Le meilleur ennemi du travail et des travailleurs, c’est désormais le Code du Travail

par Perceval
jeudi 27 octobre 2016

Dans la plupart des organisations en France (quelque soit leur taille) les travailleurs sont nombreux à être démotivés, peu intéressés ou même désengagés par leur travail (qui le leur rend bien en témoignent toutes les enquêtes récentes sur l'absentéisme, le présentéisme, le burn out, le bore out..).
Pourtant quand on interroge les Français ceux-ci déclarent souvent aimer le travail, vouloir s'y investir, estimer que le travail restait pour eux un moyen de réalisation de leur vie. Cet écart entre les déclarations de nos concitoyens et la réalité du travail aujourd'hui pourrait tenir son explication par l'imposition d'un code du Travail hors d'âge, témoin passif des premiers temps de la société industriels des XIX et XX ème siècle.

Une question doit être posée (au delà des réponses idéologiques toute prêtes : les patrons sont tous coupables ou les employés tous paresseux)  : Pourquoi en France le travail est-il devenu aussi problématique, couteux, conflictuel et peu reconnu ?

Un code du travail adapté pour le travail au milieu du XX ème siècle

Le Code du travail enserre, limite, perturbe aujourd'hui le travail et les récents changements légistlatifs (loi travail d'aout 2016) ne changeront pas réellement la nature de ce code issu d'un monde disparu (au contraire la loi "travail" pourrait avoir encore complexifié et naufragé ce même travail).

1) le travail en 2016 n'est plus le travail au début du XX ème siècle

Si pendant une grande partie du siècle dernier (l'apothéose de la société industrielle en Occident) le travail consistait à fournir sa force musculaire ou à seconder ou servir une machine (que ce soit la charrue, la pelleteuse, la fraiseuse ou le monte charge), ou bien à s'adapter aux machines pour finir par leur ressembler (la secrétaire qui tape un texte à toute allure dans le film (Cf l'excellent film "populaire" de Régis Roinsard sorti en 2012) aujourd'hui pour la plupart des travailleurs (même s'il reste des ouvriers à la chaîne) le travail a changé si ce n'est de nature, tout au moins d'outils et de modes d'emploi.

2) l'investissement au travail différe totalement du travail au XXème siècle

- le chronométrage du travail (son point d'orgue étant la désastreuse et unique au monde invention des 35 heures) est totalement dépassé. Si Taylor et Fayot inventère la division scientifique du travail et son chronométrage stricte (on pouvait juger de la qualité d'un ouvrier au temps qu'il mettait pour travailler sa pièce de métal ou la secrétaire sa vitesse de frappe d'un texte) aujourd'hui le travail n'est plus chronométrable, quantifiable avec l'unité de temps et donc le code du travail qui s'évertue à quantifier et à règlementer les heures de travail n'est plus d'actualité (ni même l'école qui découpe elle aussi les apprentissages en tranches horaires)

- le lien de subordination qui fonde le vieux code du travail n'est plus qu'une relique du travail passé puisque c'est pas l'investissement intellectuel et social que le travail se réalise (ou non) et bien moins par l'obéissance à des ordres plus ou moins adaptés ou avérés. ;

Le travail est devenu largement changeant, imprescriptible, imprévisible et face à l'inconnu chaque travailleur doit inventer des solutions

« L’intelligence ce n’est pas ce qu’on sait mais
ce qu’on fait quand on ne sait pas »

Jean Piaget

Aujourd'hui le patron, le chef d'atelier, le manager sont largement incapables de commander "leurs" hommes. Ils ne peuvent plus dicter le travail, le contrôler ou sanctionner les salariés en fonction de résultats qui sont de moins en moins palpables ou mesurables au jour le jour.

Un salarié peut parfaitement être présent tous les jours, faire semblant d'être investi par son travail (très affairé sur son PC) mais ne rien produire d'exploitable par son entreprise, passer le temps strictement chronométré à ne rien faire d'utile (ou encore mieux travailler pour son propre compte dans son coin en utilisant par exemple son propre ordinateur et son accès 4G sans passer par les moyens de communication de l'entreprise).

Il y a quelques années un travailleur américain fut démasqué dans son entreprise : il n'y travaillait plus personnellement depuis des années (tout en fournissant tout le travail qu'il était censé faire chaque mois) car il avait sous traité son travail à un travailleur chinois à l'autre bout du monde, travailleur qui s'acquittait des tâches de notre salarié américain avec célérité, qualité et sans que l'employeur ne se rende compte du subterfuge pendant des années.

Extrait du magazine le Point, le 17 janvier 2013 :

"Bob" était l'ingénieur informatique le plus apprécié de son entreprise aux Etats-Unis, qui travaillait bien et terminait toujours à l'heure ; sauf que Bob sous-traitait son travail à une entreprise chinoise pendant qu'il passait ses journées à surfer sur internet......
Au final, il apparaît qu'il gagnait plusieurs centaines de milliers de dollars par an et qu'il ne payait que 50.000 dollars à la société chinoise de conseil qu'il mettait à contribution", a expliqué M. Valentine.

"Mais le meilleur c'est que toutes ces dernières années cet employé a reçu des compliments pour son travail. Ses rapports étaient propres, bien écrits et remis en temps et en heure", a ajouté l'expert.

Il était même décrit comme "le meilleur développeur de l'immeuble".

3) Le principe du salarié attaché à son entreprise ne tient plus de part et d'autres.

- la fidélité professionnelle disparaît aussi bien du coté du salarié (rester 20 ans ou plus chez le même employeur c'est prendre le risque de perdre son employabilité) que du côté de l'employeur (garder 20 ans ou plus un salarié c'est courir le risque d'employer une personne inadaptée aux nouveaux besoins du travail (tout salarié ne peut pas forcément s'adapter à une nouvelle organisation)

- si comme dans n'importe quelle organisation le collectif prime sur l'individu un employeur doit pouvoir se séparer (même sans faute grave) d'un salarié si celui-ci ne permet plus à l'entreprise de gagner de l'argent (car ce qui anime l'entreprise est le fait de gagner de l'argent, de faire des bénéfices, de se développer avec ou sans ses anciens salariés)

4) le travail est sortie de l'unité classique du théâtre antique : temps-action-lieu

- Le travail peut être réalisé 24 h sur 24 puisqu'il est mondialisé et qu'à l'autre bout du monde les partenaires et clients travaillent aussi à leurs horaires

- Le travail peut être mené durant ses heures de travail, dans les transports, chez soi, dans un café ou un lieu public sans que celui-ci soit dénaturé ou forcément de qualité inférieure

5) La flexisécurité consiste non pas à conserver des emplois inutiles mais à adapter en permanence l'emploi à une activité mouvante, imprévisible et complexe

- les règlementations concernant le travail remttent en cause en France le libre arbitre de l'employeur (qui est pourtant chez lui) face aux personnes qu'il emploie : un employeur devrait pouvoir licencier les salariés qui ne conviennent plus à l'activité de l'entreprise (soit qu'elle ai changée soit qu'elle ait diminuée) .
C'est le sens de la flexisécurité

- aucun employeur ne se sépare en principe d'un salarié qui fait gagner de l'argent à l'entreprise (sauf s'il voulait faire disparaître son entreprise, cas très rare)

- à contrario aucun employeur ne devrait avoir l'obligation de garder qui que ce soit dans la mesure où il ne donne pas satisfaction, n'est plus adapté au travail ou pour tout autre raison.

On n'oblige pas des couples à rester ensemble toute leur vie, ils peuvent divorcer et cela doit être totalement admis dans le cas du travail (les indemnités pour licenciement devrait pouvoir être payées aussi par un salarié qui quitterait son employeur alors qu'il a été formé par l'entreprise et qu'il lui était utile)

6) le contrat de travail est largement devenu une fiction, le salarié comme l'employeur sont dessaissit aujourd'hui de la réalité du travail

Partant du principe que les rapports de travail étaient déséquilibrés en faveur de l'employeur toutes les bases du droit du travail ont consisté depuis 100 ans à tenter de rétablir ce pré-supposé déséquilibre (un peu comme le supposé déséquilibre entre bailleur et locataire avec une règlementation qui pousse les bailleurs à être hyper sélectif sur le choix du locataire du fait des protections inouïes dont ce dernier dispose)

Avec les évolutions récentes du travail le lien de subordination est largement devenu une fiction :

- un salarié peut quitter son employeur par consentement mutuel (la rupture conventionnelle) et il n'est plus donc pieds et poings liés chez un employeur mais dispose de la faculté de partir vers un autre avenir professionnel

- les crises répétées (bulle de 2000, crises financière de 2008, crise politique française de 2012) ont profondément changé le travail, les marges de manoeuvre et les possibilités de rebond des entreprises (8 ans après la crise de 2008, aussi grave et profonde que 1929 la plupart des entreprises ont soi disparues, soit ne se sont pas rétablies)

7) Désapprendre le XXème siècle pour entrer et participer au XXI ème

Là comme ailleurs, en matière sociale comme de professionnel si l'on veut comprendre le XXI ème siècle il faudra commencer par oublier les stratégies, enjeux et outils des siècles passés (Quand Google ou Facebook ne pouvaient exister et changer le travail et la société).

Vouloir lutter contre la vague des changements au travail c'est ressembler aux carpes décrites par Duddley Lynch (oivre "la stratégie du Dauphin") : se réfugier sous la vase et laisser passer le temps.


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