Le droit opposable en pratique

par jcbouthemy
lundi 15 janvier 2007

Le droit constitutionnel à l’épreuve des faits.

C’est une erreur que de croire que le fait d’inscrire un droit dans la Constitution constitue une garantie pour qu’il soit applicable à chacun. C’est ce que voudraient nous faire croire tous les politiciens qui, surtout, ne veulent pas être confrontés à cette situation qui résulte de leur laisser-aller durant les trente dernières années.

Pour m’en être réclamé devant les tribunaux administratifs, je pense être assez bien placé pour évoquer cette question du droit opposable.

J’ai cru que chacun d’entre nous pouvait se prévaloir des droits inscrits dans la Constitution. C’est sur cette base que j’ai demandé à la justice administrative de condamner l’Etat pour ne pas m’avoir permis de bénéficier du « droit d’obtenir un emploi ».

Avant de me lancer dans cette aventure judiciaire, j’avais potassé un minimum le sujet. J’avais trouvé des arguments qui semblaient me donner raison. En particulier un arrêt du 23 juin 1959 dans lequel le Conseil d’Etat affirme que "les principes généraux du droit, résultant notamment du préambule de la Constitution, s’imposent à toute autorité réglementaire, même en l’absence de dispositions législatives."

Je m’étais étonné que personne avant moi n’ait pris l’initiative de se prévaloir de ce principe pour essayer de résorber ce problème du chômage. J’ai pris contact avec des syndicats, des associations, des partis politiques pour leur parler de mon intention de demander à la justice l’application de ce droit constitutionnel et mettre ainsi fin à mon statut de chômeur. Lorsque l’on m’a répondu, c’était pour me faire savoir qu’ils utilisaient d’autres moyens pour combattre le chômage.

C’est donc seul que j’ai accompli ce parcours du combattant devant la justice administrative. Cela a abouti à l’arrêt de la cour d’appel de Nantes qui me déboutait de mes demandes au motif que "le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi... », ne s’impose au pouvoir réglementaire en l’absence de précision suffisante, que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français."

C’était en contradiction avec la jurisprudence antérieure et tous les principes soutenus par les spécialistes du droit adminstratif.

Dans les principes généraux du droit administratif, Georges VLACHOS affirme que "la valeur constitutionnelle du Préambule a été affirmée par la décision du 16 juillet 1971 du Conseil constitutionnel (A.J. 1971.537,n. Rivero). Il a considéré que le Préambule de la Constitution de 1958 en fait partie intégrante et possède donc la même force juridique que le texte constitutionnel. Ainsi, le contrôle de la constitutionnalité s’étend aux dispositions que la Déclaration des droits et le préambule de 1946 consacrent..."

Il poursuit : "Lorsque le Préambule énonce une disposition suffisamment précise pour avoir immédiatement valeur de droit positif, le juge administratif en assure le respect au même titre que les dispositions du texte de la Constitution."

Charles DEBBASCH, dans son Traité de droit administratif affirme que "le préambule établit les principes fondateurs du contrat social. Et à ce titre, à l’évidence ses dispositions sont source de droit positif... Le Conseil constitutionnel a consacré expressément la valeur positive et constitutionnelle du préambule. Celui-ci a une valeur juridique obligatoire. Il s’impose aux autorités administratives dans toutes les dispositions."

Monsieur René CHAPUS va dans le même sens. Dans son livre intitulé Droit administratif général, il soutient que "les dispositions du préambule régissent l’administration et s’imposent aux juges, réserve faite de l’hypothèse de l’écran législatif... Contrairement à une erreur souvent commise et procédant d’une prudence excessive, les décisions précitées signifient que le préambule a force de loi constitutionnelle dans la totalité de ses dispositions..."

Insatisfait par la décision de la cour d’appel de Nantes, j’ai donc saisi le Conseil d’Etat où le dossier serait à l’instruction.

Pour ceux qui voudraient en savoir davantage, je me permets de donner le numéro d’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 30 juin 2006 qui est 06NT00655. Et mon pourvoi au Conseil d’Etat est référencé sous le numéro 298072.

J’avais pensé que ce sujet pouvait intéresser tous ceux qui étaient concernés par le chômage. J’ai donc pris contact avec la majorité des médias. Mais, à part un entrefilet dans le Nouvel Obs, personne n’a donné suite. J’ai essayé de comprendre les raisons d’un tel silence. J’ai cru comprendre que ce n’était pas tant les conséquences sociales ou économiques pour le pays qui inquiétaient ces gens mais plutôt les conséquences pratiques que cela pourrait amener dans leur propre fonctionnement. Tout le monde s’est habitué à cette situation et beaucoup en profitent pour leur usage personnel.


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