Le film Venezuela, un imbroglio riche en rebondissements

par Abdelkarim Chankou
vendredi 1er février 2019

La rancune populaire n’a pas de limites…

Les généraux de Maduro sont tout sauf des fous. Sauf si Juan Guaidó et ses sponsors leur garantissent l’immunité totale, ils ne s’écarteront pas d’une semelle de Maduro. Et encore il se peut qu’ils destituent ce dernier et prennent les rênes du pouvoir directement.

L'ex président Chavez décédé et le vice-président Maduro en mars 2013

A première vue ce qui se passe depuis quelques jours au Venezuela laisse présager un avenir sombre à la syrienne pour ce pays d’Amérique latine riche en matières premières précieuses. Les Etats-Unis déclarent ouvertement la guerre au président Nicolas Maduro en soutenant le jeune chef de l’opposition Juan Guaidó Márquez, 35 ans le 28 juillet prochain. Membre du parti Volonté populaire et élu président de l'Assemblée nationale le 5 janvier 2019, il s’est autoproclamé tombeur er successeur ad interim de Nicolas Maduro dont il ne reconnait pas la réélection le 20 mai 2018. Seulement, la République bolivarienne du Venezuela n’est ni le Syrie, ni la Libye encore moins le Yémen. Pour résumer, ce pays, situé dans la partie la plus septentrionale de l’Amérique du Sud, n’est ni arabe ni musulman. Et ça compte dans les relations internationales. Mais ce n’est pas notre propos ici. A vrai dire, le talon d’Achille de ce chauffeur de bus et ancien syndicaliste c’est sa victoire ric-rac à 50,66 % le dimanche 14 avril 2013 à l’élection présidentielle. Un score - que ça soit dit au passage-, qui suppose que le scrutin a été correct surtout que Maduro a été recommandé aux Vénézuéliens par son prédécesseur, le très populaire Hugo Chavez dont il était le vice-président et qui se savait condamné à cause d’un cancer en stade très avancé. En fait, 50.66 % ce n’est pas assez pour un leader latino pour s’imposer à ses compatriotes de sang chaud, même si 78,71% des 19 millions d'électeurs vénézuéliens se sont rendus aux urnes. Donc les ennemis du chavisme en général se sont engouffrés dans la brèche des 49,07% des suffrages obtenus par le candidat de l'opposition Henrique Capriles. Une brèche qui a grandi depuis 5 ans notamment à cause de la casse causée par l’embargo décrété par les pays occidentaux contre Caracas. Même la France qui par tradition use d’une diplomatie de velours évitant la confrontation en pareils cas affiche ouvertement son hostilité au régime de Maduro alors que le parlement européen a reconnu Juan Guaidó en tant que président par intérim. La posture de Paris s’explique plus par des intérêts géopolitiques que par un quelconque suivisme à l’égard des Etats-Unis. En effet, la guerre larvée entre le Venezuela et le voisin colombien accusé par Caracas d’être un valet des États-Unis dans la région et de soutenir en plus les maquisards du Farc dérange la lune de miel commerciale et politique entre Bogota et Paris... Côté Big Brother, la rhétorique anti-Maduro est plus violente et plus frontale. Normal : une telle confrontation est du biscuit tout cuit pour un président Trump en mal de victoires extérieures après son annonce controversée de retirer ses troupes de Syrie et son dialogue placebo avec le président nord-coréen. « Pour asphyxier Maduro et hâter le transfert du pouvoir à Guaidó, les Américains ont mis sous séquestre les bénéfices de la compagnie pétrolière d’Etat, qui raffine une grande partie de son brut aux Etats-Unis. » Mortel chantage pour un pays ne vivant presque que des recettes pétrolières. « Priver le régime socialiste des revenus du pétrole, qui représente 95 % des exportations du pays (et autant des recettes budgétaires), c’est asphyxier économiquement le Venezuela et prendre le risque d’affamer encore un peu plus ses 32 millions d’habitants. »

LA RANCUNE POPULAIRE N’A PAS DE LIMITES

Certes l’or noir n’est pas l’unique richesse souterraine du pays. « Le Venezuela, outre le diamant, dispose d'or, de cuivre, de fer, de bauxite, mais aussi de coltan à foison. Plus de 100 000 km2 dans la région centrale de Guaniamo, au sud du fleuve Orénoque ont été baptisés en février dernier + Arc minier de l'Orénoque + par un décret du président Maduro. » L’or est également dans le viseur des pays occidentaux. La trentaine de tonnes d'or du Venezuela déposé à la banque d’Angleterre sont disputés à mort par Maduro et Guaido. Mais Londres englué jusqu’aux oreilles dans le Brexit et les craintes d’une chutes libre de la Livre sterling en cas de sortie dans accord de l’Union européenne refuse de rendre à Caracas son or sou prétexte qu’il ne serve les intérêts personnels de Maduro… « La Banque d’Angleterre refuse de rendre 1,2 milliard de dollars en or au Venezuela » croit savoir l’agence Bloomberg. Une décision qui semble être aussi gratuite que maladroite ; dans ce sens que non seulement elle renforce chez le peuple Vénézuélien moyen l’idée d’un complot impérialiste qui vise son pays et son président mais est ultra négligeable quant à une a éventuelle asphyxie du régime en place. Maduro et sa suite qui contrôlent toutes les ressources du pays ne sont pas à un milliard dollars près. À l’heure actuelle, le gouvernement Maduro « compte sept ministres issus de l’armée ou de la garde nationale. ils ont les portefeuilles de la Défense, du Pétrole, de l’Agriculture et de l’Alimentation, des domaines aussi stratégiques que gangrenés par la corruption. » A cet atout il faudra ajouter le soutien de la Russie « qui a investi des milliards de dollars dans le pays et a tout à perdre dans un changement de régime, avait envoyé des experts en novembre 2018 pour tenter d’enrayer la crise économique. » Sans oublier l’appui de la Chine qui importe massivement du pétrole du Venezuela et dont elle a besoin pour faire tournes son économie. Et last but not least, l’appui des chefs de l’armée à Maduro. Maduro système et non pas Maduro président. Nuance. Explication : les galonnés savent qu’en cas de chute de Maduro et de l’installation d’un processus transitoire vers la démocratie sera meublée ne serait-ce que pour amuser le peuple de longs procès à la chaîne contre les chefs de l’armée et la de la police. Exemple : l’Argentine . Le 28 mars 2016, soit près de 40 ans après les faits (dictature militaire1976-1983), « le tribunal de Salta (nord-ouest de l'Argentine) a condamné quatre hommes à des peines de prison ferme pour crimes contre l'humanité. Trois ex-policiers et un ancien chef d'entreprise : Marcos Levin, propriétaire de la plus grande compagnie de transport de la région, La Veloz del Norte. Ce septuagénaire devra purger douze ans de prison pour son rôle durant la dictature militaire (1976-1983). De tous les procès depuis le rétablissement de la démocratie et l'abrogation des lois d'impunité, c'est le premier qui condamne un chef d'entreprise. » La rancune populaire n’a pas de limites… Les généraux de Maduro sont tout sauf des fous. Sauf si Juan Guaidó et ses sponsors leur garantissent l’immunité totale, ils ne s’écarteront pas d’une semelle de Maduro. Et encore il se peut qu’ils destituent ce dernier et prennent les rênes du pouvoir directement. En tout cas le film Venezuela sera un imbroglio riche en rebondissements. Spectacle !

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