Le PCF, Marx, et l’UE

par CN46400
lundi 23 mai 2016

1945 Le PCF, qui était entré dans la guerre par la porte de la répression et de la dissolution, en sort par la grande porte de la victoire. Mais contrairement à ceux qui espéraient un remake de 1917 en Russie, il doit constater, comme Staline, que la bourgeoisie a sauvé assez de meubles pour survivre au gigantesque conflit qui vient de se clore. Thorez rentre de Moscou avec, dans sa tête un avertissement de Staline : "L'URSS, qui a signé les accords de Yalta, ne soutiendra, pas plus en France qu'en Italie ou en Grèce, une quelconque guerre civile qui viserait à "soviétiser" la France".
Alors qu'en Grèce la situation politique dégénère, en France et en Italie, Thorez et Togliatti obtiennent, moyennant la placardisation de armes, un compromis avec la bourgeoisie (CNR en France) qui garanti aux prolétaires une amélioration très conséquente de leur situation sociale. C'est dans la ligne de ce compromis que le PCF, en 72, signera le Programme Commun avec le PS espérant que dans la renégociation, à venir, avec la bourgeoisie, le PS compensera la perte de poids du PCF par rapport à 45.
Entre temps, dans le cadre de la "guerre froide" anti-soviétique, la bourgeoisie a glissé la France sous le parapluie atlantique américain (OTAN 49) et elle a engagé les six principaux pays européens dans un processus (marché commun) qui est décodé à Moscou comme le pendant économique de l'OTAN. Alors qu'à Rome, le PCI est dubitatif, à Paris l'analyse soviétique est adoptée sans aucune nuance. Depuis 1920 le PCF n'a jamais transigé sur le principe de la défense de l'URSS.
Alors que Lénine clamait que le meilleur moyen de défendre l'URSS était de faire la révolution dans son propre pays, Staline a introduit une nuance que, manifestement, le PCF n'a jamais discuté : "Ce qui est bon pour l'URSS est bon pour nous (Thorez)" qui se décline tacitement en : "Ce qui est mauvais pour l'URSS est aussi mauvais pour nous". Sans le dire ouvertement, cette subtilité place la défense de l'URSS au centre de la politique du PCF, c'est le "socialisme dans un seul pays" qui s'impose par la bande. La révolution en France est subordonnée au socialisme radieux, qui doit advenir, en URSS....


Et c'est donc dans cette disposition d'esprit, que le PCF va, 20 années durant, s'opposer à la création de l'UE et à son développement. Cette position ne sera fondamentalement modifiée qu'après la chute de l'URSS. L'existence de l'UE n'est alors plus contestée, c'est sa politique, son orientation pro-capitaliste, qui est, logiquement, combattue, pas son existence. Ce faisant le PCf renoue avec le Manifeste qui, depuis 1848, nous dit que :
"La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. (...)
Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations.
Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations."


Dans ses phrases, tout y est, y compris la référence aux "réactionnaires", les nouveaux Don Quichotte, qui veulent empêcher les roues de la bourgeoisie triomphante de tourner. Ailleurs (le Capital), Marx montre que la valeur d'un produit n'est réelle que lorsqu'il est vendu et payé. Ce qui suppose l'existence d'un marché capable d'absorber les quantités de produits disponibles, c'est à dire adapté à la puissance des forces productives modernes. L'UE n'est donc que la solution trouvée par la bourgeoisie pour faire correspondre la diffusion des marchandises à la puissance productive de ses usines, et, du même coup de maintenir le niveaux global de ses profits.
2016-A peine achevée, l'UE est déjà dépassée, le nouveau marché est mondial. La bourgeoisie, allégée de tous ses membres qui ont été incapables de s'adapter à l'UE, donc toujours plus minoritaire, maneuvre en espérant trouver, dans la mondialisation, une ultime planche de secours. Et le débat de 56 (traité de Rome) ressurgit dans le PCF alors que la plupart de nos usines travaillent, maintenant, plus à l'export que pour la nation française.
"Un peu d'internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d'internationalisme en rapproche" disait, il y a plus de cent ans, Jean Jaurès. Le PCF, débarrassé de l'hypothèque soviétique, va-t-il, cette fois, trouver le bon axe pour positionner son point de vue ?

 Revenir à un "nationalisme" désormais désuet, ou militer dans le prolétariat français pour le solidariser plus solidement au prolétariat européen et mondial. Alors que la bourgeoisie mondialisée, hormis la destruction d'une partie de ses usines dans une nouvelle guerre mondiale, qui pourrait être fatale à toute l'espèce humaine, y compris les bourgeois, n'a plus, pour espérer compenser la baisse tendancielle du taux de profit, de sortie de secours. Doit-on s'époumoner dans l'anti mondialisme primaire ou préparer le prolétariat français à tenir son rang dans le dépassement du capitalisme qu'annonce son incapacité à dominer sa crise aussi bien à Pékin (baisse des taux d'expansion), qu'au USA (B Sanders), ou qu'en Europe (chômage de masse) ?

Sortir de l'UE, de l'euro et de l'OTAN n'est prudent que pour ce dernier, le reste relève plus du folklore, et de la démagogie, que d'une analyse objective de la situation. Le fondamental c'est la sortie du capitalisme. L'humanité, l'occident d'abord, n'a plus rien à espérer de l'empirisme aveugle bourgeois et de sa dictature du profit, elle est mûre pour une organisation raisonnée, et raisonnable de la société où "le mouvement de l'immense majorité profitera, enfin, à l'immense majorité" (Marx). Elle est mûre pour le socialisme !


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