Le droit à l’image
par Taverne
jeudi 21 juillet 2011
Le droit à l'image ne doit pas être confondu avec le droit d'auteur. Il fait partie des droits de la personnalité tout comme le droit au respect de la vie privée, alors que le droit d'auteur est un droit patrimonial. Le droit à l’image trouve son fondement dans l’article 9 du code civil et dans l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Le droit à l'image est surtout une création de la jurisprudence. Celle-ci le différencie d’ailleurs du droit au respect de l’intimité. Il existe un droit à l’image pour les personnes mais aussi pour les biens.
Partie1 - Le droit à l’image des personnes
Au nom du droit à l’image, toute personne peut s’opposer à la publication, sans son autorisation, de son image. Il s’agit d’un droit de la personnalité (et non d’un droit patrimonial). Conséquence : il s’éteint au décès de la personne concernée qui est seule titulaire de ce droit. La personne qui s’opposerait à la reproduction de l’image du défunt doit prouver un préjudice personnel.
1 - Le caractère identifiable de la personne
Il ne peut y avoir d’atteinte à l’image que si une personne déterminée est identifiable du fait de la présence d’éléments la rendant reconnaissable. Pas nécessairement du grand public, mais aussi par des proches. La seule affirmation par une personne qu’elle se reconnaît n’est pas constitutive d’une atteinte au droit à l’image.
2 - Le principe de l’autorisation
L’autorisation du représentant légal est obligatoire pour un mineur ou un incapable majeur. Toute personne a sur son image, quelles que soient sa notoriété, sa profession ou ses fonctions, un droit exclusif et absolu.
L’autorisation doit être spéciale. Si le juge admet qu’elle soit moins précise qu’en matière de propriété intellectuelle, elle ne peut pas être pour autant illimitée. Sa portée est restreinte. Par exemple, si sa finalité est pédagogique, elle ne permet pas l’utilisation de l’image à des fins commerciales.
L’autorisation doit être expresse. Elle peut dans certains cas n’être qu’implicite mais doit se déduire clairement des circonstances de fait (exemple : l’attitude de la personne photographiée). Elle ne se présume pas.
La charge de la preuve de l’autorisation pèse sur celui qui publie ou exploite l’image. L’autorisation peut être incluse dans un acte général (exemple : le règlement intérieur d’une école).
La durée de l’autorisation : Lorsque l’autorisation a été donnée sans aucune limitation dans le temps ni aucune réserve, le consentement donné à la publication d’une photographie ne peut couvrir l’utilisation plusieurs années plus tard de cette photo.
Le retrait de l’autorisation : en cas d‘autorisation illimitée, le retrait n’a pas à être justifié. Il doit l’être pour les autorisations avec durée.
Le fait d’avoir toléré la publication antérieure d’images ne vaut pas consentement pour la publication présente et à venir.
Au-delà de la simple autorisation d’usage, la personne peut céder une autorisation commerciale voire même un monopole. Alors même que le droit à l’image est un droit de la personnalité, la possibilité de conclure des contrats sur l’image peut être analysée comme une forme de reconnaissance d’un droit patrimonial à l’image.
3 - Les exceptions à l’obligation d’autorisation
Il y a 3 exceptions.
- L’exception d’actualité :
La combinaison de la liberté de la presse et du droit à l’image se traduit par le principe qu’on ne peut s’opposer à la divulgation de son image chaque fois que le public a un intérêt légitime à être informé.
Deux conditions pour qu’il y ait exception : les informations données dans l’article qu’illustre l’image doivent constituer un fait d’actualité, la personne représentée doit être impliquée dans le fait d’actualité. Au contraire : détachée du fait d’actualité, la publication de l’image de la même personne sans son consentement constitue une faute. Exemple : publication de photo de manifestants identifiables à la Gay pride dans un article sur le PACS.
Le caractère légitime de l’actualité est une notion fluctuante selon les pays et les mœurs. Ainsi, la Cour de cassation admet-elle aujourd’hui que la révélation d’un problème de santé d’une personnalité connue est une information légitime. De même que l’incartade conjugale de l’époux d’une princesse. Mais pas les relations d’une personne avec un footballeur (non liée à un fait d’actualité suffisant).
L’image publiée doit être appropriée à l’objet relaté. Lorsque le contexte de l’utilisation d’une photo est totalement étranger au contexte dans lequel elle a été prise, sa diffusion sans autorisation est une atteinte à la vie privée.
La consistance du lien d’implication dans le fait d’actualité : Elle est laissée à l’appréciation des juges du fond. En général, le principe de liberté de la presse prévaut sous réserve du respect de la dignité humaine. Le contrôle du juge ne s’exerce pas seulement sur l’appropriation de l’image au sujet traité, mais aussi sur la sélection des images diffusables, leur cadrage, le floutage.
- L’exception de vie publique
Il n’y a pas atteinte au droit à l’image lorsque la personne représentée (même mineure) se trouve dans un lieu public. Pas plus que l‘autorisation, le lien entre l’image et l’actualité n’est exigé. Le juge apprécie la condition de lieu public et contrôle que l’limage n’a pas été cadrée ou agrandie pour attirer l’attention sur la personne.
- L’exception de vie professionnelle
La vie professionnelle relève de la vie publique. Il y a transfert à la personne publique du droit à l’image quand une personne est représentée sur une plaquette dans le cadre de sa fonction, dans un but d’intérêt général, sans détournement ni atteinte à la dignité humaine ni exploitation commerciale caractérisée (exemple : la vente de quelques cartes postales pour assurer quelques recettes à un musée).
4 - Les conditions d’utilisation de l’image des personnes
L’image doit être utilisée dans le respect de la dignité humaine. La diffusion doit être faite de manière loyale (exemple le fait de tronquer une séquence d’une vidéo peut détourner les propos). Enfin, les trois exceptions ci-dessus à l’autorisation ne peuvent être revendiquées à l’appui d’utilisation commerciale, partisane ou dans un contexte dévalorisant.
Partie 2 -Le droit à l’image des biens
1 - Image des biens et droit de propriété
Le propriétaire d’un bien ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de ce bien. La conséquence est que son autorisation n’est pas requise pour produire et en diffuser l’image. Le propriétaire peut cependant sanctionner et faire cesser un trouble anormal consécutif à ces utilisations. Exemples : risque d’afflux de touristes ou de convoitise accrue des voleurs.
2- Image des biens et propriété intellectuelle
La reproduction à titre principal de l’image d’un bien peut être sanctionnée car elle doit tenir compte d’éventuels droits d’auteur (exemple : droits de l’architecte, droits de l’auteur de l’illumination de la Tour Eiffel pour la représentation de la tour illuminée sur une carte postale). La reproduction de l’image d’une œuvre de l’esprit à titre accessoire par rapport au sujet traité, ne réalise pas une représentation de l’œuvre et l’autorisation n’est pas requise. Exemples : représentation d’une couverture, d’une œuvre architecturale, d’une photographie. La circonstance que l’œuvre est située dans un lieu public est sans influence. Si le cadrage fait que la photo ne représente l’œuvre qu’à titre accessoire, l’autorisation de l’auteur de l’œuvre ne sera pas nécessaire.
3 - L’appréciation de la contrefaçon :
La contrefaçon s’apprécie par rapport aux ressemblances, et non par rapport aux différences. Ainsi, en reproduisant, sans autorisation préalable, le personnage de LEELOO du film « Le cinquième élément », les sociétés SFR et Publicis se sont rendues coupables d’un acte de contrefaçon. Le personnage créé par ces deux sociétés présentait des ressemblances marquées avec celui de LEELOO dont il reprenait des caractéristiques spécifiques, suscitant l’évocation immédiate de ce personnage de Luc Besson dans l’esprit du public du spot publicitaire.
4 - La représentation d’une marque ou d’un objet industriel
La représentation d’une marque ou d’un objet industriel obéit aux mêmes principes que la représentation d’une œuvre de l’esprit : tout est fonction du caractère principal ou accessoire de la représentation.