« Le monde entier… Tiens-toi bien !… Ursula von der Leyen arrive ! »

par Michel J. Cuny
jeudi 11 mars 2021

Pour que l’Europe puisse prétendre aller taper très juridiquement sur les doigts des Russes et des Chinois, la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a promis, dès le 16 septembre 2020, de faire campagne pour l’adoption, dans les meilleurs délais, d’un outil comparable à celui que les États-Unis ont su mettre en œuvre, chez eux, sous le nom d’un avocat d’affaires : Sergeï Magnitski, dont nous avons précédemment vu qu’il avait tenté d’œuvrer au profit d’un fonds d’investissement anglo-saxon dans le cadre du retour de la Russie au contrôle d’elle-même, après que les années Eltsine l’aient conduite à perdre une part importante de sa souveraineté économique, politique et, bientôt, sociale…

Qu’est-ce donc que la « loi Magnitski » elle-même ? Voici ce que nous rapporte Maxence Peniguet, sur le site dalloz-actualite.fr, de l’initiative prise par Bill Browder, le patron du fonds Hermitage Capital Management :
« Aux États-Unis, il va pousser pour l’adoption d’une loi pénalisant les suspects dans la mort de son ancien avocat. Grâce à l’aide de plusieurs parlementaires, dont l’ancien candidat à la présidentielle John McCain, il obtient de Barack Obama la signature du Magnitsky Act, le 14 décembre 2012. » 

Un extrait du Washington-Post nous apprend, ensuite, que cette « loi établit une liste noire de Russes impliqués dans la mort de Magnitski et dans d’autres violations des droits de l’homme, leur interdisant d’entrer aux États-Unis et d’utiliser son système bancaire ».

Quatre ans plus tard, à ce qu’il paraît, le Magnitsky Act revient plus lourdement armé…
« Dans la continuité et dans ce que Human Rights Watch (HRW) considère comme une « étape importante » contre l’impunité au niveau international, le Congrès américain a adopté le Global Magnitsky Act, signé en décembre 2016 par Obama. Désormais, comme le précise HRW, l’exécutif peut mettre en place des interdictions de visa et des sanctions ciblées sur des individus suspectés d’être responsables de violations des droits de l’homme ou d’actes importants de corruption. » 

Ce n’est donc plus le cas Magnitski qui vaut seul… La « loi Magnitski  » devient, elle-même, un martinet multi-usages… et voici les autres pays transformés en petites filles et en petits garçons que l’on peut tancer vertement dès qu’ils ou elles s’écartent d’une ligne de bonne conduite définie par ces États-Unis qui n’ont cessé de taper très fort sur certaines de leurs minorités… jusqu’au massacre, tandis que les mérites de leurs prisons bondées ne sont plus à démontrer, sans qu’il y ait même à évoquer l’insistance de la peine de mort à ne pas disparaître de leur arsenal juridique, ni de leurs chaises électriques, ni de leurs potions magiques…

Mais n’oublions pas ce petit détour qui aura eu lieu entre-temps…
« Après 2012, Bill Browder entame des actions de plaidoyer pour étendre l’adoption de lois similaires, idéalement à l’échelle de l’Union européenne. Dans un article de février 2013, L’Express aborde une de ses visites à Paris. « Bill Browder cherche à attirer l’attention des parlementaires de l’Hexagone », rapporte l’hebdomadaire, puis le cite : « Il s’agit d’une question non partisane. Nous ne demandons pas de changement de politique à l’égard de la Russie, mais des mesures visant les responsables en cause ». » 

Échec relatif et rien que momentané peut-être, puisque, poursuit Maxence Peniguet
« En 2014, le Parlement européen a appelé à la mise en place de sanctions similaires à celles prévues par le Magnitsky Act […], mais l’arrivée de Federica Mogherini au service d’action extérieure a tout remis en cause », explique en substance, pour Dalloz Actualité, Bill Browder. « On a alors décidé qu’il valait mieux agir au niveau national. » 

Ici, nous découvrons que l’engagement pris en 2020 par Ursula von der Leyen, du haut de sa présidence de la Commission européenne, est une façon de porter remède à une inertie européenne qui vient de loin… Cependant, entre-temps, les assauts, pays par pays, qu’envisageait Bill Browder avaient commencé à produire quelques effets. C’est Maxence Peniguet qui nous le dit lui-même :
« Une tactique payante : fin 2016, l’Estonie adopte sa version. En mai 2017, le Royaume-Uni avance dans cette direction qui n’intègre pas l’interdiction de visas ; une disposition finalement ajoutée le premier mai dernier. Si elle ne vise pas uniquement des citoyens russes, la proximité avec l’affaire Skripal laisse à penser qu’elle sera utilisée en lien avec l’attaque de l’ancien agent double et de sa fille. » 

Désormais, la dynamique était en marche, sans que, pour autant, l’Union européenne, même réduite à ses morceaux, se fût véritablement prise de passion pour ce genre… d’outil :
« Pour finir, le Canada et même Gibraltar ont mis en place des réglementations Magnitski, précise Bill Browder. Des discussions pour aller dans ce sens ont lieu en Australie, en Ukraine, en Suède, au Danemark, etc. Aux Pays-Bas, les députés ont demandé à l’exécutif de pousser pour une législation européenne. » 

Ursula von der Leyen arrive donc à point. Sûr que ce martinet, elle saurait en appliquer les marques plus ou moins efficaces autant sur les fesses de Moscou que sur celles de Pékin… et même sur celles d’autres capitales coupables, si nécessaire…

Par exemple, ainsi qu’elle le clame avec beaucoup d’entrain dans son discours du 16 septembre 2020, pour faire parler la vraie démocratie à Minsk :
« Les Biélorusses doivent être libres de décider eux-mêmes de leur avenir. Ils ne sont pas de simples pions sur un échiquier. » 

Et vlan, un petit coup de panpan cucul… à l’Alexandre !… si on lui refile l’engin, à elle !… Mais elle n’en resterait certainement pas là… C’est elle qui nous prévient :
« À ceux qui plaident en faveur de liens plus étroits avec la Russie, je dis que l’empoisonnement d’Alexei Navalny avec un agent chimique neurotoxique n’est pas un acte isolé. Nous avons pu observer ce type de pratiques en Géorgie et en Ukraine, en Syrie et à Salisbury – sans parler de l’ingérence électorale dans le monde entier. » 

Et voilà le grand mot lâché : « dans le monde entier »… et parce qu’on y voterait… mal !… Selon l’impératrice de l’Europe, Ursula

Tout cela ne serait-il qu’un vilain cauchemar ?

NB. J'ai déjà signalé le caractère très inquiétant de ce que la France vit depuis quelques décennies ici.


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