Le FN, centre de gravité de l’électorat populaire, l’illusion des vases communiquants

par Nicole Cheverney
samedi 23 janvier 2016

Depuis trente-cinq ans, le FN a servi de catalyseur au mécontentement populaire. Nous savons maintenant qu'il s'agit d' une fabrique totalement « artificielle », politico-stratégique qui remonte à Mitterrand que l'on désigne comme en étant le maître d’œuvre. Il voyait en ce parti, l'occasion d'un détournement du monde ouvrier et des Français moyens vers le FN avec ses discours nationalistes, pour soi-disant barrer la route à la droite parlementaire alors qu'en réalité, tout en se réclamant du programme commun et d'avoir eu des ministres communistes, le fin renard de Jarnac, réservait ses coups de bâtons à son principal adversaire : le PC. Et accessoirement, la Sociale de Jaurès, au cas où le Socialisme, le vrai, le pur, renaissait de ses cendres.

Pendant ce temps, une partie de l'électorat populaire communiste, faisant fi de tout combat social, mais sensible aux déclarations tonitruantes du leader FN, un as de la rhétorique, du sophisme, des « scandales » et dérapages verbaux « contrôlés », se jetait dans les bras du FN et de la béance politique laissée libre par un PC en berne, et largement occupée par une extrême-droite française réactivée pour l'occasion par Mitterrand. Voilà donc la clique à la manœuvre, pour préparer l'avenir politique d'un État, la France qui verra en très de temps, pendant le deuxième mandat de Mitterrand, sa souveraineté remise en cause par le référendum de Maastricht, Schengen et autres joyeusetés européistes, sur lesquelles le bon peuple sautera dessus, comme on se rue sur les soldes, lavé cervicalement par les médias en folie, et le Parti Socialiste en pâmoison sur l'Europe : tous ensemble pour Maastricht !

La France mise à l'encan !

Le « système » que prétend combattre le FN, ce système dis-je c'est le fabricant du FN, c'est son promoteur, c'est son maître d’œuvre à qui il doit tout ! Et s'imbrique aujourd'hui plus qu'hier, et encore moins que demain, aux partis réversibles Droite-PS ou PS/Droite, liés par les « intérêts » de l'oligarchie. Nous le voyons bien avec les adoubements successifs du FN et mouvement Bleu Marine par les médias mainstream.

Pendant ce temps, le PC, affaibli de l'intérieur et de l'extérieur par l'effondrement de l'URSS, d'abord et par la disparition de certains de ses dirigeants historiques, - (je pense en écrivant ces mots » à Georges Marchais, chef charismatique et qui remportait l'adhésion de l'électorat populaire, – Georges Marchais, donc qui savait mieux que personne chanter la Marseillaise et galvaniser tout un stade ? Je le vis un jour dans un stade à Marseille où j'assistais à un meeting et Georges Marchais fut magistral !), affaibli également par des tentatives de rénovations vouées à l'échec, affaibli par la grossière propagande atlantiste, il ne peut que constater et déplorer la fuite de son électorat vers le FN qui se présente en « rassembleur » de toutes les classes sociales victimes de la globalisation.

Et là, le piège se referme sur cet électorat floué à la fois par l'Histoire et par les manœuvres mitterrandiennes qui avec brio, il est vrai, ont offert la France sur le plateau kafkaïen États-unien, conséquences directes, après la mort de Mitterrand, par le truchement de ses fils spirituels, Jospin, Rocard et autres ministres employés à la désintégration de la Nation, poussant tout doucement les électeurs dans les bras du FN, devant un PC tétanisé par l'effondrement de l'URSS, et la politique menée par Gorbatchev.

Mais les contempteurs de la France veillent à ce que jamais le FN n'accède au pouvoir, comme le démontrent les discours amphigouriques de JMLP et biaisés par le véritable objectif sous-jacent d'être toujours en dessous de la barre des 15 %. Une fois ce deal établi, il n'y a plus rien à craindre du FN, du moment qu'il reste à sa place « d'outsider », bien entendu. On se souvient de ces affiches électorales sur lesquelles l'on voyait le portrait de JMLP sur fond de chevaux de courses au galop ! C'était en 1988, je crois.

Mais revenons au PC et la fuite des électeurs de gauche.

Nous vivons dans un « système » qui n'obéit qu'à sa propre logique dévastatrice, qu'à son propre horizon fermé et bouché où l'avenir des peuples est proscrit, puisque pour l'Oligarchie l'avenir ne peut s'accorder qu'avec le bien-être et l'aisance financière de cette minorité de dirigeants qui prétendent gouverner les peuples. Le CAPITALISME observe depuis sa création une dynamique qui lui est propre. Je rappelle en outre, que ce mot : CAPITALISME, a encore une signification idéologique puissante et génératrice de réflexion et d'opposition, voire révolutionnaire, même si dans notre pays et en Europe, les partis d'opposition se sont délités dans une sorte de magma informes qui nous font souvent dire : la droite et la gauche n'existent plus.

Dans les faits, et les compromissions, oui, mais au niveau des idées et des projets de sociétés, nous ne pouvons faire l'impasse du combat obligatoire contre le CAPITALISME, si nous ne voulons pas DISPARAITRE.

Cette opposition au CAPITALISME se doit d'être reprise en main par les citoyens et les partis faits pour cela ! LE PC aurait-il abandonné sa vocation première ? Le combat pour la défense des valeurs de justice et d'équité passent par la dénonciation du CAPITALISME et de ses outrances et l'on aura beau le maquiller, ce mot, en termes plus « soft », le biffer, en ridiculisant ses détracteurs, le capitalisme dis-je, s’accommode de tout ce qui peut le nourrir, le faire prospérer et le rendre auto-immune. Les théoriciens du capitalisme sont autant de praticiens qui s’essaieront toujours à l'antidote de la rhétorique marxiste.

Le FN, en ce qui concerne la France est cet antidote, c'est un des rouages essentiels du capitalisme mondialisé, et le promoteur secondaire de cette dynamique dont je parlais plus haut.

Le PC, à la Chute du Mur de Berlin, tel un orphelin soudain privé de son père et de sa mère, n'a pas opéré le nécessaire resserrement autour de son électorat, n'a pas affûté suffisamment ses armes face à un patronat réuni autour des partis conservateurs et réactionnaires comme la droite parlementaire, le parti socialiste Mitterrand, les partis du centre et bien sûr, le FN,dans son plus beau rôle de rabatteur de voix pour la droite parlementaire ou le parti socialiste.

En 2002, un scénario digne Hollywood et de la plus belle eau, l'élection de Chirac, face au FN, avec un JMLP au mieux de sa forme, arrivé au premier tour face à Chirac.

Que d'emballement médiatique pour pousser des cris d’orfraie et crier au fascisme ! La pièce de théâtre des boulevardiers de la rue Solférino et de la droite parlementaire en chœur hululant, de quoi se rouler par terre.

Et les souffleurs de souffler à ces acteurs hors pairs tout ce qui pouvait se dire et se proclamer pour rabattre l'électorat du second tour vers Chirac, un fidèle des salons agricoles. Que même les vaches en rient encore !

Je dois tout de même tirer mon chapeau aux metteurs en scène et à l'interprétation !

Pendant ce temps, le PC dans ses plus belles couleurs écarlates, la jouait en berne, bien sûr, et entonnait à l'unisson le couplet anti-fasciste du disque rayé Mitterrand, stratégie que pour ma part, je trouve bien faiblarde, au lieu de reprendre le collier et de refaire ce que les résistants communistes de 1940 à 1945 ont fait : RESISTER !

Et puisqu'il s'agissait d'une guerre faite aux peuples, refaire la tournée des popotes, étudier l'état des munitions et réinventer une stratégie de reconquête, au moment où s'annonçait la grande mise en place du plan de désintégration de l'Etat-Providence né du CNR, conséquence directe de l'AGCS avec Jospin, un préalable à TAFTA.

Bien sûr, nous sommes tous fautifs, parce que cette époque post-mitterrandienne offrait encore aux Français des perspectives sociales et économiques, Chirac avait, dans un sursaut de conscience collective, dit non à une guerre en Irak, et qu'il n'était pas encore venu à l'idée d'un Président de la République de vendre la France et son armée à l'Otan, de démembrer les armées terre, mer, air, de leurs casernes, de leurs régiments et de les vendre à l'OTAN.

Il n'était pas encore venu à l'idée d'un Président de la République de vendre des pans entiers de notre patrimoine à des pays du golfe, de privatiser à outrance, de démanteler nos fleurons industriels, toujours préalables à TAFTA, de regrouper les médias pour en faire des consortiums multinationaux qui débitent les mêmes fadaises atones, de faire de la télévision un parc d'attraction pour décérébrés, de détruire l’Éducation Nationale où certains socialistes en mal de notoriété s'employait à vouloir dégraisser le mammouth, le bon mot !

Il n'était pas encore venu à l'idée d'un Président de la République de privatiser EDF/GDF, et de vendre les Autoroutes, à des multinationales étrangères.

Chirac, il faut le reconnaître, avait encore une stature de chef d’État ! Rien à voir avec de Gaulle, bien sûr, mais....

De démanteler le réseau ferré que l'on a mis un siècle à construire, et vendre la SNCF, jusqu'à ce qu'ils ne reste rien de notre pays, avec toujours cet aval tacite et méprisant des pouvoirs publics qui se taillent dans ce dépeçage, la part du lion. SNCF, où bien des agents ont eu pendant la dernière guerre mondiale un comportement pour le moins héroïque face aux envahisseurs.

EDF soumis au CAC 40, alors que cette magnifique entreprise d'économie mixte, a vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Dépeçage des P&T, pour en faire une société de compromission entre le privé et un peu d’État, LA POSTE !

Dépeçage en tous genres, qui en 2008, avec l'avènement de Sarkozy, verra la France transformée en abattoir de notre Industrie, de notre Armée, de nos sociétés nationalisées dont je viens d'établir la liste non exhaustive, et je ne parlerai évidemment pas des banques. Travail qui sera repris et peaufinée par Hollande.

Et puis, ALSTOM, le scandale !

Le plus grave, ce sont avec ces dépeçages successifs, les millions de chômeurs, les jetés à la rue, les suicides au travail, la casse des services publics, avec tout ce que le CONSEIL NATIONAL DE LA RESISTANCE avait mis en place et qui disparaît par pan entiers, sans qu'une véritable opposition ne tape une bonne fois pour toute le poing sur la table et dise : maintenant, cela suffit !

Oh ! Bien mollement entend-on « protester » contre les licenciements bruts et secs d'Air France, et il aura fallu une chemise arrachée pour que l'on se rendre compte à quel point les Français touchés par les licenciements soient en colère.

Et bientôt 4000 licenciements à EDF ?

Ces dépeçages ne peuvent se faire sans l'appui des lois dites scélérates, et le vote par l'Assemblée Nationale. Et des ministres, bien sûr, pour plancher sur la finalisation de ces plans de déstructuration/destruction de tout ce qui a fait la valeur ajoutée à notre pays, avec un fleuron comme Air France, par exemple.

Et puisqu'il faut un ministre, Macron, pourquoi pas ! Un ultra-libéral que l'on risque de retrouver dans un gouvernement prochain de droite réactionnaire, sans aucun état d'âme et adoubé par les States. Comme président de la république, on nous ressortira vraisemblablement les vieilles breloques ! A qui les passerelles du FN serviront de tapis rouge. A moins qu'elles ne s'y prennent les pieds dedans !

Depuis, il semblerait que le PC se cherche. Il ne trouve que des « potions amères » pour le resituer dans le débat essentiel social. Là où depuis la dernière guerre, nous voyions l'implantation du PC dans les « ceintures rouges » des grandes régions industrielles françaises, disparues à l'heure actuelle, car dépecées elles-aussi, à ces ceintures dynamiques se sont substituées à« des élastiques bleu, blanc, rouge », élastiques prêt à revenir dans la figure de l'électorat populaire, qui a franchi le pas du PC au FN.

Qu'en disent les dirigeants du PC ? Qu'il fallait beaucoup de vigilance pour ne pas se laisser dépasser par le FN !

Cette « vigilance », semblait se recentrer autour d'un homme. Monsieur Mélenchon : il avait tout pour faire un véritable homme d’État, le verbe, la stature, la culture et la connaissance de la chose politique. Mais pourquoi, et je pose la question sincèrement et je le regrette, à chaque élection, monsieur Mélenchon n'affirme-t-il pas franchement sa prééminence pour une gauche véritable, authentique et non pour cette fausse gauche droitière, pourquoi le Front de Gauche fait reporter ses voix sur le PS ? Le PS, ce parti de douairières !

 

Jouer au rabatteur de voies pour la rue Solférino ce n'est pas tout à fait ce qu'un peuple de gauche attend d'un représentant aussi talentueux ? Il attend plus, à défaut d'attendre tout ! Pourtant le peuple de gauche existe en profondeur dans notre pays. Car malgré les derniers soubresauts d'une gauche à l'agonie, le peuple de gauche, lui, n'est pas mort.


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