« Le maïs-révolver » : une affiche de France Nature Environnement contre les OGM

par Paul Villach
jeudi 17 février 2011

La fédération associative écologique, France Nature Environnement, a décidé de frapper fort contre les OGM. Sur une des affiches de sa présente campagne publicitaire, on découvre une mise en scène insolite : un jeune homme s’applique contre la tempe un épis de maïs qu’il tient comme un révolver.

1- Un leurre d’appel humanitaire
 
L’attention est immédiatement captée. L’exhibition du malheur d’autrui, même mimée par un leurre d’appel humanitaire, stimule aussitôt le réflexe inné d’attirance jusqu’à la sidération du voyeurisme. L’intericonicité ici n’est pas douteuse : on reconnaît une scène imminente de suicide.
 
Les effets montrés par la métonymie choisie le confirment : pris en gros plan dans une mise hors-contexte qui braque le regard sur lui seul en le détachant par contraste d’un fond clair uniforme, le personnage masculin simule la tenue d’une arme, poing refermé sur la crosse, index recourbé sur la gâchette, prêt à appuyer, le visage grimaçant, sourcils froncés, yeux fermés plissés, lèvres serrées, dans l’attente de l'imminente déflagration : qu’importe qu’il s’agisse du jeu de hasard stupide qu’on nomme « la roulette russe » ou d’un suicide programmé ! 
 
2- L’horreur de la scène tempérée par l’humour d’un paradoxe
 
Mais dans le même temps, l’horreur de la scène est tempérée par l’humour d’un paradoxe qui retient l’attention captée : le canon du supposé révolver est un épis de maïs. La contradiction apparente saute aux yeux : qu’y a-t-il de plus inoffensif et de plus éloigné de l’arme dont on lui fait jouer le rôle, qu’un doux épis maïs, symbole non de la mort, mais, au contraire, de la vie qu’il fortifie depuis que les hommes ont appris à le cultiver ?
 
À l’évidence, cette horrible scène de suicide n’est qu’une simulation sans gravité, sauf à méconnaître que l’humour est le procédé qui consiste à parler légèrement de quelque chose de grave ou, inversement, gravement de quelque chose de léger. On n’en est pas, cependant plus avancé dans la solution du paradoxe : tout juste la métaphore associe-t-elle l’innocent maïs à l'arme d'un suicide. Mais par quel mystère ?
 
3- Le contexte du slogan pour éclairer le sens de l’image
 
En raison de la mise hors-contexte qui lui est structurelle, l’image ne peut en dire davantage : on a besoin des mots du slogan pour comprendre la solution du paradoxe qui échappe toujours. Il est composé de deux phrases : « C’est sans dangerConcernant les OGM, on n’a pas encore assez de recul ». La première phrase résume l’opinion des partisans des OGM, la seconde, celle de leurs adversaires. Elles s’opposent de façon contradictoire : la première est une allégation catégorique sans preuve ; l’autre énonce au contraire une preuve banale que chacun est à même de vérifier : il faut du temps pour mesurer les effets de modifications génétiques.
 
Inscrite dans ce contexte, la solution du paradoxe qui assimile le maïs au révolver dans une scène de suicide imminent, se précise : l’adoption des OGM est identifiée par métaphore à un jeu de roulette russe où l’imbécile qui s’y livre ne sait pas en se mettant le révolver sur la tempe si une balle est engagée ou non dans le barillet et s’il va, sur un coup de dés, mourir ou survivre.
 
4- La stimulation du réflexe de la peur
 
L’affiche vise donc à stimuler violemment le réflexe inné de la peur pour mobiliser l’instinct de conservation face à la menace insensée qu’on fait soi-même peser sur sa propre vie en se conduisant de façon aussi irresponsable. De ce jeu idiot où l’OGM joue le rôle d’un révolver braqué sur la tempe de l’humanité, découle forcément une injonction implicite de bon sens : ne surtout pas jouer avec le feu de ce jeu, puisqu’on ne sait pas si le risque pris n’est pas mortel !
 
La fédération écologique, France Nature Environnement, illustre ainsi crûment le principe de précaution inscrit dans la Constitution depuis 2005 : « Lorsque la réalisation d'un dommage, y lit-on, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
 
Plante emblématique privilégiée par la recherche sur les OGM, le maïs cesse dans cette affiche d’être le symbole d’une surabondance de vie pour devenir celui d’une mort possible. L’inversion de sens est brutale, sinon outrancière. L’image de cet épis braqué comme un révolver sur une tempe est de nature à marquer les esprits. Comment désormais regarder un innocent épis de maïs dans un champ ou sur un grill en train de rôtir sans par intericonicité voir ressurgir cette horrible scène de roulette russe ? « Qui maîtrise les images, aurait dit Bill Gates, maîtrise les esprits ». Paul Villach 

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