Le petit livre rose

par Jacques-Robert SIMON
lundi 25 novembre 2019

Les femmes se battent depuis plusieurs siècles pour obtenir une égalité de droit entre hommes et femmes. C’est chose faite (au moins formellement) en France. Pourtant le débat n’a jamais été aussi animé ! Pourquoi ?

 Les femmes ont très tôt lutté pour changer leur statut traditionnel de mère et de gardienne de la vertu et de la morale afin d’acquérir les mêmes droits que les hommes. À partir de 1789 en particulier, les femmes veulent participer à la vie politique mais le suffrage universel pour la constitution de 1793 restera encore exclusivement masculin. Les femmes obtiendront le droit de vote en 1944 en France.

 En d’autres lieux, c’est l’autorité centrale qui décide de promouvoir voire d’imposer l’égalité homme-femme. Ainsi, ‘le petit livre rouge’ précise qu’il faut « Améliorer la situation économique et politique de la femme… Il faut que toute la main-d'œuvre féminine prenne sa place sur le front du travail où sera appliqué le principe ‘à travail égal salaire égal’… Les femmes se trouvent [indûment ]sous l'autorité des hommes. » (Mao Zedong,毛泽东 ). La rigueur avec laquelle les gardes rouges, constitués de jeunes et d’étudiants, appliquèrent les directives a montré quelque effet. Un peu plus d’un demi-siècle plus tard, la Chine a réalisé des progrès dans la promotion de l'égalité entre les sexes. De nos jours,les femmes salariées représentent plus de 40 % de la main-d'oeuvre du pays, elles représentent un quart des entrepreneurs du pays. Le nombre de femmes députées à la 13e Assemblée populaire nationale est le plus élevé jamais enregistré, soit 25 % du total. Par comparaison, en France les femmes occupent 39% des sièges de l’Assemblée Nationale.

 Une stricte autorité ou une démocratie occidentale arrivent donc à faire une place aux femmes dans des conditions relativement comparables. Mais les campagnes féministes en France et dans les pays comparables n’ont jamais atteint une telle intensité ni même une telle violence. Une question semble se poser : veut-on se débarrasser de la tutelle des hommes ou des hommes eux-mêmes ?

 La testostérone, hormone de la virilité par excellence, semble devenue l’ennemi du peuple féminin avec le cortège de désir, de domination, d’agressivité qui l’accompagne. Chez l'homme comme chez la femme, le taux de testostérone est très faible jusqu’à la puberté. Elle augment ensuite pour atteindre entre 10 et 30 nmol/l chez l’homme adulte. Elle est de l’ordre de 10 fois moins importante chez la femme. Après 75 ans, les taux chutent pour rejoindre ceux de la toute première enfance. La testostérone est connue pour avoir une influence sur la dominance et l’agressivité. Chez les poules, les rats ou les singes, l’injection de testostérone augmente la fréquence des postures de domination et des agressions. Statistiquement, les hommes sont beaucoup plus violents que les femmes. En France, ils sont responsables de près de neuf cas sur dix des faits de violence. L’ablation des testicules, principal organe produisant de la testostérone, fait diminuer très significativement les comportements agressifs.

 Les campagnes menées par les femmes sont légitimes : il n’y a aucune raison qu’elles subissent des outrages, des indélicatesses, des injustices de la part d’individus plus forts qu’elles, mais ceci ne doit pas être non plus accepté pour tous ceux, hommes ou femmes qui se trouvent dans une situation comparable.

 Plusieurs facteurs déterminent les actions menées.

 Les actions relèvent quelquefois de l’ubris, la démesure, l’insolence voire l’agression violente même si elles ne sont que verbales. Elles sont associées au besoin d’exister qui taraude hommes et femmes. Elles proviennent aussi du système de société qui s’installe dans lequel les instances dirigeantes sont censées marier une somme de revendications catégorielles, il faut donc être visible, se montrer pour peser.

 Mais une idée a surgi chez certains pour obtenir bien autre chose, établir une société nouvelle avec un Homme nouveau en « changeant les mentalités ».

 Le Nouveau Petit Robert précise que la ‘mentalité’ est ‘l’ensemble des croyances et habitudes d’esprit qui informent et commandent la pensée d’une collectivité, et qui sont communes à chaque membre de cette collectivité.’ Changer les mentalités implique donc de forger chez chacun une nouvelle façon d’être et de penser. Il s’agit de reprogrammer l’Homme pour qu’il se conforme à une nouvelle logique, il s’agit de changer la nature des instincts pour qu’ils suivent, sans même la discipline de la raison, de nouvelles règles venues des autorités politiques. Par ‘changer les mentalités’, on entend changer non seulement les actes mais aussi les motifs qui les guident. Et si cela se résumait à mettre un terme à la domination masculine en installant une domination féminine ? Les moyens de procréation assistée étant performants, ni le plaisir, ni le désir d’enfants ne seraient entravés par la disparition des mâles. Le tri moléculaire génétique assurerait de plus des lignées irréprochables bien plus satisfaisantes que les croisements naturels. Serait-ce un pas vers un hominicide de masse ?

 Le formatage commence toujours par l’invention ou la réinvention d’un mot, lumineux, éclairant, nouveau. Le fait de le prononcer doit induire un dégoût violent, une répulsion qui ne permet plus à la raison de raisonner sous peine d’être soupçonné du pire, d’adhérer à ce que justement le mot dénonce. Il faut ensuite une caisse de résonnance ; les médias, les réseaux sociaux dépassent de beaucoup le pouvoir d’amplification (et quelquefois de nuisance) du qu'en-dira-t-on. Il est bon d’avoir une accroche pour que l’emballement des foules puisse se faire sur une grande ampleur : un homme connu, reconnu, riche, célèbre fera l’affaire, une institution qui prêche depuis le début des temps l’abstinence sera adaptée, un Prince, un ministre également. Le sujet doit encore atteindre le cœur de cible, l’homme : ce sera bien évidemment le sexe, sous toutes ses formes (si l’on peut s’exprimer ainsi). Des milliers, des millions voire des milliards de petits gestes peuvent ainsi conditionner le genre humain tout entier si ces petits gestes sont répétés inlassablement par tous les moyens de communication possibles, jusqu’à la nausée. Bien entendu, le changement de mentalité doit commencer par les plus jeunes, les plus accessibles. En son temps, il a été déclaré que : "Le gouvernement s'est engagé à s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités."

 Le problème n’est pas de lutter contre des abus, des délits, des crimes, le problème c’est qu’on se donne pour but de changer les pensées pour que ces méfaits ne puissent plus arriver. Si l’on y arrive, il sera ensuite aisé de manipuler les âmes pour que chacun accepte son sort sans gronder, sans manifester, sans se rebeller. Mais il n’est pas improbable, il est impossible que le conditionnement des âmes atteigne l’ensemble de la population. Les laissés-pour-compte de la mondialisation (sic), les faubourgs populaires, les nostalgiques des régimes autoritaires resteront indifférents à ce prêche d’un nouveau genre. Ainsi, c’est une nouvelle race des seigneurs que l’on veut faire émerger contre la plèbe inculte et grossière. L’acceptation de la nouvelle mentalité servira de pierre de touche pour séparer le bon grain de l’ivraie.

 Il sera ainsi bien plus aisé de justifier ses propres privilèges.

 


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