Le lobby bancaire ne connaît pas la crise

par keerkoeur
jeudi 14 mai 2009

Durant les trente dernières années, les banquiers ont influencé tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, pour «  moderniser » leur métier. Selon eux, libéraliser les activités financières était indispensable pour répondre aux défis du XXIème siècle : mondialisation, technologies de l’information et de la communication …

Or, comme l’affirme Paul Krugman (Prix Nobel d’économie), la crise actuelle montre que les banques avaient pour seul objectif de s’enrichir par tous les moyens, quitte à abuser leurs propres clients.

Face à la crise et à l’irresponsabilité des banques, les politiques et les médias sont à l’unisson pour dénoncer les banquiers « pourris » ou appeler à une moralisation du capitalisme financier. Mais dans les faits, les pouvoirs publics ont mis 360 milliards d’euros à la disposition des banques sans aucune contrepartie et se sont contentés de quelques mesures cosmétiques (ex. limitation transitoire des stocks options) pour apaiser l’opinion publique.

On peut donc en déduire que le lobby bancaire n’a rien perdu de son influence même si on a du mal à imaginer que des hommes politiques puissent prendre le risque de plaider la cause des banques. Mais comme le prouvent de récentes révélations sur le projet de loi Boutin, le lobby bancaire a su trouver les ressources nécessaires pour maintenir son influence sur les décisions politiques.


En effet, lors de la préparation de ce texte, un Député UMP (Lionnel Luca), souhaitait interdire aux banques de pratiquer le métier d’agent immobilier. Selon lui, cette confusion des genres pouvait conduire à des « démarches commerciales (qui) se font parfois au détriment des consommateurs ». Si une enquête diligentée par la DGCCRF, confirme ces risques, cet amendement permettait également aux agents immobiliers de se débarrasser de concurrents coriaces…

Or, il se trouve que les banques ont massivement investi dans le secteur de l’immobilier, notamment pour placer leurs crédits et elles auraient perdu gros si cet amendement était voté. Elles ont donc fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Ainsi, le jour du vote, Lionnel Luca a lui-même demandé le retrait de son amendement au profit d’un amendement light, qui astreint uniquement les agences « immobancaires » à un devoir d’information.

Mais le député a tenu bon de préciser qu’il avait tenu « compte des arguments de ceux de (ses) collègues qui ont fait valoir que la combinaison des deux activités pouvait parfois offrir des facilités aux clients ». Pour ceux qui ne seraient pas familiers du langage politique, cela signifie que le lobby des banques a plaidé sa cause auprès de certains députés comme les agents immobiliers l’avaient fait auprès de Lionnel Luca. Les banques ont donc gagné contre les agents immobiliers et surtout contre l’intérêt général.

L’histoire pourrait s’arrêter là, et nous en tirerions deux conclusions. La première c’est que la Fédération Bancaire Française est plus influente que la FNAIM. La deuxième c’est qu’en prenant parti pour les banques contre l’intérêt des consommateurs, les parlementaires sont toujours à l’écoute des banques. Sauf qu’en fait, le plus beau dans l’histoire, c’est que tout le monde s’est fait berner.

En fait, un agent immobilier affirme que ce n’est pas la Fédération Bancaire Française qui est intervenue pour faire pression, mais le Président de la FNAIM (René Pallincourt) ! A priori cela semble complètement idiot comme idée, puisque cet amendement mettait les agents immobiliers à l’abri de la concurrence des banques. Mais il se trouve que les banques contrôlent la plupart des grands réseaux immobiliers comme Foncia, Century 21, Avis Immobilier... Elles détiennent donc des droits de vote, qui leurs confèrent une autorité sur les décisions de la fédération. De plus, le fait que le Président de la FNAIM a vendu son agence immobilière à une banque laisse supposer une certaine complaisance à leur égard. D’ailleurs ce n’est pas la première fois que René Pallincourt est soupçonné de privilégier les intérêts des banques au sein de la fédération.

Ainsi, grâce à une habile stratégie d’entrisme dans la FNAIM les banques ont donc fait fort. Plusieurs lobbies ont déjà été épinglés pour avoir monté de fausses associations de consommateurs pour avancer masqués. Mais à ma connaissance, jamais un lobby n’était parvenu à prendre le contrôle d’un autre pour le faire agir contre l’intérêt de ses membres. Nous vivons vraiment une époque formidable...

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