Le père Barbarin, Primat des Gaules et Archevêque de Lyon jugé pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs

par Martin de Wallon
vendredi 11 janvier 2019

Le lundi 7 janvier 2019, s’est tenue la réouverture du procès contre le Père Barbarin. C’est un homme d’Eglise très carré sur ses positions religieuses, notamment contre l’homosexualité, le mariage pour tous, l’avortement et solidaire de bonnes causes telles que son engagement et son soutien aux chrétiens d’Orient, qui comparait. Il est jugé pour non dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs ainsi que de non-assistance à personnes en péril après avoir eu des informations sur les soupçons de pédophilie concernant le père Preynat.

Ignorance ou négligence complice ?

En 2002 Philippe Barbarin arrive à la tête du diocèse. En 2007, il entend parler de certaines rumeurs : Le prêtre Bernard Preynat se serait rendu coupable d’attouchements sexuels sur plusieurs jeunes enfants au Groupe Scout Saint Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon depuis les années 77 jusqu’en 91. Il avait la charge de ce groupe d’enfants en tant qu’aumônier sans que cela n’inquiète personne. Preynat aurait été dénoncé et aurait reconnu les faits qui lui étaient reprochés, dans une lettre adressée à la mère de l’une de ses victimes en 1991. A l’époque des faits, Monseigneur Decourtray, Primat des gaules, avait écarté Bernard Preynat du service durant six mois et l’avait à nouveau placé dans une autre paroisse.

Lorsque Philippe Barbarin convoque Bernard Preynat et l’interroge, il reconnaît les faits mais rassure ne plus avoir recommencé depuis 1990. Au procès Philippe Barbarin se défend : « Je lui ai demandé : Y a-t-il eu un seul enfant abîmé depuis ? Il m’a répondu : Non, je vous le jure. Tout le monde me reproche de l’avoir cru. De fait, on n’a pas trouvé de faits incriminables après ». "Je n'ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles", a assuré l'archevêque, dans une déclaration lue devant les juges.

Précisant qu’il croyait à la rédemption, le père Barbarin poursuit, répondant aux affirmations de la juge sur les éventuelles récidives de pédophiles : « C’est possible que dans la perversion de quelqu’un, il y ait une page qui se tourne ».

L’opinion publique s’étonne que le père Preynat ait poursuivit toutes ses activités pastorales malgré les nouvelles accusations. D’ailleurs, Barbarin lui fait tellement confiance qu’il lui délègue, après une brève mise à l’écart, l'animation de 3 paroisses jusqu'en 2015. C’est seulement en Aout 2015 qu’il le dénonce, 9 mois après le nouveau témoignage accablant d’une victime. Le religieux accusé répond tout simplement qu’il aurait agi selon la volonté du Vatican, en évitant le scandale public, pour ne pas attirer l’attention des fidèles. : « J’ai fait exactement ce que Rome m’a demandé » dit-il à la barre.

 

Plus de 70 victimes présumées

Du coté des victimes, les détails sont révoltants. Ces hommes décrivent sans voile leurs souffrances en reprochant au père Barbarin ainsi qu’à cinq autres hommes d’Eglise qui comparaissent à ses côtés, ne pas avoir dénoncé ces faits horribles pour qu’ils cessent.

Laurent Duverger raconte : « Ma première relation sexuelle, je l’ai eue à 10 ans avec le père Preynat. » il évoque sa dernière agression parmi tant d’autres. Elles ont duré 3 ans : «  Elle est intervenue dans un bus. Il m’avait fait asseoir sur ses genoux et m’a caressé le sexe jusqu’à l’érection. A la vue de tous. J’étais humilié  ».

Christian Burdet, une énième victime du père Preynat raconte lui aussi. "Le Père m’a entraîné contre lui dans sa tente, il m’a embrassé sur la bouche en mettant la langue, il sentait le cigare froid. C’est notre secret. Il me demandait si je l’aimais. Et il m’a fait des fellations, m’a demandé si j’aimais. J’avais honte. Je me suis dit, ce n’est pas possible, j’ai couché avec le curé."

Vers la fin des années 1970, le petit garçon avait subi les caresses, les baisers, les fellations et les masturbations de la part du curé. Il n’en parlera qu’en 2016 meurtri psychologiquement : « C’est comme si j’étais atteint d’une maladie incurable, qu’on ne peut rien faire pour moi. Je vis avec cette souffrance qu’on aurait pu abréger si les faits avaient été dénoncés plus tôt »

François Devaux, fondateur de la Parole libérée (Association des victimes) quant à lui s’indigne : « On nous a mis sur le parcours d’un prédateur sexuel alors que le cardinal Renard savait. Le diocèse savait déjà alors même que nous n’étions pas nés. »

Le 23 août 2018, le prêtre Pierre Vignon, lance une pétition publiée sur le site change.org et récolte en une semaine plus de cent mille signatures. Il demande au cardinal Barbarin de présenter sa démission. Le 1er novembre 2018, il est sanctionné par sa hiérarchie et n'est pas reconduit dans ses fonctions de juge ecclésiastique à Lyon

Bernard Preynat, lui, avait été mis en examen le 27 janvier 2016. Il doit être jugé en 2019. Son avocat avait plutôt accusé les parents des victimes : « Il y a de cela 25 ans, on a eu tous les moyens pour faire passer le père Preynat devant une juridiction. Il a reconnu les faits, il les a reconnus oralement, il les a écrits. Si le procès n'a pas eu lieu, ce n'est pas à lui qu'il faut demander pourquoi. Il faut demander à ceux qui ont décidé de ne pas faire un procès », cite leparisien.fr.

 

En attendant le procès, Me Frédéric Doyez veut empêcher avant la tenue du procès la sortie du film inspiré de l’affaire et intitulé «  Grâce à Dieu  », comme il l’annonce dans une interview publiée vendredi 14 décembre par le quotidien régional Le Progrès.


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