Le nouveau ministre de l’Education nationale écoutera-t-il la minorité de l’école ŕ la maison ?

par Jean-Baptiste Maillard
samedi 21 mai 2022

Le nouveau ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, spécialiste des minorités, aura-t-il une vision plus ouverte que son prédécesseur sur les familles qui font l'école à la maison ? Les recevra-t-il, une fois installé rue de Grenelle ? Sait-il qu'aux Etats-Unis, où il a étudié, de plus en plus de familles noires choisissent le "homeschooling" pour échapper au racisme à l'école, le temps de reprendre pied ?

Conséquence de la loi séparatisme : les familles françaises ont jusqu'au 31 mai pour déposer auprès de l’administration ce qu’aucun parent au monde ne devrait jamais avoir à demander : l’autorisation d’instruire ses enfants en famille. C’est un véritable coup de poignard pour cette liberté fondamentale des parents, qui sont et demeurent les premiers éducateurs de leurs enfants, quoi qu’en disent les lois de n’importe quel pays.
 
Avec ce nouveau système d’interdiction déguisée par autorisation, comme nous l’avons montré dans notre livre L’école à la maison, une liberté fondamentale, nous rejoignons les pays les plus restrictifs au monde : Chine, Arabie Saoudite, Pakistan. Personnellement, cela me rappelle l'URSS, où cette liberté fut rétablie à la chute du communisme, en 1991, quand j'habitais Moscou.
 
Rappelons aussi, comme nous le rapportions dans notre livre, que toutes les études des chercheurs montrent que les enfants instruits en famille sont aussi bien voire mieux socialisés que les enfants des écoles publiques. De plus, quand le président Macron a annoncé vouloir interdire l'école à la maison lors de son discours des Mureaux d'octobre 2020, le prétexte employé était celui d'une soi-disant radicalisation. Mais les chercheurs français des plus grands instituts de recherche affirment tous que cette accusation est sans fondement, du CNRS à l’Institut des Hautes Etudes du Ministère de l’Intérieur, en passant par l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, où notre nouveau ministre de l'Education nationale a obtenu un doctorat : écoutera-t-il ses anciens collègues ?
 
Mais pourquoi l'école à la maison dérange-t-elle autant le système de l'Education nationale ? Parce qu'elle apparaît comme un discrédit de son action avec plus de 98% de réussites aux contrôles, quand on sait aussi, par exemple, que la merveille méthode d'apprentissage des mathématiques, la pédagogie Singapour, est arrivée dans l'Education nationale par les inspecteurs de l'école à la maison. De fait, depuis toujours, l'école à la maison est le meilleur laboratoire pédagogique jamais inventé pour les enfants ! Sait-on par exemple que Marie Curie, qui fit aussi l'école à la maison à ses enfants, rédigea pour eux un célèbre manuel de chimie ?
 
Rappelons encore que l’école à la maison est l’une des plus fortes tendances sociales du dernier demi-siècle, selon Patricia Lines, docteur en sciences de l'éducation au sein du département américain de l’éducation, pays de liberté où le homeschooling concerne plus de 2,5 millions d’enfants sans que s'émeuvent de fausses pleureuses des principes républicains ou du séparatisme ! C'est un pays que notre nouveau ministre connaît bien, puisqu'il a étudié à l'université de Virginie et de Pennsylvanie : sera-t-il sensible à cette tendance sociale mondiale, lui est donc docteur en sciences sociales ?
 
En France, quand nous avons commencé l’école à la maison, notre aîné était l'un des cinq milles d’enfants instruits en famille. Ils sont désormais 71553 enfants d’après le chiffre que nous a donné le cabinet du ministre le 13 avril dernier (après 6 mois de relances), soit une augmentation de 9 155 enfants depuis l’année dernière. Cette croissance ne pourrait-elle pas, plutôt que combattue jusqu'à vouloir son enterrement de première classe, être mieux accompagnée par le ministère, en concertation avec les parents et les partenaires sociaux que sont les associations ?
 
 
De plus, ces dernières semaines, de nombreux articles de presse font état des très grandes difficultés de l’éducation nationale de recruter de nouveaux enseignants. Dans le même temps, le ministère refuse ces vocations de parents instructeurs, pourtant en forte croissance, il ferme aussi de plus en plus d'écoles sur le territoire national, comme le rapporte Le Monde dans une infographie. Le nouveau ministre poursuivra-t-il cette tendance mortifère pour l'éducation en France, qui inclue la minorité d'enfants instruits en famille que nous représentons ?
 
Actuellement, toutes les familles qui ont fait l'école à la maison en 2021-2022 bénéficient d’une dérogation de deux ans. D'autres familles n'ont déjà pas cette chance (belle inégalité de traitement au pays de l'égalité) et doivent demander une autorisation en bonne et due forme. Mais après ?
 
Notre association Liberté éducation reçoit déjà des alertes de parents qui ont des refus d’autorisation pour leur enfant qui commencerait l’école à la maison l’année prochaine, sans aucun motif valable de la part des académies, et sans respect de la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel sur l’intérêt supérieur de l’enfant. La circulaire du ministère sur l'application des décrets se fait cruellement attendre, il règne dans les académies la plus grande cacophonie, dans un climat de suspicion, de discrimination et d’arbitraire insupportable à l’égard des familles. Cela doit cesser. Le nouveau ministre mettra-t-il un terme à ces dérives administratives ?
 
Nous attendons donc du nouveau ministre de l'Education nationale qu'il se penche enfin sur l'école à la maison sans a priori idéologiques. Aura-t-il le courage, contrairement à son prédécesseur qui ne l'a jamais fait, de recevoir des familles qui ont choisi cette liberté pédagogique, ainsi que les associations nationales qui les représentent, pour dialoguer avec elles ? Nous allons le lui demander... en espérant une réponse positive rapidement.
 
Le nouveau ministre pourra-t-il limiter les litiges entre les parents et les académies, en donnant aux familles qui essuient des refus injustifiés la possibilité d'exercer ce libre choix de parents pour leurs enfants, si les commissions de recours n'aboutissent pas ? Nous lui parlerons de ces situations douloureuses qui, hélas, commencent à survenir. Peut-être se souviendra-t-il qu'il se définissait auprès du Monde en 2009 comme « un produit de l’affirmative action américaine », en référence au programme d’égalité des chances instauré dans les années 60 aux Etats-Unis et qui lui avait permis d’obtenir une bourse d’études. De fait, au contraire de l'école qui depuis plusieurs années amplifie les inégalités sociales et migratoires selon un rapport de la CNESCO, l'école à la maison gomme ces inégalités sociales, donnant sa chance à chaque enfant. Elle participe ainsi elle aussi à l'égalité des chances dans notre pays. Le nouveau ministre le sait-il ?
 
Enfin, comment le nouveau ministre se positionnera-t-il face aux propositions inquiétantes du parti de Jean-Luc Mélenchon en matière d'éducation, qui prône la scolarisation obligatoire jusqu’à 18 ans et dès 2 ans pour les parents qui le souhaitent ? 
 
La semaine dernière, notre recours au Conseil d'Etat en référé suspension, malgré plus de 2h45 de plaidoiries avec les meilleurs avocats de la place de Paris et le témoignage de familles, a fini par échouer, près de quinze jours après l'audience, et sans justification sérieuse. Le juge s'était pourtant dit touché par la situation d'une famille en école à la maison depuis plus de 8 ans, avec 15 contrôles d'inspection réussis pour 4 enfants. Mais le parent-instructeur ne pourra poursuivre l'année prochaine avec le petit dernier : cette maman n'a pas le baccalauréat, contrairement à ce que réclament les décrets, l'administration étant allée plus loin que la loi. Quand arrêterons-nous ce mauvais sketch discriminatoire ?
 
Dans l'immédiat, les associations nationales de l'instruction en famille s'organisent pour défendre chaque situation qui mérite d'être défendue parce qu'injuste, une injustice terrible pour les enfants, particulièrement les profils atypiques, avec troubles de l'apprentissage (dys...), avec haut potentiel, ou les victimes de harcèlement et de phobie scolaire... Espérons là encore que notre nouveau ministre, spécialiste des discriminations, aura une oreille attentive pour ces enfants discriminés et leurs parents dans leur choix souverain.
 
 
Et que dire de ces familles noires qui sont de plus en plus nombreuses à choisir l'école à la maison pour échapper au racisme à l'école, comme le relatent les médias américains, jusqu'à représenter plus de 10% des enfants en homeschooling dans ce pays ? Pour certains d'entre eux, il s'agit de leur survie, et l'école à la maison leur permet de reprendre pied, au moins pour un temps. En France, le gouvernement a tenté d'interdire cette issue de secours pour tous les enfants : notre nouveau ministre y sera-t-il sensible ?
 
Pour tous ces enfants à qui l'on refuse déjà l'instruction en famille, nous continuons à nous battre, nous irons s'il le faut devant les organisations internationales, devant les cours de justice internationales, à commencer par la Cour européenne des Droits de l’Homme. Là encore, espérons que notre nouveau ministre, qui connaît parfaitement les batailles des minorités pour leurs droits humains, saura nous écouter, et peut-être même nous entendre. Qui sait ?
 
Nous luttons pour une juste cause et tôt ou tard, nous finirons par l’emporter.
 

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