Le plan machiavélique de l’Arabie saoudite pour soumettre les pays arabes indociles

par Abdelkarim Chankou
vendredi 3 mai 2019

 

Le pays arabe qui semble le plus visé par ce chantage machiavélique est sans doute le Liban. Là la pression saoudienne veut faire carrément d’une bière deux coups. D’une part châtier le pays du cèdre qui s’entête à ne pas neutraliser un Hezbollah de plus en plus hostile aux dirigeants saoudiens et leurs alliés israéliens et américains, et de l’autre priver cette organisation paramilitaire d’une partie de ses sources de financement que sont les lieux de divertissement et de prévarication à Beyrouth.

Une séquence du film « Zine Li Fik » (Maroc-2015)

 

Pour mettre à genoux les pays arabes jaloux de leur souveraineté, l’Arabie saoudite recourt au chantage le plus insidieux, parfois à la force brutale. Pour l’Algérie, par exemple, ce sera via l’ OPEP , qu’elle contrôle avec le soutien et la bénédiction américains. Dès qu’Alger lève le petit doigt Riyad appuie sur le bouton rouge de ce cartel d’exportateurs du pétrole pour inonder le marché mondial de brut, ce qui a pour effet immédiat de faire baisser les cours et par rochet la chute des recettes de l’Algérie qui vit principalement de la vente de son or noir. Pour son voisin et cousin le Qatar, le chantage sera moins soft. Embargo total sur cet émirat gazier depuis le 5 juin 2017 ! Pour les autres pays arabes autres que le Bahreïn, les Émirats arabes unis, l’Égypte qui non seulement sont acquis au royaume saoudien mais font partie de la coalition qu’elle dirige pour mater le Qatar et les Houtis du Yémen rebelle, le chantage prend des formes diverses et alambiquées mais avec le même objectif : celui de soumettre les récalcitrants. Ces pays ne possédant pas pour leur écrasante majorité de pétrole leur punition passera par le tourisme ou l’agriculture, l’une des sources principales de devises et grand pourvoyeurs d’emplois. Le mécanisme est simple. Priver ces pays qui tiennent à leur indépendance d’une partie de la manne touristique ou agricole. Comment ? Pour l’agriculture en cessant d’importer des produits de la terre de ces pays ou d’investir dans leurs agricultures. Pour le tourisme c’est un peu plus compliqué : Tout d’abord en dissuadant les ressortissants saoudiens d’y faire du tourisme. À commencer par les notables et les plus hauts responsables de l’État. Sachant que les touristes saoudiens sont connus pour leur goût prononcé pour les boites de nuit et les cabarets où les plus modestes d’entre eux dépensent parfois en une seule soirée l’équivalent de 10 années de Smic du pays visité, l’on imagine facilement la férocité et la brutalité de ce type de chantage. L’idée étant de mettre en œuvre une stratégie qui puisse à la fois épargner au royaume saoudien la sortie de devises fortes et donner une leçon aux pays arabes indociles a donc germé dans la tête de ses concepteurs dès 2014. Pour faire plus simple disons avec l’accession au Trône du roi actuel Salman ben Abdelaziz Al Saoud le 23 janvier 2015. La vague contestataire du Printemps arabe qui a commencé en Tunisie en 2010 pour passer en Égypte, Syrie et Libye en 2011 n’a pas épargné totalement le pays des Al Saoud. La jeunesse connectée et dont une partie est désœuvrée a eu vent de ces révolutions populaires, et sans la générosité magnanime du roi Salman qui a fermé les gueules de ces jeunes Saoudiens en les bourrant de liasses de dollars les choses auraient pris une autre tournure. On raconte même que la guerre que Riyad a déclaré au Yémen en 2015 avec ses alliés sous couvert de restaurer la légalité avait pour but inavoué de détourner l’attention de la jeunesse sur les vrais problèmes socioéconomiques du royaume tout en servant de trou idéal pour se débarrasser des irréductibles… Bref la jeunesse saoudienne - et également une partie de son jet set- a soif de liberté et de divertissement comme d’ autre chose 

SOIF

« (…) Les jeunes y buvaient de l’alcool, consommaient des drogues, avaient des rapports sexuels avec des prostituées et que la police fermait les yeux. », a confié au journal britannique Sunday Mirror un expat qui a souhaité de garder l’anonymat. La question qui se pose et s’impose est la suivante : comment satisfaire cette jeunesse « assoiffée » tout en la dissuadant d’aller étancher sa soif dans des pays arabes ouverts et occidentalisés que les dirigeants du pays des Al Saoud considèrent comme étant hostiles ? Bien sûr ces jeunes peuvent bien aller se défouler en Europe ou en Amérique et la question sera réglée. Seulement maltraiter une fille de joie en France, États-Unis ou en Allemagne peut conduite direct et fissa à la case prison si l’entraîneuse ou la prostituée porte plainte pour harcèlement ou maltraitance. Et comme nombre de Saoudiens habitués des boites de nuits et des casinos sont de vrais vicelards , ces derniers préfèrent se défouler dans des pays moins risquées où leurs liasses de dollars leur donnent une certaine immunité… La solution est donc de faire en sorte que le royaume saoudien devienne attrayant en matière de farniente et divertissement au même titre que le Liban, Jordanie, Tunisie, Maroc… Le prince héritier Ben Salman qui a déjà créé un organisme étatique totalement dédié aux activités de divertissements et qui a les clefs de la bonne solution pensée, quelque part à Londres ou à Washington, a décidé de doter le royaume wahhabite d’infrastructures où ces fêtards pourront passer du bon temps. D’où ce projet pharaonique du prince héritier d’Arabie saoudite. Mohammed ben Salman (MBS), a en effet annoncé en automne 2017 « la création d'une gigantesque zone de développement économique sur les rives de la mer Rouge pour plus de 500 milliards de dollars ! » Neom de Néo (nouveau en latin) et M : Moustaqbal (futur en arabe) est un projet hallucinant de ville futuriste située au Nord-Ouest de l'Arabie Saoudite, à proximité de la frontière avec l'Égypte et la Jordanie. Ce dernier pays non seulement va pâtir de la concurrence de cette ville nouvelle entre La Mecque et la mer Rouge mais va carrément tuer son aéroport et unique port d’Aqaba déjà menacés par le nouvel aéroport israélien Ramon d’ Eilat . Le pays arabe qui semble le plus visé par ce chantage machiavélique est sans doute le Liban. Là la pression saoudienne veut faire carrément d’une bière deux coups. D’une part châtier le pays du cèdre qui s’entête à ne pas neutraliser un Hezbollah de plus en plus hostile aux dirigeants saoudiens et leurs alliés israéliens et américains, et de l’autre priver cette organisation paramilitaire d’une partie de ses sources de financement que sont les lieux de divertissement et de prévarication à Beyrouth. Il semble établi que le Hezbollah en plus de l’aide iranienne vit du racket des cabarets et du trafic du haschisch de la plaine de la Bekaa. La boucle est bouclée.

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