Le FN, un piège médiatique

par Sylvain Reboul
mardi 24 mars 2015

On ne manque pas, dans certains médias grand public, d'aligner les contre-vérités à propos des élections départementales du 22/03/2015. On en vient à se demander pourquoi les journalistes, surtout sur la chaine BFM TV qui bat le record du soutien hypocrite au FN en parlant en boucle (leur spécialité en terme de matraquage) de son indiscutable succès, plus encore que celui de la droite. Ils évitent soigneusement de se demander quelles sont les perspectives réelles de cette prétendue victoire.

 Ils renoncent, en effet, sous le masque commode de l'objectivité confondue avec l'absence de sens critique, de s'interroger sur ce que cette victoire annoncée à grands renforts de sondages (en partie démentis du reste par les résultats du vote) comporte comme impossibilité politique à gouverner et si elle ne serait pas aussi une victoire à la Pyrrhus, plus dangereuse sur le plan sociétal que son éventuel accès au pouvoir.

De quoi est faite la prétendue victoire du FN ? Que révèle-t-elle, non seulement sur le réel danger de ce pseudo parti, mais aussi sur le jeu pervers de certains médias à son sujet ?

Le discours du FN, par la mise en scène réductrice qu'il opère d'un prétendu conflit brutal entre le peuple des démunis et les forces politiques de gouvernement dénommée par lui UMPS (« l'élite, le système »), s'adresse, à l'évidence, à tous ceux, personnes plus ou moins âgées, retraités ou victimes d'une situation d'exclusion dans des centres ruraux ou périphériques, qui redoutent la modernité et l'ouverture au monde et, plus encore, qui souffrent, et donc sont victimes, de la peur des autres sous la forme d'une xénophobie plus ou moins raciste (ce que montrent toutes les enquêtes d'opinion et un nombre impressionnant de propos de ses candidats). Or ce n'est sûrement pas avec un tel électorat que le France peut être en état d'affronter les défis économiques, sociaux et écologiques présents et futurs de notre pays et de l'Europe en général. Chaque journaliste un peu lucide sait que le FN, outre qu'il est limité dans sa capacité à gouverner dans une économie moderne par manque de cadres compétants et expérimentés, que son programme aurait des conséquences immédiatement catastrophiques, car, s'il était appliqué, il entraînerait immédiatement la fuite des capitaux et, par l'effet d'un protectionnisme absurde dans le monde d'aujourd'hui, provoquerait l'arrêt de commerce extérieur qui lui-même mettrait en situation de faillite rapide les plus grandes entreprises françaises qui en vivent et donc l'économie française dans son ensemble, agriculture comprise. C'est pourquoi du reste, ce parti ne peut et ne veut manifestement pas gouverner avec aucune formation politique de gouvernement et c'est pourquoi il refuse logiquement et par principe de s'allier avec la droite classique dite républicaine qui, du reste, ne veut pas de lui, tant leurs programmes économiques et européens demeurent totalement contraires.

Chaque journaliste sait cela et sait aussi qu'aucun gouvernement n'est possible dans notre pays sans une alliance politique majoritaire, ce qui est non seulement impossible au FN, mais explicitement exclu par lui et son programme pour les raisons susdites. Chaque journaliste sait qu'une victoire électorale, tout à fait improbable, du FN, aux élections nationales majeures, produirait un chaos politique sans lendemain, voire une le réduire celui-ci par la force.

Pourtant, si aucun journaliste sérieux ne peut penser que ce pseudo parti pourrait devenir un parti de gouvernement, pourquoi nombre de commentateurs professionnels, dans les médias, laissent-ils planer en permanence cette possibilité à la vue de ses seuls résultats, pourtant tout à fait insuffisants pour prétendre gouverner seul (un tiers de voix au maximum) ?

La seule explication possible est qu'il s'agit de la part de certains, à commencer par le chaîne de télévision d'information, BFMTV, qui se fait le faire-valoir explicite de FN, d'une pure manipulation démagogique et politiquement irresponsable pour créer un climat de tension favorable (le « buzz ») à leur audience commerciale. Or il est très facile de montrer, pour qui réfléchit au fonctionnement de ce parti, que celui-ci est seulement une affaire commerciale familiale spéculant sur les peurs, pour gagner le plus d'électeurs possibles afin d'engranger les fonds publics, ce dont, son père, elle et son clan font leur affaire privée (on en a une confirmation avec l'affaire en cours des emplois fictifs financés par les fonds européens). Sa prétention au pouvoir n'est qu'un leurre. Pas plus que son père Marine Le Pen ne veut de la responsabilité politique, comme le montre son absence d'investissement dans la politique européenne. Elle est tout, sauf stupide : elle sait parfaitement, comme son père avant elle, qu'elle n'est ni en capacité, ni n'a la volonté de gouverner. Il n' y a donc, pour un journaliste, aucune bonne raison, tout à la fois, de servir la soupe au FN en faisant semblant de prendre au sérieux un discours politique qu'il sait totalement inapplicable et de masquer en quoi ce discours est et reste socialement très dangereux, par le fait de son incapacité politique à gouverner et de sa seule capacité de nuisance « pour le vivre ensemble ». Ce prétendu parti ne sert, pour s'en servir, qu'à attiser les rancœurs et les angoisses ordinaires de ceux qui n'ont plus d'autres moyens de se croire « honorables » que de haïr ceux qui exercent le pouvoir politique et de mépriser ceux qui sont à la fois différents et plus faibles qu'eux, jusqu'à faire, pour les plus extrémistes d'entre eux devenus décomplexés par le discours du FN, de la violence sur les autres, réduits à leurs prétendues différences culturelles, leur seul moyen d'exutoire afin de compenser le mépris sociétal et l'absence de perspectives dont ils se sentent victimes.

C'est pour des raisons d'intérêt commercial, par opportunisme « audiométrique » sous le masque de la neutralité de l'information, que les journalistes qui interviennent sur les médias qui vivent de la publicité, font du FN un parti politique comme les autres, ni plus ni moins républicain, bien que son nationalisme « ethnique » soit contraire au principe même de la république , alors qu'ils en seraient les premières victimes et les premiers opposants, s'ils croyaient réellement qu'il puisse réellement parvenir au pouvoir. C'est en cela que le FN n'est qu'un piège médiatique qui, cependant, reste très dangereux comme excitateur des passions haineuses potentiellement violentes, car négatrice des droits humains qui sont le fondement de la démocratie. Ce danger de violence sociale infra-politique est d'autant plus grand que le FN n'a aucune chance d'accéder aux responsabilités politiques et que certains journalistes font semblant de croire et/ou s'efforcent de faire croire le contraire !

Pour cette seule bonne raison il convient, pour sauver la paix civile, que les électeurs, de gauche, du centre ou de droite, fassent échec à ce piège en votant pour les candidats respectueux, au moins en parole, des droits humains, quelle que soit la déception compréhensible qu'ils éprouvent à l'égard de leurs élus et du gouvernement actuel.

(je suis malheureusement actuellement empêché de voter par l’incroyable difficulté pour les français expatriés d'obtenir une procuration dans des conditions acceptables. Disons que ce texte fait office de vote symbolique public).


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