Le Pape est-il croyant ?
par Jacques-Robert SIMON
lundi 18 septembre 2017
Êtes-vous croyant ? Selon la réponse, vous serez classé à gauche ou à droite, réactionnaire ou progressiste, gay friendly or not ! Et si la question n’avait pas de sens ?
Tout oppose Croyance et Science ! La croyance se décèle quand une personne adhère à une thèse qu’elle considère comme une vérité, indépendamment des faits, ou de toute démonstration rationnelle. La science se caractérise tout au contraire par une méthode fondée sur des observations méticuleuses et des raisonnements rigoureux.
La preuve la plus communément admise de l’existence de Dieu est la venue sur terre de son fils Jésus. De sa naissance à sa mort, une documentation fournie est disponible par les évangiles et les épitres écrits une cinquantaine d’années après sa mort. La crucifixion était un supplice banal à cette époque : la révolte des esclaves entre 73 et 71 av JC, sous la conduite de Spartacus, se solda par la crucifixion d’environ 6000 personnes. La mort d’un Homme par crucifixion ne distingue pas Jésus de multiples autres suppliciés. Cet homme était-il le fils de Dieu ? Une preuve de cette filiation pourrait être trouvée dans sa capacité à faire des miracles. Beaucoup des miracles mentionnés concernent des guérisons, guérison d’un lépreux, d’un paralytique, d’un homme à la main paralysée… ce qui correspond aux besoins les plus pressants de gens démunis. L’origine divine des guérisons, si elles sont véridiques, peut cependant être questionnée. La suggestion, l’autosuggestion ou les transes hypnotiques permettent quelquefois d’obtenir des résultats spectaculaires pour améliorer l’état de santé de malades. Ce type de « thérapie » est d’autant plus efficace que la personne qui s’y adonne « croit » en elle : il faut croire pour guérir.
D’autres miracles encore plus improbables sont décrits :
« Après avoir ramé environ vingt-cinq ou trente stades, ils virent Jésus marchant sur la mer ». La multiplication des pains ou l’eau changée en vin sont tout autant difficiles à comprendre rationnellement. Il est aussi possible de considérer ces descriptions mais comme l’illustration de symboles : Jésus soulignerait l’importance de savoir partager, de savoir marcher face à l'adversité…
Les miracles ne seraient alors dû qu’à des communicants talentueux du début de notre ère. Ils n’auraient pour but que d’attirer les foules crédules vers la « vraie foi », le bon chemin, l’idéal à suivre. Mais indépendamment de ces artifices, un message est délivré, il faut « éveiller » la multitude au vrai Dieu, la conduire vers un idéal d’Amour.
Que le Christ soit un Homme ou le fils de Dieu n’importe alors plus : une histoire a commencé avec cette proposition de mettre l’Amour au dessus de tout. Une multitude de puissants vont faire semblant de lui obéir, d’innombrables Hommes de lettres, de musiciens, de savants créèrent dans son ombre, une multitude de gueux purent endurer des souffrances qu’aucun remède terrestre n’aurait pu alléger.
L’Amour entre deux êtres est si rare qu’il est miraculeux qu’il survienne une unique fois lors d’une vie. Mais l’Amour régissant une collectivité, une société, le Monde ne peut être qu’une utopie, un inaccessible idéal, un rêve qui n’aura jamais d’existence. Pourtant pelotonné dans un monde d’Amour, tous les problèmes de la vie terrestre ne se posent plus, la Liberté et l’Égalité ne deviennent que des sous-chapitres sans guère d’importance.
Dieu promet aussi la vie éternelle : il est affirmé que nous vivrons dans un état de joie parfaite, sous son regard, pour toujours. Chaque Homme est conscient d’écrire une page dans un immense livre dont il ne verra pas la fin. Chacun s’efforce de ne pas voir l’échéance où il s’effacera et où d’autres continueront sans lui le récit. Avoir une vie riche, emplie de bonheur ou de difficultés, faire construire de plus ou moins grands bâtiments, s’enraciner dans l’esprit ou dans l’âme des autres, de ses proches, de ses disciples, sont quelques uns des trucs qui permettent de gommer le caractère fini, voire absurde, de la vie.
Si Dieu ou son fils est issu des flancs d’une vierge, qu’il peut guérir toutes sortes de maladie, s’il marche sur l’eau, si il multiplie les pains, s’il offre à l’heure du trépas le jardin d’éden ou l’enfer… alors il est certain que M. Jorge Mario Bergoglio ne peut pas croire en lui, aucune personne raisonnable ne le peut. Et tout le vécu de M. Bersoglio démontre sa raison raisonnante. Il a obtenu un diplôme de technicien en chimie à l’Université de Buenos Aires avant de rejoindre à 21 ans le séminaire pour y poursuivre des études de théologie. La Chimie n’a en propre aucune théorie, par contre elle nécessite une méticuleuse observation du réel qui la met à l’abri des exaltations purement intellectuelles ou mystiques.
Même si on n’accorde aucun crédit à l’apparat si ce n’est celui d’attirer par les mystères les foules d’incrédules, un Homme soucieux des autres peut souhaiter se fixer comme ligne directrice de mettre au dessus de toutes les autres valeurs l’Amour, le Dieu-Amour, ce qui conduit à un engagement de tous les instants à un idéal.
Si vous êtes convaincu que le seul progrès qui vaille est celui qui permet un peu plus grand Amour des autres, et malgré de très douloureuses vicissitudes, le monde occidental est un peu moins barbare au fil des millénaires, alors vous vous engagez de bonne foi pour tenter d’accélérer le processus ou au moins qu’il ne s’arrête pas. D’Homme, vous devenez membre d’une collectivité, vous devez faire tout pour ne pas heurter l’un quelconque de ses membres. Votre libre arbitre s’efface pour laisser place à un discours acceptable de tous. Vous ne perdez pas vos pensées intimes mais elles paraissent dérisoires comparées à votre fonction.
M. Bergoglio ne croit pas aux irréalités, mais le Pape François est contraint de respecter ceux qui y croient. Le Pape est de tous les humains, le moins humain car il ne vit que pour l’Amour, idéal parfaitement inaccessible, ce en quoi il est proche de Dieu. Le pape est pensant, pas croyant !