Le nouveau pape devra supprimer la pire des croyances

par Pierre Régnier
jeudi 14 février 2013

La croyance dans une "bonne criminalité voulue par Dieu" reste ce qu'il y a de pire dans l'enseignement des religions. C'est elle qui, depuis trois millénaires, conduit des croyants du monothéisme à la pratique effective de la criminalité religieuse.
 

L'hébraïsme l'a inventée. Il l'a divinisée, sacralisée, dogmatisée. Le judaïsme et le christianisme naissant ont confirmé qu'elle était "une bonne croyance".

Ces deux monothéismes ont cependant, chacun à sa manière, limité à une époque lointaine, celle de l'Ancien Testament, leur justification de la prétendue volonté criminelle de Dieu "pour la bonne cause".

La croyance criminogène, toutefois, a été transmise au nouveau prophète Mohamed qui en a fait le socle, aujourd'hui encore considéré comme indestructible, de la nouvelle religion qu'il a créée. Il a re-justifié, en re-définissant "la bonne cause", la prétendue criminalité de Dieu mais en annonçant valable et nécessaire sa mise en pratique jusqu'à la totale soumission de l'humanité "au seul vrai Dieu Allah".

N'oublions pas pourtant que, si Augustin, l'un des Pères de l'Eglise, a énoncé pour le courant chrétien la "bonne persécution" par les institutions religieuses avant l'arrivée de Mohamed, Maïmonide l'a répétée à son tour beaucoup plus tard pour la religion juive.

Augustin (354-430) écrit dans la Lettre 185 à Boniface : « La persécution exercée par les impies contre l’Église du Christ est injuste, tandis qu’il y a justice dans la persécution infligée aux impies par l’Église de Jésus-Christ. L’Église persécute par amour ; les impies par cruauté. »

Maïmonide (1135-1204) énumère, dans Le Guide des égarés, un certain nombre de grands massacres "commandés par Dieu" incluant "l'expédition faite par un peuple contre un autre pour le détruire par le glaive et pour effacer sa trace". Et si, pour Maïmonide, ces massacres "font indubitablement partie des actions de Dieu" celui-ci les commande "en raison du démérite de ceux qui sont punis". On ne doit en aucun cas y voir "des actions comme celles qui, chez nous, émanent d'une disposition de l'âme, savoir, de la jalousie, de la vengeance, de la haine ou de la colère".

Le Dieu de Maïmonide aurait donc perdu au moins l'un des attributs du "Dieu jaloux" de l'Ancien Testament qui, dans le Décalogue rapporté en (20-12) de l'Exode et en (5) du Deutéronome, déclare qu'il "punit la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants". 

En ce début de troisième millénaire, cependant, on peut penser que le pire est encore ailleurs : Le très dogmatique cardinal Ratzinger, qui deviendra par la suite le pape Benoît XVI a cru bon, avec l'approbation des autres rédacteurs, avec celle de Jean-Paul II, du Magistère et de toute la hiérarchie de son Eglise, de re-diviniser, re-sacraliser, re-dogmatiser la croyance criminogène une fois de plus dans le Nouveau catéchisme.

C'est ainsi que, entre autres "justes massacres", le très explicite appel à exercer un très explicite génocide au moins, celui qui est attribué à Dieu dans le Livre de Josué de l'Ancien Testament, est à nouveau très explicitement attribué à Dieu dans l'enseignement donné aux catholiques de 2013.

Ces horreurs voisinent, bien sûr, comme c'est le cas dans la plupart des textes importants des religions, avec ceux qui font dire a Dieu très exactement le contraire : Il commande l'amour, la paix, la justice, la générosité, tous les efforts pour réaliser le Bien-vivre-ensemble.

L'Eglise et ses fidèles, y compris ceux qui prétendent améliorer leur religion et secouer leur clergé en "mettant les pieds dans le bénitier" n'y voient pas d'incompatibilité. Benoît XVI croit, lui, pouvoir considérer ces éléments contraires comme des fondements de la complémentarité entre la foi et la raison.

Hors de l'Eglise catholique, des autres composantes du christianisme, du judaïsme et de l'islam, les philosophes et autres intellectuels ne se préoccupent guère de cette énormité. Comme ceux qui gouvernent le pays, comme beaucoup d'athées se disant fermes défenseurs de la laïcité républicaine, ils croient devoir limiter le rôle de celle-ci à la séparation des religions et de l'Etat.

Le pape est l'homme qui a, plus que tout autre, le pouvoir de mettre fin à la théologie criminogène. Celui qui s'en va ne saurait cependant être tenu pour seul responsable de sa consolidation.

Cette théologie, répétons-le, n'est d'ailleurs plus depuis longtemps criminogène, dans le christianisme, que de manière indirecte. Doit- elle pour autant être transmise une fois de plus aux croyants du monothéisme à venir ?

Qui peut croire qu'alors le monde où vivront nos enfants, petits-enfants et leurs descendants pourrait être religieusement pacifié ? Et qui peut croire qu'il pourrait être plus généralement pacifié s'il ne l'est pas religieusement ?

En étendant au collectif ce que Sartre disait de l'individu on pourrait estimer que "l'important ce n'est pas ce qu'on a fait des religions, c'est ce qu'elles font de ce qu'on a fait d'elles".

On pourrait dire plus précisément encore : "l'important ce n'est pas ce que le dogmatisme a fait des religions, c'est ce qu'elles font de ce que le dogmatisme a fait d'elles".

Il faudra exiger du prochain pape qu'il considère le message du Jésus des Evangiles comme réellement plus important que le respect de la tradition dogmatique dans ce qu'elle a de pire.

Il faudra exiger qu'il abandonne au moins le dogmatisme confortant la théologie criminogène.

 


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