Le ministre Mitterrand en couverture de VSD : l’indignité heureuse d’un repenti !

par Paul Villach
samedi 17 octobre 2009

La couverture de VSD de cette semaine fait penser à celle que le magazine avait offerte au couple Strauss-Kahn-Sinclair pour contrer la campagne de discrédit que les amours adultérines de l’époux avaient provoquée : on voyait le mari et sa femme, qu’on croyait à la dérive, se marrer complices comme des baleines ! (1)

 Toujours prévenant, VSD vient au secours du Ministre F. Mitterrand après TF1 pour lui permettre de faire front face au torrent de boue que l’exhumation de son livre «  La mauvaise vie » a charrié. Et la photo choisie, comme les deux légendes, montre qu’il ne fait pas seulement front : à lui tout seul, il a même le front de rivaliser en indignité avec les époux Strauss-Kahn-Sinclair.

Premier effet de la métonymie

Cadré en gros plan sur le fond uni mauve d’une moquette murale qui assure la mise hors-contexte pour concentrer le regard sur lui, M. Mitterrand, réjoui, plastronne. On est d’abord le jouet d’une ambiguïté volontaire. On croit , en effet, au procédé de l’image mise en abyme, où, comme il est d’usage, le personnage plante ses yeux dans ceux du lecteur pour simuler une relation interpersonnelle avec lui et lui faire une confidence à lui tout seul.

Mais pas du tout ! Ce qu’on voit n’est que l’image de M. Mitterrand reflétée dans une glace où il se mire et s’admire : en smoking noir et chemise blanche, il paraît faire face au lecteur sans doute, mais c’est, en fait, lui-même qu’il regarde, l’air amusé, pour seulement ajuster son nœud papillon. Ce premier effet de la métonymie suffit à dire comme il se moque éperdument du lecteur et, plus généralement, de ce qu’on peut dire de lui. M. Mitterrand n’est intéressé que par sa propre image, comme Narcisse.

Deuxième effet de la métonymie

Un deuxième effet de la métonymie est celui de son sourire affecté qu’il ne s’adresse qu’à lui-même en se haussant du col : il montre, cette fois, combien les critiques dont il peut faire l’objet depuis quelques jours pour sa pratique passée du tourisme sexuel en Thaïlande, ne l’ont nullement atteint. Elles glissent sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard.

C’est alors qu’on ne peut manquer d’être frappé par le contraste entre cette posture du repenti arrogant et la pose de la victime affligée qu’il a affecté de jouer sur TF1, jeudi 8 octobre. Ce n’était donc que du théâtre ! On l’entend encore geindre, les traits défaits, en maniant la prétérition, cet art de dire tout en prétendant ne pas le dire : « Laurence Ferrari, se plaignait-il, vous pouvez imaginer que les trois jours que je viens de passer n’ont pas été des jours très très faciles. Je ne suis pas là pour me plaindre. On m’avait dit que la politique était quelque chose de dur, je le savais, je le constate. » Et comme si son numéro avait pu échapper à l’attention du public, il l’avait bissé quelques instants après : « Excusez-moi, je suis ému  ! récidivait-il. C’est normal ! (Pendant ce temps, il n’ajustait pas son noeud pap mais regardait humblement ses mains caresser son pupitre, tête penchée, affligé.) Je pense à beaucoup d’autres choses en même temps que je parle.

- À quoi ? avait demandé la présentatrice.

- Je pense à mon honneur, à ma famille, à mes enfants, à ma mère. Je ne voudrais pas faire de plaidoyer pro domo comme ça. Je pense à tout cela, avait-t-il confié d’une voix chantante. Forcément je suis ému, ce sont des choses qui sont importantes. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le personnage sur cette couverture a oublié d’être ému et de penser à son honneur. Fini le numéro de repentance ! Place à l’histrion sûr de lui et dominateur !

Troisième effet de la métonymie

Un troisième effet de la métonymie est, de fait, dans l’élégance de la tenue choisie : smoking, chemise blanche et nœud pap. M. Mitterrand ne saurait mieux clamer à la cantonade comme il est bien propre sur lui, à la façon de cette classe sociale dominante dont il arbore l’uniforme. En d’autres termes, l’habit fait le moine, si l’on ose dire dans ce contexte, et le smoking, l’homme de bien, la classe. M. Mitterrand soigne les apparences pour tenter de faire oublier ses frasques, celles de « cette mauvaise vie (dans) des mauvais lieux » avec «  un boxeur de 40 ans qui franchement ne ressemble pas à un mineur », dans un bouge de Thaïlande, selon sa propre révélation faite sur TF1.

L’ambiguïté volontaire des légendes

Et les légendes sont à la hauteur de la dignité de la photo. L’une en gros caractères rouges proclame comme une revendication prêtée à M. Mitterrand défiant tout le monde : « Je ne changerai pas !  » La mise hors-contexte ouvre sur une ambiguïté volontaire qui autorise toutes les interprétations. On comprend bien que M. Mitterrand, en train d’ajuster son nœud pap, n’est pas homme à se laisser dicter sa conduite par l’homme de la rue. VSD dit « (avoir suivi) le ministre en pleine tempête médiatique  ». Manifestement, on le voir tenir tête. Oui, mais à quoi ? N’entend-il ne rien changer en matière de goût pour le tourisme sexuel ?

La seconde légende est aussi affaire de goût : elle est même d’un goût exquis. VSD prête à M. Mitterrand cette déclaration : «  Le président m’a dit : rentre leur dedans  ». Dans pareil contexte de tourisme sexuel sordide, on ne pouvait choisir jeu de mots plus délicat ! Mais sans doute faut-il avoir l’esprit mal tourné pour en voir un !

Tel est l’homme raffiné qui est Ministre de la Culture en France. Rien ne l’arrête quand il s’agit de dévaler en public lui aussi, comme les Strauss-Kahn-Sinclair, les degrés de l’indignité. Paul Villach

(1) Paul Villach, « Une couverture digne de VSD : le fou rire indigne des époux Strauss-Kahn-Sinclair  », AGORAVOX, 27 octobre 2008.


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