tendre la main, on trouvait un écho auprès des couches moyennes plus enclin à écouter une personne sincère qu’un « parasite de la politique ». Et pendant que Manuel Valls fait la morale en s’adressant à des personnes qu’il pense être de son milieu, une Marine Lepen reçoit un accueil triomphale au salon de la l’agriculture et y reste 10 heures.

 

Ces catégories populaires et moyennes vont certainement se rappeler au bon souvenir de l'exécutif, lors des élections départementales prochaines et le 29 mars au soir, nous verrons le FN conquérir un grand nombre de cantons et sans doute plusieurs départements.

 

Comme l’histoire se répète, nous verrons le 30 mars notre exécutif annoncer des réformes à la Macron et montrer sa force à grand coup de 49.3 sans ni même comprendre et encore moins s’attaquer aux racines du mal. Pour 2017, le FN a une route large et dégagée.


Lire l'article complet, et les commentaires