Le filtre partisan

par Félicien Arcuel
lundi 28 novembre 2016

Ou pourquoi les débats n’ont jamais fait bouger les lignes

Le fait d’armes entre Jean-Luc Mélenchon et Daniel Cohn Bendit m’a rappelé à quel point une vision partisane pouvait biaiser la vision d’un fait établi. Rappel du fait en question : lors de l’émission spéciale programmée sur France 2 dimanche soir, Daniel Cohn Bendit et Franz Olivier Giesbert sont en plateau lorsqu’un duplex avec Jean-Luc Mélenchon est mis à l’antenne. Daniel Cohn Bendit s’adresse alors à Mélenchon : « Jean-Luc, si tu te présentes à la primaire, tu peux la gagner... », à quoi l’ex-sénateur lui rétorque : « Monsieur Cohn-Bendit, est-ce que vous pouvez m'appeler par mon nom et pas par mon prénom, s'il vous plait ? Nous ne sommes pas amis, ne jouons pas la comédie ».

S’ensuit une passe d’armes à fleurets pas si mouchetés et une déferlante sur les réseaux sociaux. A titre personnel, j’ai une certaine tendresse pour Daniel Cohn Bendit qui a réussi à lui tout seul à faire plus de 17% dans une élection pour les écologistes. Sa double culture franco allemande en fait de lui un défenseur avisé mais non servile de la cause européenne. Bref j’ai trouvé Mélenchon ridicule surtout lorsqu’on sait que les deux hommes sans être amis dans la vie se tutoient. Mais au nom de sa posture de futur candidat, Mélenchon monte sur ses grands chevaux (ou poneys plutôt) et tance un Cohn Bendit retiré de la politique qui était prêt à lui dérouler le tapis rouge. Certes le fait que ce dernier ait trouvé Macron sympathique le discréditait à priori auprès dudit Mélenchon mais les faits sont têtus et l’homme dit de gauche adore le buzz.

Ce qui m’interpelle à travers ce fait est ma vision déformée de cet épisode. Car si j’en crois les réseaux sociaux, ce serait Daniel Cohn Bendit le plus pathétique des deux. « Has been, pédophile » rien ne lui est épargné.

A l’instar des débats télévisés qui ne font que plébisciter les champions d’un camp ou de l’autre on s’aperçoit bien que le miroir de la télévision n’est déformant que pour ceux qui n’ont pas d’opinion tranchée. Les résultats d’après débat sont formels : 66% des téléspectateurs avaient trouvé Fillon plus convaincant que Juppé alors qu’il y avait une feuille de cigarette entre les deux lors du débat.

Evidemment on ne peut s’exonérer d’un débat politique avant une élection et les Français apprécient l’exercice puisqu’ils ont été plus de 8,6 millions à suivre le tête-à-tête Juppé / Fillon sur France 2 et TF1. Et ce n’était que la primaire de droite...

Mais ne nous leurrons pas, à moins d’un coup de théâtre extraordinaire ou d’une contre-performance avérée, aucune ligne ne bougera à l’issue d’un débat dont on ne retiendra que les petites phrases. Et non l’anaphore de François Hollande ne lui a fait gagner ni le débat contre Nicolas Sarkozy, ni l’élection. Il n’a gagné que sur le rejet de son adversaire, prélude à ce qui vient de se passer à la primaire de la droite. Et c’est malheureusement souvent le cas lors d’une grande élection démocratique.

 


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