Le pouvoir de tout pervertir
par C’est Nabum
mercredi 20 juin 2012
L'école à la carte
Histoire vraie
Ils ont travaillé une année pour monter un projet en commun avec des homologues d'un autre établissement. Une année de répétitions et de recherches à l'initiative d'un professeur de musique et de deux enseignants. C'est maintenant le temps de la répétition générale, la mise en commun des énergies de ces élèves qui ne se connaissent pas. Le premier spectacle aura lieu ce soir !
Pourtant les rangs sont clairsemés. Dans un des collèges, cinq garçons ne sont pas venus. Pour eux, ce travail qui les met en valeur, cette activité qui sort de l'ordinaire pour les placer sous les feux de la rampe est parfaitement insupportable. Ils ont grandi dans le refus et le mépris des activités scolaires. Ils se plaisent à tout pervertir avec l'assentiment de l'institution qui baisse la garde et de parents qui leur donnent si souvent raison.
Ils ont une année durant empêché de plus calmes, de plus tranquilles, des enfants ordinaires de participer pleinement et sans crainte au bonheur simple de réaliser grande et belle œuvre. Ils ont fait peser une menace sourde, une tension palpable à chaque instant. Ils n'aiment pas l'école, certes mais ne supportent pas que d'autres puissent y trouver épanouissement et plaisir.
Ce sont les membres de la petite minorité visible et explosive de nos classes. Petits terroristes du quotidien, pauvres gamins qui font payer bien cher des frustrations, des douleurs secrètes, des difficultés à vivre pleinement scolarité et vie collective. Mômes de l'individualisme souverain, gamins des quartiers, enfants rois vivant désormais sans entraves ni règles.
Ils ne sont pas venus et nous assistons impuissants à ce coup d'épée dans le dos. Ils mettent en danger le succès d'une représentation que de toute façon, ils auraient sabotée s'ils avaient été présents. Leur absence est presque un soulagement mais c'est une fois encore, la preuve de leur toute puissance.
Pire, ils ont agi avec l'assentiment de parents qui ne peuvent même pas tenir leur parole. Chacun d'eux a promis au téléphone, que ce cher enfant serait présent. Ils ont donné une autorisation de pure forme. Ils sont incapables de tenir leur rejeton. C'est lui qui n'en fera qu'à sa tête et ils se plieront à ses caprices comme ils l'ont toujours fait.
Combien sont les autres qui supportent au quotidien ces maudits soldats du combat contre le savoir, la société et l'enfance ? Que fait-on pour leur offrir ce droit élémentaire pourtant à vivre une scolarité apaisée ? Que pouvons nous faire pour remplir enfin cette mission qui devrait être la nôtre ? Pourquoi sont-ils devenus ainsi ? Qu'est ce qui cloche dans notre école ?
Notre métier a changé de forme. Nous sommes sans cesse à devoir réguler, menacer, punir une poignée de gredins qui nous éloignent systématiquement de notre fonction première. L'enseignement est devenu quotidiennement bataille désespérée, guerre à armes inégales face à ces enfants consommateurs que des esprits suicidaires ont voulu placer au centre du système.
Ce sont les forces du refus qui ont investi la place, rejetant à la périphérie la majorité silencieuse, cette grande proportion d'enfants ordinaires qui sont régulièrement pris en otages par ceux-là même qui plus tard occuperont encore le devant de la scène publique semant le désordre et la violence, l'incivisme et la bêtise.
Je sais que mes propos sont durs. Ils sont pourtant le fruit pourri de ce qu'on laisse faire. Nous avons baissé les bras, nous avons ouvert des brèches qui ne cessent de grandir, de pervertir notre système et de gangréner toute la société. Je ne pense pas que les bonnes intentions de nos nouveaux dirigeants socialistes avec leur naïveté désarmante, changent quoi que ce soit !.
En attendant, nos cinq gus ont gagné une fois encore et nous n'aurons rien à leur dire. Ils auront excuse signée et bénédiction officielle et le bal recommencera à nous faire tourner la tête !
Impuissamment vôtre