Le Pen : la stratégie du cogneur

par Yann Riché
jeudi 12 avril 2007

La campagne officielle venant de démarrer, chaque candidat s’apprête à jeter ses dernières forces, ses dernières armes dans la bataille.

Quatre candidats qui seront sans doute dans un mouchoir le soir du 22 avril. Le dernier sondage LH2 donne au 9 avril :

* Sarko à 28 (-2) * Royal à 23,5 (-3,5) * Bayrou à 20 (+2) * Le Pen à 13 (+1)

J’ai choisi ce sondage car c’est un des derniers publiés. En effet les chiffres sont relativement différents d’un institut à l’autre mais tous donnent cet ordre pour l’instant.

Du point de vue du candidat frontiste il est nécessaire maintenant pour gagner de cristalliser le vote FN. C’est donc au démarrage de la campagne officielle que démarre le vieux routard de la politique. Son objectif : arriver au second tour de la présidentielle créant non plus un séisme mais un véritable cataclysme.

La stratégie qui se dessine à l’issue de la première journée semble être la suivante :

1- Montrer que les sujets qu’il défend sont au coeur de la campagne et qu’ils sont repris par les deux candidats favoris des médias.

Cette première étape a pour but de valider les dires de ceux qui parlent de "lepénisation" des esprits. A gauche le comportement "Royaliste" a pu choquer. Les critiques ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. Mais en même temps il faut que Royal reste suffisamment haut pour ne pas voir Bayrou coiffer tout le monde sur le fil.

2- Monter en épingle une polémique.

C’est fait en exprimant que la différence entre Le Pen et Sarkozy c’est que Sarkozy est issue de l’immigration, Jean-Marie Le Pen joue la provocation. Et ça marche. Les propos sont "calculés", le timing aussi, aucun doute là-dessus.


Le Pen utilise à fond la technique du Buzz. Et quand les temps de parole sont comptés, ça fait mal ! En effet cette provocation critallise tous les médias et tous les autres candidats sur ce "dérapage". Résultat des courses : c’est lui qui imprime la campagne et se démarque des autres. C’est du marketing, rien d’autre.

3- Surtout pas de débat... car le débat tue l’homme politique qui n’a qu’une stratégie aujourd’hui : cogner avec les mots !

La campagne officielle que j’ai vue sur France 2 ce soir a montré clairement lors de la diffusion de son spot que Jean-Marie Le Pen s’est mis en position de boxeur, pas un seul mot de son programme, seulement une suite de phrases bien senties pour montrer, primo, que les candidats PS et UMP reprennent ses thèmes mais qu’ils rejoignent avec beaucoup de retard ses thèses et, deuxio, que quand ils ne les reprennent pas c’est qu’ils s’en foutent et donc qu’ils "vendent" la France aux étrangers.
Donc une rhétorique toute prête, aucun objectif pour reconstruire, aucun mot sur son programme, car en fait une bonne partie se fiche de son programme, ce qu’ils veulent c’est gueuler et se faire entendre. Ils savent bien que Le Pen ne sera pas élu.

Comment alors contrer le cogneur ?
D’ailleurs faut-il contrer son message dans cette dernière ligne droite ? L’équation est loin d’être simple. En effet je l’ai dit plus haut, Le Pen a son public. Il a bien compris que les solutions radicales plaisent non parce qu’elles sont réalistes mais parce qu’elles permettent de se défouler. Je ne veux pas taper les étrangers, j’ai peur, je vis mal et je vote Le Pen qui exprime tout mon malaise.
Les Français ont mal à la France. Ce diagnostic est partagé par tous, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Malheureusement ce diagnostic posé par Chirac sous le thème de "la France pour tous" en 1995 demeure, comme si rien n’avait changé. Tous sont donc dans la rupture. La France irait même moins bien alimentant en engrais les démarches démagogiques contre des démarches de plus grande écoute.

Mais attention, le personnage Le Pen m’est détestable, et le sujet de la préférence nationale n’est pas ma tasse de thé. Et la façon de présenter ses idées sont inquiétantes, de la suppression du syndicat de la magistrature au rétablissement de la peine de mort et en parallèle l’inscription dans la Constitution du caractère sacré de la vie... et de l’interdiction faites aux étudiants de manifester tout en abaissant l’âge légal pénal selon les peines jusqu’à 10 ans... Contradictions quand tu nous tiens !

Pour le contrer le débat est donc la meilleure arme. Je lis, j’entends "avec Le Pen ça va marcher droit car lui a de l’autorité".

Posez les questions : Mais quelle autorité a-t-il ? Comment va-t-il faire ? Et vous ? Vos enfants vous arrivez à les tenir ? Et vos voisins dont les enfants sont français et qui sont amis avec les vôtres, voulez-vous les voir expulsés ?

Parlez !

L’indifférence a fait le lit du lepénisme. En diabolisant Le Pen, ses adversaires ont ignoré ses électeurs et leurs inquiétudes. Aujourd’hui, en chassant sur ses terres électorales et en entrant dans la surenchère électorale sur l’immigration et l’identité nationale les candidats Royal et Sarkozy se ridiculisent. L’immigration et l’insécurité sont des enjeux de l’élection, mais créer une immigration du travail comme le propose Sarkozy c’est revenir aux années 60 et 70 qui nous ont conduits à l’échec. Proposer le drapeau français n’est que gadgétitude, et réprimer parce que c’est génétique est simplement indigne d’un candidat du XXIe siècle qui se concentre sur des idées du XIXe siècle, sur du déterminisme.

Pour contrer la stratégie de Le Pen il n’y a qu’une stratégie, s’intéresser aux Français, éviter les coups et cogner dur avant.




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