Le Midi Libre au secours de Georges Frêche ? La force de frappe d’une caricature de Man

par Paul Villach
mercredi 3 février 2010

Le procès en antisémitisme intenté par le Parti Socialiste à Georges Frêche est si caricatural que rien ne vaut une caricature pour lui répondre par un éclat de rire. Le dessinateur Man n’a pas raté l’occasion, vendredi 29 janvier 2010, dans Le Midi Libre

 Il lui a suffi de filer la métaphore offerte par G. Frêche qui trouve que M. Fabius a « une tronche pas catholique  » pour faire d’une scène de bûcher, un stéréotype ancien de la Très sainte Inquisition catholique apostolique et romaine, l’image symbole de la campagne malheureuse lancée par le Parti Socialiste contre le président de la région Languedoc-Roussillon.
 
La stylisation d’une scène de farce
 
Qui dit stéréotype, image et symbole dit schématisation, stylisation et donc exagération comme l’exige aussi le comique de farce  : plus est outrée la distorsion entre ce qui est et ce qui devrait être, plus franche est la rigolade pour remettre les choses en place. Avec Man, on est servi.
 
Dans un décor uniforme de fumée blanche à ras de terre semée de quelques giclées de suie vers un ciel bleu d’azur d’où émerge seulement, sommairement croquée, la tour de l’Hôtel de région montpelliérain, un plan d’ensemble réunit les protagonistes principaux de l’affaire près d’un bûcher en flammes. La première secrétaire, Martine Aubry et son acolyte, la maire de Montpellier, sont affublées, comme maîtresses de cérémonie, de la robe de bure monacale de circonstance et tiennent à la main la torche qui a allumé le bûcher : l’habit fait la moniale.
 
Par leur volume disproportionné, Mme Aubry et M. Frêche contrastent avec les acolytes, réduits au rôle de figurants : c’est la métonymie de leur statut de « poids lourds » politiques. Comme Première secrétaire, Mme Aubry est la célébrante en chef : visage scandalisé et bras levés au ciel, brandissant torche dans une main et dans l’autre la rose au poing, l’emblème de son leadership , sont les autres métonymies de l’indignation qu’elle éprouve aux horreurs qu’elle entend.
 
De leur côté, les trois nains de jardin à ses côtés se différencient entre eux par leur mine : si Laurent Fabius est renfrogné, tirant, a-t-on envie de dire, une de ces tronches, les deux autres sont, au contraire réjouis de la bonne aubaine : la petite Mme Mandroux, maire de Montpellier et le petit M. Roumégas, leader écologiste, n’en reviennent pas de la chance qui leur tombe du ciel ; un boulevard ne vient-il pas de s’ouvrir à eux vers la présidence de Région, enfin débarrassé de l’encombrant Georges Frêche en train de cramer dans les flammes sous leurs yeux ravis ?
 
On ne peut trouver meilleur image symbole de la victime innocente que celle de G. Frêche solidement arrimé au poteau de torture de plusieurs tours de corde passés au-dessous et par dessus son ventre qu’il a énorme comme Obélix. Il n’est pire intericonicité que ce rappel de l’Inquisition catholique pour clairement opposer dans une distribution manichéenne des rôles la victime Frêche à ses bourreaux du Parti Socialiste : les suppliciés de l’Inquisition avait en général commis comme seul crime celui de penser différemment de l’autorité religieuse totalitaire. G. Frêche est ainsi assimilé dans cette campagne du PS à un martyr pour délit d’opinion ! Jolie réussite de la part d’un parti qui prétend défendre les libertés !
 
Un jeu de mots assassin
 
En principe, un tel traitement injuste suscite un réflexe de compassion envers la victime, voire d’assistance à personne en danger. Pas ici ! La farce évite l’apitoiement pour susciter l’éclat de rire et mettre les rieurs de son côté. Même dans les flammes, c’est encore Georges Frêche qui a le dernier mot : « Ça, par contre c’est très catholique » s’écrie-t-il.
 
Le jeu de mots est assassin. Car dans le contexte de sa sortie précédente sur « la tronche pas catholique » de M. Fabius, il associe le sens propre et le sens figuré du mot « catholique » pour que deux absurdités sautent aux yeux. La première, c’ est que le compliment « être très catholique » est pire que le reproche de n’ « être pas catholique » : la répression sanglante du délit d’opinion a été longtemps une coutume de l’Église catholique avec sa police de l’Inquisition, avant la séparation de l’Église et de l’État. Il en découle donc qu’il vaut mieux n’être « pas catholique » que « très catholique » ; du coup, le reproche fait à L. Fabius était un compliment ! De quoi se plaint-on alors ? Par voie de conséquence, la seconde absurdité est que des laïques comme les dirigeants socialistes se voient reprocher d’odieuses méthodes dignes de leurs prétendus adversaires, les intégristes religieux !
 
Est-il meilleur plaidoyer en faveur de Georges Frêche ? Mais Le Midi Libre serait-il venu au secours du président de la Région de façon aussi éclatante si la région n’était pas « le client publicitaire numéro un de la presse écrite locale », selon le journaliste Jacques Molénat ? « En 2008, écrit-il, d’insertions en partenariats, le conseil régional a fait tomber 1,2 million d’euros dans les caisses de Midi libre. Deux ans auparavant, au lendemain d’articles qu’il jugeait désagréables, le président de la région avait, dans un accès de fureur, stoppé net les "subventions" à Midi libre avant de les rétablir progressivement huit mois plus tard. Depuis ce coup de semonce, l’épée de Damoclès publicitaire est suspendue au-dessus des têtes des journalistes du quotidien. Ce n’est pas nécessairement un encouragement à l’audace.  » (2) On voit donc qu’une information est soumise aux contraintes des motivations de l’émetteur pour être publiée ou non. Et ces contraintes peuvent être intimement associées à celle des moyens économiques de diffusion. Il ne suffit donc pas, comme aime à le faire croire la profession journalistique, qu’une information soit vérifiée pour qu’elle soit automatiquement diffusée. Paul Villach
 
(1) Man, Le Midi Libre, 29 janvier 2010
(2) Jacques Molénat, L’Express , 28 janvier 2010
 
 

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