Le miracle démocratique français. Un regard indiscret

par Octave Lebel
samedi 25 juillet 2020

Les classes dirigeantes ne renoncent jamais. Si minoritaires, si accablées par leurs erreurs soient-elles, elles font front, elles font des compromis, des alliances, elles s’unissent, elles se battent avec énergie, détermination, développent des stratégies, appliquent des tactiques éprouvées afin de conserver leurs pouvoirs et privilèges.

Elles ont de la réserve, du souffle, de l’expérience et de gros moyens, des conseillers de talents et des observateurs de l’opinion aguerris qu’elles paient bien, une presse privée dans leurs mains à 90%, le service public de l’information aux ordres en grande partie par le biais des directions et des services politiques et des éditorialistes qui ne s’en cachent pas vraiment. Et pour le reste, des journalistes dont l’autonomie est mesurée et bientôt un cadre qui sera encore plus balisé dans une nouvelle réforme qui arrive. Chaque pouvoir impose sa réforme ce qui montre bien où sont les enjeux.

A écouter le flux d’informations dominants ces derniers temps, je me suis amusé à imaginer les coulisses dans lesquels les troupes qui nous veulent du bien se préparent à nous apporter la bonne parole.

 

 Chers collaborateurs et soutiens de la LREM, examinons ensemble ce schéma d’argumentation à propos du sommet européen clos le 21/07/20 et son intégration dans la campagne pour la présidentielle. C’est une occasion à ne pas manquer mais attention nous allons avoir besoin de toutes nos capacités de persuasion.

 

Cibles, méthodologie

 

Eléments de contexte général :

Une campagne électorale n’est pas une démarche citoyenne pas plus qu’une campagne publicitaire n’est une démarche d’éducation à la consommation.

 L’enjeu est le pouvoir qui se gagne et se légitime de nos jours encore et toujours par des élections. Légitimité formelle par la légalité institutionnelle qui fait encore barrage .De plus en plus difficilement car les populations ont commencé à mettre en doute l’efficacité des économies fondées sur le libre échange pilotées par des responsables privés qui déterminent les moyens et les directions des politiques publiques (économiques, sociales, sanitaire, éducatives, culturelles etc..) et donc bien sûr la conception et l’évolution de l’UE.

 Difficilement aussi du fait d’une aspiration à de nouvelles formes de démocratie plus accomplie en lien avec l’élévation du niveau socioculturel du pays. Nous assistons à une défiance par le retrait, l’abstention maintenant structurelle et heureusement aussi par beaucoup de divisions, de confusions, d’exaspérations identitaires, qui freinent la construction de véritables propositions alternatives. L’abstention conduit à une segmentation plus nette du corps électoral ainsi plus facile à travailler.La médiatisation des problèmes liés à l’écologie, sa capacité fédératrice notamment auprès des jeunes générations et son pouvoir d’occultation des enjeux économiques profonds est aussi une donnée importante. Des atouts à saisir à chaque opportunité dans notre jeu.

C’est une bataille de l’opinion qui se fabrique pour que prioritairement notre bulletin et ceux de nos alliés déclarés ou potentiels soient choisis en plus grand nombre le jour du premier tour de l’élection.

Opérationnalisation :

La cible principale est celle des potentiels électeurs peu informés et indécis, déçus par les affiliations politiques et les syndicats qu’il faudra continuer de diviser, déstabilisés par le confinement, le chômage ou sa menace, sensibles aux effets de répétition et d’explications simples chargées de déclencheurs d’émotions comme dans le couple inquiétude/rassurance, exposés aux médias de masse qui sont largement nos relais.

Cette approche devra être complétée par un travail de ciblage fondé sur la segmentation de l’électorat par groupes d’intérêts. Attention de ne pas mélanger les deux actions, risque de dévoilement et d’annulation du travail de persuasion.

Tout débat de fond doit être ramené à des idées simples, binaires, clivantes selon les clivages que nous installons.

Éviter autant que faire se peut l’échange d’arguments de fonds et le recours à des explications élaborées qui de fait nourriraient l’idée d’une voie alternative conséquente susceptible de provoquer un rassemblement d’opinions et d’idées en dehors de nos clivages. Ceci serait de nature à engendrer dans l’électorat des réflexions autonomes et contre-productives pour nos intérêts.

Installer au maximum nos adversaires dans la contestation de nos projets et idées au détriment du développement des leurs.

Penser à récupérer l’aura du souverainisme par les éléments de langage (conquête d’une souveraineté moderne, nouvelle souveraineté, souverains à 27, faire de l’UE un pôle souverain etc..). Cette thématique sera à développer lors d’un travail ultérieur.

 Attitudes à adopter :

Surtout, être sûr de soi sans agressivité, aimable et montrer que l’on est déterminé. Pas de doute ni d’hésitations perceptibles, pratiquer uniquement la concession partielle pour réaffirmer la validité de l’argument à imposer. Au besoin renvoyer le sujet à un approfondissement ultérieur.

Exposez-soi-même les points délicats afin de désamorcer leur charge et les reconfigurer dans notre argumentaire.

Parler d’évidence comme si cela allait de soi et relever du bon sens partagé, user d’affirmations et de répétitions pour créer et imposer le cadre du débat ou de la communication. User de formules fortes comme par exemple " nous avons besoin d’une France forte pour une Europe forte pour une France forte etc.. ". Vous pouvez compter sur les médias dominants pour faire rouler et obliger nos adversaires à se situer par rapport à ce cadre et donc à le souligner.

 

Dynamiques de communication

 

Effacer nos responsabilités vis-à-vis de la récession induite par notre gestion mal adaptée de la crise sanitaire, les effets négatifs des politiques publiques structurées par l’UE et notamment celles de santé et combattre les doutes qui se développent concernant le fonctionnement de l’UE. Recourir à la mise en scène de la restauration de la solidarité européenne grâce aux contributions déterminantes d’Emmanuel Macron (lier discours de la Sorbonne de 2017 et accord du 21 juillet 2020.)

  Construction d’une posture de président tournée vers l’avenir afin de changer la tonalité du bilan qui ne pourra pas être simplement escamoté. E Macron, arbitre de la discorde européenne et leader charismatique, restaurateur du couple franco-allemand, garant pour l’Europe et le pays de la gouvernance et de la démocratie. E Macron, une chance pour la France. Associer progressivement l’image médiatique d’E Macron à celle de Delors, Monet puis (en même temps) à une posture gaullienne versus gaullisme social et homme de la situation rassembleur . Un travail continu et progressif est ici requis. Un traitement graphique inspiré des techniques d’Andy Warhol serait bienvenu.

Règles d’engagement :

Bien entendu soyons souples et adaptables en fonction des évolutions de l’actualité. Comme d’habitude, surveillez bien votre boîte mail pour les mises au point intermédiaires. Bonne chance et bon courage à tous.

 

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou des circonstances réelles sont le fruit de l’observation mais aussi de l’imagination d’un citoyen lambda qui cherche à comprendre comment les classes dirigeantes actuelles en jouant depuis maintenant 30 ans au chat et à la souris avec leurs concitoyens arrivent encore à se maintenir au pouvoir par le biais du suffrage universel, en tenant à distance leurs responsabilités directes dans la gestion économique du pays et leurs choix tout en se posant comme toujours et encore porteurs de solutions incontournables pour demain.

C’est vrai, cette petite fiction n’éclaire qu’un mince aperçu de leurs talents et méthodes comme vu et entendu par un regard et une oreille indiscrets à travers un rideau à peine entrouvert. Malgré tout, si cela vous a un peu distrait et vous fera à l’occasion dresser l’oreille et regarder de plus près, je n’aurai pas perdu mon temps. Sinon, tant pis. .


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