Le rapport Obin ? courageux mais peu lucide

par Eric
mardi 21 novembre 2006

« L’école face a l’obscurantisme religieux : 20 personnalités commentent un rapport choc de l’éducation nationale (Max Milo Débat) » : Cet ouvrage publie le rapport Obin sur « les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires « Pour paraphraser la plus part des commentateurs, c’est un texte courageux mais certainement pas lucide !


L’institution aborde et reconnaît officiellement pour la première fois ce que tout le monde savait depuis 25 ans au moins. L’intégration de populations originaires de pays de culture musulmane pose quelques questions spécifiques.



Certaines sont sans doute réellement liées aux caractéristiques de l’islam. Elles ne sont sans doute pas très importantes.

Pour prendre le cas le plus médiatisé par exemple, de 1994 à 2003 100 filles ont été exclues pour port de voile. La moitié a été réintégrée par les tribunaux. Une dizaine de cas par ans. Il y aurait eu 1200 a 2500 filles voilées dans le système en 2003 et 1000 militants « barbus » pour 50 000 nouveaux convertis en France. (source RG)

Incontestablement, les Inspecteurs sont tombés sur une réalité. Ils ont choisi des établissements dans des zones potentiellement problématiques plus ou moins en voie de ghettoïsation. Unité des formes du phénomène nous dit il, diversité des situations observées, généralité sur le territoire dans les zones de ghetto et surtout, des zones de ghetto.

Mais ce qui ressort de la façon la plus générale de l’ouvrage et qu’il révèle entre les lignes, c’est que le véritable problème n’est sans doute pas celui de filles voilées ou non, mais bien un profond malaise de l’institution Education Nationale elle-même.

Tout commence par l’histoire du rapport. Elle-même éminemment politique et peu laïque.

La publication de ce rapport n’était pas prévue. Annette Coulon conseillère en éducation et coauteur d’un ouvrage avec Obin commente cette « discrétion » initiale. Trois raisons :

- De ne pas stigmatiser les populations concernées : le rapport pourrait être considéré comme anti musulman

- De ne pas faire le jeux du front National : (le rapport avant publication a été utilisé par l’extrême droite et la droite et c’est notamment a titre de contre-feu que la publication a finalement été décidée).

- Toute vérité est elle bonne a dire au regard des causes a défendre ?

Toutes ces préoccupations sont peut être honorables, mais on ne voit pas ce qu’elles ont a voir avec les nécessités de faire connaître l’état de l’école a tous les intervenants pour améliorer son fonctionnement.

Ce type de comportement bien peu laïque semble caractériser toutes les questions qui se rapportent à l’école.

Un rapport peut être d’abord politique donc

A certains égards il semble d’ailleurs que la vocation du rapport soit plus d’établir des rapports de force entre tendances de gauche et de régler des comptes internes que de se soucier de ce qu’il faudrait faire.

Le rapport fut réalisé par des intervenants variés, et donc objectif, nous dit on. Variété toute relative ! Un des articles qui le défend contre le soupçon de « le Penisation » précise que 7 des 10 contributeurs seraient passés par des cabinets ministériels de gauche.

Sa mise en ligne, préalable à sa publication, a été décidée, après de longs débats internes entre sous tendances politiques de gauche, par la ligue de l’enseignement.

La décision finale, reflète d’abord un rapport de force politique à gauche.

En gros entre les « très laïques de la gauche de gouvernement », « laïques traditionalistes » pourrait on dire, et les « ultra laïques » de la gauche de contestation prêts a utiliser même l’islam dans la contestation de la société occidentale, chrétienne, et capitaliste. Le rapport règle ainsi quelques comptes internes. Page 310, avec « certains choix idéologiques de sociologues et travailleurs sociaux sur les beautés de l’ethnicisation », p329 certains chefs d’établissements qui prévoient de ne pas appliquer la loi, certains enseignants qui encouragent les filles a se voiler au nom de la liberté d’expression, et bien sur le vieux débat autour de l’enseignement des langues d’origine.

Il reflète bien la violence des discussions entre profs.

Organisation des emplois du temps et des classes en fonction des sentiments anti et pro foulard des enseignants...Conflit entre personnels lorsque le problème des élèves est réglé (p 332)

Bref, on devine le conflit entre PS bon teint, néo franc-maçon, alter mondialisto trotskisto écolo et pro-palestino-progressistes.

De l’école, il n’est finalement que peu question de façon directe

Il est pourtant permis de penser que vrai problème de l’école ne réside pas dans les 5 filles par an qui ont été exclues pour avoir voulu porter un voile ni même dans les divergences d’interprétation du phénomène entre collègues.

Un enfant sur trois sortirait sans qualification permettant l’accès à l’emploi. Certains parfois sans savoir réellement lire et écrire. Le tout, a budget réel par enfant en monnaie constante multiplié par deux en trente ans.

Une autre raison, non dite, aurait pu prévaloir pour justifier la non publication : Ce rapport met en évidence les disfonctionnements du système plus qu’une offensive de religions contre l’école. Il ne semble pas que les inspecteurs chargés de l’étude l’aient constaté. Il est difficile de juger si il est courageux ou inconscient..


Entre les lignes,le rapport parle bel et bien de l’école.Un système fermé qui connaît d’abord de gravissimes difficultés d’organisation interne

 

« Les établissements qui s’en sortent sont ceux ou il existe un chef charismatique.... » Nous dit il. N’importe quel consultant en organisation saura reconnaître cette situation. Quand tout dépend de l’équation personnelle d’un intervenant on a affaire à une absence d’organisation

 

Les profs se disent complètement isolés. Pas d’aide de la direction, de l’inspection...C’est a peine si ils osent parler de leurs problèmes, entre eux, sans parler des tiers, « notamment pour ne pas contribuer à dévaloriser leur établissement ».

La classe lieu d’isolement pédagogique (p 347) Impréparation des enseignants, absence de soutien, ignorance de l’encadrement p (348)

Les « jeunes professeurs » y sont nombreux (p. 353), « mal préparés à affronter ces situations, laissés sans directives ni soutien » (p. 362)

Les chefs d’établissements, recteurs, inspecteurs d’académie sont « mal » ou « très inégalement informés » de ce qui se passe dans les classes, absence totale de l’inspection. (p. 363)

 

Si tous cela est vrai, et rien ne permet d’en douter, on conçoit mal que cela ne concerne que la question religieuse. On voit mal des enseignants chefs d’établissement et inspecteurs qui dialogueraient intensément, travailleraient en équipe, échangeraient dans le domaine pédagogique c’est-à-dire sur l’essentiel de ce que devraient être leurs préoccupations professionnelles et qui tout d’un coup auraient un blocage sur le seul Islam. On conçoit mal également que cet état de fait ne caractérise que les établissements ghettoisés sauf à croire que l’institution elle-même contribue à la formation des ghettos.

 

 

Ce que ne dit pas le rapport explicitement mais qui est transparent, c’est que l’absence d’organisation, la fermeture et l’isolement ne sont pas les fruits d’un hasard, c’est une « culture d’entreprise ».

 

Pas de pouvoirs, pas de sanctions, pas d’évaluation. Les inspecteurs donnent presque toujours la note maximale. Pas de hiérarchie autre que fantasmée. On dit encore « Monsieur le directeur », avec un respect quasi scolaire, mais son seul outil de management hors « charisme » est de donner de mauvais horaires ou de mauvaises classes si tant est que l’impétrant n’est pas syndicaliste. Uniquement des sanctions ! Motivant !

 

La peur de l’extérieur est récurrente, peur des vagues, peur d’une mauvaise réputation, peur d’une médiatisation, peur des parents, des grands frères etc....

 

Le titre même de l’ouvrage est doublement révélateur. Obscurantisme  ! Il qualifie l’interlocuteur comme un adversaire, comme une forme de la bêtise voir du mal hostile aux lumières. Il défini aussi le système comme une forteresse assiégée....Le dialogue ne va pas être facile....

 

Ce que montre le rapport, c’est que notre école est dans une large mesure un monde assez homogène, fermé sur l’extérieur et qui fonctionne d’abord pour ses collaborateurs. Sur le mode de chacun chez soi dans sa classe pour le meilleur et pour le pire.

 

Cela corrobore d’ailleurs ce que nous savons tous.

Les parents sont exclus de toute décision au motif qu’on ne donne pas de conseil à son garagiste. Les instances participatives sont vidées de tous contenu. Les conseils de classe se déroulent en deux parties. Une entre prof ou on décide et discute vraiment. Une avec les délégués, grande messe où on entérine.

 

Du reste ce qui est absolument frappant, dans le texte, c’est l’absence des « clients ».des usagers, élèves et parents. Quels reproches font ils éventuellement, pourquoi se comportent ils ainsi. Qu’attendraient ils de l’école  ? Ils l’attaquent, mais pourquoi ? Que pensent leurs familles

 

On a le sentiment que pour les personnels, la société, c’est l’inconnu, l’étranger, hostile a priori.

 

Pourquoi ? Un élément de réponse avait été évoqué lors de la sortie du film « l’être et l’avoir ». Sous la mythique troisième république des hussards noirs, les instits venaient du milieu auquel ils étaient appelés à enseigner. Ils en comprenaient donc les spécificités et les respectaient. Un Instit pouvait être laïque en venant d’une famille rurale catholique. Il se battait pour la laïcité mais savait réellement ce qu’était le catholicisme. Elite de classes populaires, il était en prise directe avec les réalités de ses élèves.

 

En caricaturant a peine, on peut dire que nos enseignants sont désormais massivement rejetons d’enseignants, mariés avec des enseignants. Ils vivent toute leur vie en vase clôt sans jamais sortir de l’école.

 

Les impératifs internes deviennent donc logiquement prioritaires par rapport aux buts ultimes théoriques de l’organisation, former les enfants.

 

Les symptômes sont connus et décrits. Plus le prof est bon, moins il a de chance d’aller la ou on aurait le plus besoin de lui, c’est-à-dire dans les zones a problèmes.

La moyenne d’ancienneté des professeurs est inférieure à 3 ans dans des collèges particulièrement difficiles (p. 319),

On voit des élèves orientés vers des filières sans issues pour préserver l’emploi. Il n’y a pas si longtemps, on envoyait des élèves en typographie à l’heure du traitement de texte...

La lourdeur des programmes et des horaires notamment dans le secondaire laisse pensif. A quand les 35 heures pour les élèves de terminale ? Ah non, on ne va pas sacrifier des disciplines des matières, des postes... nous disent des profs qui ne font pas eux même ces heures mais sont massivement favorables aux 35 heures, pour les autres salariés, et pédagogiquement a plus de 35 heures encore pour les élèves.

 

 

Cette prédominance des intérêts des intervenants sur le but de l’organisation a les conséquences que l’on sait.

 

Un autre rapport interne qui lui ne sera sans doute pas publié du tout, montre que les profs de la région parisienne échappent massivement à la carte scolaire par dérogation et recours au privé (40%). Compte tenu qu’il existe de bons établissements, on peut dire que l’essentiel de ceux qui seraient au risque de la mixité sociale y échappent.

 

Un troisième rapport reconnaît que le niveau général de l’établissement est absolument déterminant pour l’avenir scolaire des enfants quel que soit leur niveau personnel. C’est donc a juste titre que les parents informés (notamment enseignants) font tout pour fuir les établissements de « mixité sociale ».

 

Le texte d’Obin ne se prononce pas explicitement sur cette question centrale. Entre les lignes, il loue les proviseurs qui résistent à la pression pour des dérogations à la carte scolaire (p320) Mais il est prêt à remodeler la dite carte pour forcer les enfants des autres a payer le prix de la mixité (p 367).

 

Fait ce que je dis ! Pas ce que je fais... !

 

Ainsi donc, en tendance, il disent une chose, en pensent une autre et en font une troisième pour les enfants des autres et une quatrième pour les leurs.

Cette espèce de schizophrénie semble être un phénomène général. Il existe des enseignants de tous bord. Tous les comportements sont possibles. Mais les tendances lourdes de l’institution sont nettes.

 

Même si il s’agit d’un effet pervers, d’une logique de système plus que d’une volonté délibérée le premier constat du rapport, c’est la ghettoïsation des pauvres au sens large sur tout le territoire bourg ruraux et petites villes comme banlieues et grandes agglomérations. (p301). On conçoit qu’il soit assez facile de concentrer des populations d’origine immigrée en Seine Saint Denis, mais parvenir au même résultat dans un bourg rural nécessite vraisemblablement un minimum d’efforts même inconscients, de tous les intervenant et en particulier de l’institution.

 

Constat courageux, notre école exclu très efficacement les pauvres. Au prix de trois ans chez eux, on peut faire une carrière tranquille !

 

Mais même si c’est peut être en passe de devenir une hérédité, le métier est le plus souvent aussi une vocation. Les enseignants, souvent, au moins au début, croient en leur mission.

 

Les réalités décrites par le rapport, celle d’un échec assez général en ce qui concerne ceux qui en aurait le plus besoin doit entraîner de fortes frustrations.

 

Une contradiction avec soi même permanente. Ils voudraient sans doute que le système change mais ne sont guère prêt à changer eux même. Découragés, démotivés, ils doivent sans doute subir un certain ennui aussi. Car ils ont beaucoup de temps libre. Ils doivent sans doute aussi être en recherche de bouc émissaires : société, capitalisme, religion...

 

Ne parvenant pas à donner leur chance à tous les enfants et notamment les plus défavorisés, les enseignants recyclent leur générosité frustrée et inemployée dans la défense de « grandes causes » (voire le point trois d’Odette Coulon) et d’interminables controverses entre eux sur les tenants et aboutissants.

 

C’est sans doute une des raisons pour lesquelles l’école constitue un système très peu laïque et même assez « religieux » au niveau des enseignants.

 

Dans les tentatives des profs pour réagir aux empiétement des « religions traditionnelles » on découvre plus d’anticléricalisme primaire que de laïcité réelle et souvent une inculture inquiétante.

L’inculture obscurantiste est signalée par les inspecteurs.

Tel veut faire supprimer le sapin de noël trop chrétien... ! (Au point ou on en est, il n’est peut être pas inutile de rappeler que le sapin est une tradition païenne) Tel autre refuse d’apprendre à ses élèves Au clair de la Lune (pour l’amour de Dieu... !) Certains recyclent halloween assortie de la lecture d’Harry Potter, fête commerciale américaine et également païenne, en forme de protestation contre l’omniprésence des fêtes catholiques....Squelettes sorciers et potirons au secours de la raison raisonnante !

 

Le parallèle en termes de maturité et de culture avec le refus de certains élèves « musulmans » d’utiliser le signe + dans les additions parce que c’est une croix est troublant... ! Pas-de-sa-pin-de-no-el-le na-na-ne-re  !

 

Gageons que c’est par ignorance de la signification du croissant boulanger (préparé pour se moquer de l’islam pendant le siège de Vienne par les turcs) que les alter-pro-musulmans n’ont pas encore exigé sont interdiction...

 

Mais les commentaires des inspecteurs évoquent l’hôpital se moquant de la charité ! On peut leur pardonner de découvrir les protestants ravinistes qui existent depuis le 19eme siècle en France mais constituent une communauté microscopique, mais il est plus étonnant de les voir confondre des évangéliques (seconde religion de France) et des évangélistes ( Mathieu Luc Marc Jean.... !) a moins que ce ne soit une faute de frappe de relecture ou d’orthographe.

 

 

L’agressivité anti-religieuse d’une partie du corps enseignant est signalée au passage mais sans approfondissement.

 

On découvre dans le rapport qu’il y a peu de problèmes avec les enfants dans le primaire, mais pas mal avec les profs qui au nom de leur convictions vont chercher des poux dans la tête des parents ! (p317). Il s’agit de savoir si on peut interdire aux mères de venir chercher leurs enfants en foulard ! Réflexion approfondie également pour savoir si des parents accompagnant une sortie peuvent être « enfoularé ».Comme souvent le principal problème est d’avoir assez de parents et qu’en principe, une femme en burqua ne peut pas sortir sans un homme, on se demande si tous cela n’a pas un caractère assez théorique visant surtout a marquer son territoire autant qu’a animer les réunions syndicales. Ce d’autant plus que le fait que des fonctionnaires ayant autorité aient pu massivement défiler à la tête de leurs élèves mineurs pour contester la légitimité d’un choix démocratique et citoyen en 2001 ne semble avoir choqué que peu de laïques..

 

On en vient à se demander si les provocations d’élèves dans le secondaire ne trouveraient pas partiellement leur source dans les comportements d’enseignants dans le primaire.

 

 

L’absence de laïcité politique des profs est massive tout niveaux confondus.

 

La laïcité, en principe, s’applique aussi à la politique. A quand un rapport Obin sur les transgressions des enseignants en la matière ? Et cela ne concerne pas uniquement le choix des rapports publiés mais aussi la vie quotidienne des élèves.

 

Michèle Tribalat soulève dans l’ouvrage, la question de la laïcité des personnels : par exemple, l’antiaméricanisme latent des programme et des enseignants : sujet du brevet 2005 Comment la puissance américaine a elle été contestée le 11 septembre 2001.

Ma fille en maternelle moyenne section a eu droit a un cours sur « le méchant Le Pen a pris injustement la place du gentil Jospin ». Et ce phénomène la, ne touche pas que « certains établissements dans les quartiers en voie de ghettoïsation ».

 

Rares sont ceux de nos enfants qui ne savent pas que leurs instits. sont majoritairement bio écolos équitables citoyens et anticapitalistes. C’est bien sur leur droit, mais nos enfants ne l’ont pas découvert tous seuls.

 

En tendance, beaucoup d’enseignants, sans doute en toute bonne foi, attaquent assez violemment tous ce qui est différent de leur vision du monde et enseignent aux enfants qui leur sont confié leur vérité -leur catéchisme-  ! Les exemples précédant montrent qu’il est assez confus intellectuellement même si il est assez clair politiquement.

 

 

Il est aussi très « religieux »comme le montre le rapport lui-même.

 

Cité par Jean Baubérot, notre spécialiste national es laïcité, les mesures proposées ne consistent pas a envoyer les profs de qualité dans les banlieues par exemple, elles visent à « régénérer chez ces jeunes le sentiment d’une appartenance à un ensemble politique capable de transcender leurs autres appartenances » (p. 366). L’emploi de 2 termes très religieux (« régénérer » et « transcender ») est-il conscient ?

Les IUFM devraient mettre Marcel Gaucher au programme, qui montre que la laïcité traditionnelle était, tout compte fait une religion et qu’elle souffre aujourd’hui surtout de sa sécularisation. Le prurit transcendantale de l’éducation nationale serait il le denier feu d’un intégrisme laïque peau de chagrin comparable au Latin des lefbevristes ?

 

 

A nouveau, on est surpris par les parallélismes des comportements de certains enseignants et des « islamistes ».

 

Une autre remarque particulièrement savoureuse du même Bauberot.

 

« Ben Laden comme « figure emblématique d’un Islam conquérant, assurant la revanche symbolique des laissés-pour-compte du développement » (p. 345). Ben Laden = nouveau Staline : s’il avait été jusque là, le Rapport aurait du se poser d’épineuses questions : une partie du corps enseignant a été plus ou moins stalinienne, et la France n’en est pas morte ! »

 

De fait, si on remplace occident et juifs par capitalisme ultralibéral mondialisé dans le discours des extrémistes islamistes, on retrouve a peu de chose prêt celui d’une bonne partie du corps enseignant. (On peut en trouver des extraits dans la nouvelle Judéo phobie de Taguieff par exemple). On retrouve a nouveau l’étrange parallélisme entre sapins de noël et signe plus....

 

Le rapport confirme d’ailleurs que les « barbus » sont des «  diplômés du Maghreb mais aussi de France ». On ne peut s’empêcher de penser aux thèses d’Emmanuel Todd montrant que les extrémismes sont toujours portés par des jeunes diplômés de la classe moyenne insatisfaits de leur statut social.

 

Notre école ne fait peut être pas tant face a de « l’obscurantisme religieux » qu’a une classe moyenne issue de l’immigration pour laquelle notre société n’a pas tenu ses promesses et qui se venge avec les moyens qu’elle a appris a l’école, sur l’école.

 

D’ou sans doute l’impasse signalée dans le rapport, dans laquelle se fourvoient les enseignants qui se battent pieds a pieds un coran bilingue a la main...

D’où aussi, le sentiment que la question n’est au fond pas principalement religieuse. Les enseignants la voient peut être ainsi parce que cela les arrange.

 

Enfin, cité également par Bauberot, parlant de Mona Ozouf la tentation latente et inquiétante de pureté du système. Exclure ! « Depuis Sieyès, est une tentation du républicanisme français : unir mais en excluant l’élément impur ou gênant ».

Dans le rapport et dans les commentaires, beaucoup de remarques portent sur le fait qu’il y a moins de difficultés avec les cathos et les juifs parce qu’ils ont leurs écoles......

Le regret que les musulmans n’aient pas leurs écoles est transparent dans de nombreux commentaires du rapport.

En 25 ans, il semble que l’on soit passé d’une adhésion majoritaire au concept de « grand service publique laïque unifié obligatoire » façon 1981 a une croissance du nombre de ceux qui sont prêt a abandonner ceux qui seraient par trop différents.

 

« Puisque nous ne parvenons plus a leur imposer nos discours, que la vie serait plus simple sans les éléments perturbateurs, c’est-à-dire ceux qui ne nous écoutent pas... »

 

Car à travers ce « combat laïque » c’est en effet la remise en cause du statut et du rôle des enseignants et de leur prétention à vivre en circuit fermé et à enseigner la vie aux autres qui se joue.

 

Il est un fait que « on ne les écoute plus » mais de trois façons différentes :

Les enfants de milieux qui ne pensent pas comme la majorité des enseignants se divisent en trois catégories.

 

Les familles « résistantes » et « réfugiées ».

 

Les résistants, car notre école n’est pas laïque.Si certains catho ou juifs ou autres vont dans le privé, c’est aussi parce qu’on enseigne à leurs enfants des valeurs non pas différentes des leurs, mais, en pratique, hostiles aux leurs.

 

Les réfugiés, car, pire, notre école ne défend pas ce qui reste de laïcité.

 

Si un corps constitué de 1 300 000 adultes fonctionnaires de l’éducation nationale n’arrive pas a imposer la présence normale d’enfants de familles juives a 1000 militants islamistes, même relayés par quelques milliers d’enfants, on peut se demander si il s’y efforce réellement. L’exclusion de fait d’enfants juifs ou réputés tels, constatée dans certains établissements par le rapport parait pour le coup beaucoup plus grave que le port de voiles. Ce d’autant plus que les enseignants ont parfaitement réussi a évité par exemple, une présence du front national réel ou symbolique dans les écoles. Celui-ci aussi, conteste les programmes et manuels qu’il juge orientés. Cela ne pose manifestement aucun problème a l’EN alors qu’il s’agit de 15% de l’électorat et non de 1000 illuminés.

 

On ne peut s’empêcher de se demander si la lutte contre l’antisémitisme fait l’objet du même unanimisme au sein de la communauté enseignante que la lutte contre « l’extrême droite ».

 

 

Les familles « adaptées ».

 

Elles savent qu’une certaine hypocrisie est nécessaire avec leurs profs. Notre système n’est pas tant éducatif que sélectif. Il faut, avoir le diplôme, primordial dans une société française marquée par son école. Donc il faut donner au prof la réponse qu’il attend.

Or, le public est moins cher et, dans les bons établissements, de bonne qualité, donc tant que l’on peut passer entre les gouttes....

 

Mais cette absence d’adhésion profonde à leur credo, les enseignants la pressente et en souffrent.

 

Ce souhait croissant des parents de « s’immiscer » dans l’avenir de leurs enfants est d’ailleurs vraisemblablement ce dont parlent les enseignants quand ils évoquent une intolérable et inéluctable « marchandisation  » de l’éducation nationale (Jospin, Gaucher)

 

Car, vraiment, le niveau a monté. Désormais, les parents qui se jugent moins compétents que les enseignants pour décider de l’avenir de leurs enfants sont de moins en moins nombreux, a part, peut-être, chez les immigrés. Il restait donc un espoir....

 

 

Et c’est la troisième catégorie de famille, « les pauvres »

 

L’enfant de milieux défavorisés, et notamment migrants souvent de troisième génération, sait désormais aussi que le système n’est pas fait pour lui et qu’il a peu de chance de passer a travers. Il comprend bien le mépris sous-jacent des enseignants pour sa culture d’origine (obscurantisme !)Il sent bien que pour ses profs, ses parents sont essentiellement des « bacs moins 5 » et que ceux-ci auront du mal a le défendre contre l’institution

 

. Pourquoi le voile serait il plus déplacé que le nombril apparent sur mini-jupe qui par ailleurs est beaucoup plus perturbant pour le déroulement des cours. Demandez à n’importe quel adolescent mâle et pas seulement originaire d’un pays musulman.

Il sait peut être que ma génération a connu les cours de gym séparés garçon/fille voir l’absence de mixité totale. On les lui présente désormais comme contredisant un principe intangible de la république quand ce n’est qu’une mode pédagogique. Certains pédagogues se demandent en effet si la séparation n’est pas plus facile à vivre à l’adolescence et plus favorable en tous cas à la concentration scolaire notamment des garçons.

 

Le petit Kabyle qui s’est vu imposer des cours d’arabe littéraire au nom du multiculturalisme de ses profs au lieu d’avoir du rattrapage en français voit bien que les enfants de ceux-ci ne sont pas dans son établissement.

Il a vu en primaire, son instituteur faire des remarques à sa mère sur son foulard en toute illégalité.

Il voit bien qu’on veut lui enseigner un catéchisme qui n’est pas mis en pratique par les enseignants. Egalité, mixité sociale disent ils.....Pour les autres.....

 

Il sait enfin qu’il n’a, lui, pas grand-chose à perdre.

 

Il est suffisamment bien intégré a la culture française pour savoir ce qui fait mal aux profs et la ou ils sont fragiles. Pour quelques vrais fanatiques religieux, il doit y avoir une masse d’enfants qui se vengent d’un système qui s’offre leur physionomie.

 

Car leur contestation constitue un comportement assez largement français et moderne et non importé et obscurantiste. On ne verra pas dans des pays arabes, des femmes, même encadrées de barbus, défilant dans la rue ou a la télé, en exigeant le libre choix de porter le voile, des élèves mettant en cause le contenu de l’enseignement.

 

Il n’y a pas de raisons objectives à ce qu’un Kabyle, familier avec la culture et la langue françaises depuis plusieurs générations soit plus difficile à intégrer qu’un polonais il y a 80 ans.

 

Le facteur religieux n’en est sans doute pas un, n’en déplaise à De Villiers. Les études de Bruno Etienne ont montré que les taux de pratique des maghrébins sont équivalents voir inférieurs a ceux des catholiques français et en tous cas moindre que ceux des catholiques Polonais il y a 80 ans.

 

D’où une hypothèse, c’est l’école qui a changée. Elle parvient peut être moins que par le passé à prendre en compte des enfants différents de son idéal type.

 

En focalisant ses angoisses sur un modèle culturel porté par les plus pauvres, les plus fragiles, l’éducation nationale révèle aussi ses faiblesses. La perte de ses dernières illusions. Même ceux-la, peu armés culturellement, résistent.

 

La preuve que la religion voir l’immigration ne sont sans doute que des prétexte est finalement donnée par l’étude de Libération sur le front national (Étude libération cevipof SOFRES de 97) 67% de ceux que l’étude défini comme gaucho-frontistes, très « populaires » très opposés aux privatisations, sont également favorables a l’école privée et c’est ce qui constitue leur choix politique le plus marqué...La contestation de l’école publique par les pauvres ! Car dans les fameux « ghettos des bourgs ruraux », il n’y a pas que des étrangers.

 

L’enthousiasme des professeurs engagés pour les enfants de «  sans-papiers » (réseau éducation sans frontière) autour desquelles toutes les tendances semblent se réconcilier, apporte une confirmation supplémentaire. Certainement beaucoup plus proches de leurs racines culturelles notamment pour ceux qui viennent de pays musulmans, ils ne sont pas encore à même d’avoir le recul nécessaire pour juger notre système scolaire, et les armes culturelles pour le contester. Ils constituent donc une population utilisable a merci puisqu’ entièrement dépendante, pour réaliser les phantasmes émancipateurs et illuministes du corps enseignant.

 

Il est particulièrement savoureux qu’on nous explique que des enfants afghans, présents depuis 6 mois dans notre école sont déjà presque français mais que les beurettes de troisième génération ont un problème d’intégration....

 

Le rapport Obin confirme le vote « gaucho-frontiste ». Même et peut être surtout les pauvres ne font plus confiance à notre école et à ses principes politiques pour les « émanciper ». Mais dans le cas de l’islam contrairement a ce qui concerne le front il n’y a pas de consensus interne du milieu enseignant : faut il exclure, accepter la contestation des principes internes, les changer, les imposer, au besoin par la loi ? Il y a donc « débat ».

 

Alors ? Les fillettes voilées victimes d’enseignants qui ont transformé l’école en champs clôt de luttes politiques intestines destinées a combler le vide crée par leurs désillusions politiques et personnelles et professionnelles ?

 

 

Le rapport Obin appelle les conclusions suivantes par ordre d’importance croissant

 

Il serait urgent de faire un rapport « choc » sur la laïcité des enseignants, en particulier politique car leur crédibilité dans la dénonciation des excès religieux éventuels est liée a leur respect de la dite laïcité. Faute de quoi, il s’exposerons toujours a des discours de type cours de récré comme «  c’est celui qui le dit qu’y l’est » ou « c’est toi qui a commencé », mais plus vraisemblablement encore a un développement du privé.

La politisation des enseignants, des cours des programmes et des manuels est incomparablement plus importante que sa contestation par des musulmans ou autres

Un de ses effets pervers et de concentrer le débat sur les angoisses des profs plus que sur les problèmes de l’école.

 

Ils ont réussi à imposer un débat et une loi sur un problème finalement mineur, 1200 filles voilées. C’est un problème de prof. La question des 38 000 enfants handicapés exclus de fait de l’école faute d’adaptation, reste dans les tiroirs, c’est un problème d’enfants et de parents. Et ce n’est qu’un exemple.

 

Un travail de fond sur l’organisation de l’EN est indispensable.

 

La gestion de carrière des enseignants est un moyen et pas une fin ou en tous cas pas LA fin prioritaire de l’école. L’égalitarisme de façade, nuancée dans les faits par une féroce hiérarchie des diplômes n’est plus acceptable. Oui il faut envoyer les meilleurs la ou c’est le plus difficile quitte a les payer beaucoup plus même si les syndicats sont contre.

 

L’école ne peu plus continuer à être gérée en fonction d’un présupposé, « foutez la paix » aux profs et laissez les faire ce qu’ils veulent sous prétexte d’une autonomie qui se traduit sans doute surtout par une grande solitude. Le travail d’équipe et la communication interne, cela s’apprend. Et c’est facile ! Le seul passage de l’équipe de rédaction a permis dans certains établissements de découvrir les problèmes « d’ouvrir la parole » etc...Les signes d’appartenance religieuse sont d’ailleurs un excellent prétexte. Si ils apprennent a se parler de voile, peut être se parleront ils de pédagogie, d’enfants, d’école. Si en cette occasion, le rôle du chef d’établissement est reconnu, peut être lui donnera-t-on des outils de mangement.

 

Surtout, il faut ouvrir l’école au monde extérieur.

 

 

La résurgence d’une agressivité laïque dans une société sécularisée comme jamais auparavant, toutes religions confondues et Islam compris, cache leur malaise plus général sur le sens de leurs engagements, l’efficacité de leur action, leurs frustrations ...

 

Redonner une vocation a l’EN est une nécessité. Faute de quoi, le malaise des profs ira en embellissant au détriment de notre école. Ils sont au bord de ressusciter une guerre scolaire, pour qu’on les écoute. Si on ne le fait pas, ils pourront faire pire comme en témoigne la montée des votes trotskistes en milieux enseignant.

 

A travers les lignes du rapport Obin, on devine une profonde insatisfaction. Sous prétexte d’islam, les profs parviennent, enfin, à nous parler de leurs malaises et de leurs disfonctionnements.

 

Ce constat ouvre, peut être une porte a leur possible re-mobilisation en faveur de ce qui est la vraie vocation de l’école républicaine, non pas changer la société a l’ image des profs, mais donner une vrai chance dans la vie a tous les enfants.

Le rapport montre que certains établissements ont surmonté les problèmes. Ce sur quoi il n’insiste pas assez mais que l’on sent, c’est qu’ils avaient certes un proviseur charismatique, une équipe soudée, mais surtout qu’ils se sont ouverts sur l’extérieur, et tous ces éléments sont sans doute liés.

 

Courageux, le rapport Obin reconnaît les difficultés de l’éducation nationale. Peux lucide, il ne comprend pas que les origines en sont au moins autant internes qu’externes.

 

Il y a dans le dictionnaire, deux définitions de l’obscurantisme  :

 

1) Attitude, doctrine, système politique ou religieux visant à s’opposer à la diffusion, notamment dans les classes populaires, des lumières, des connaissances scientifiques, de l’instruction, du progrès. C’est l’acception des profs quand ils nous parlent d’obscurantisme.

 


2) Refus d’adopter un comportement libéral, ouvert, tolérant, dans un domaine particulier. C’est de plus en plus le jugement que les parents portent sur l’école.

 


Ce qu’illustre le rapport Obin, ce n’est pas l’école face a l’obscurantisme religieux mais bien le face a face de deux définitions de l’obscurantisme au détriment de notre école.

 


Pour sauver nos enseignants et notre école de l’obscurantisme scolaire où ils se sont enfermés, il faut les ouvrir au grand vent de la société, aux parents, aux entreprises et, pourquoi pas, aux religions.

 

La publication du rapport montre que certains d’entre eux commencent, peut être, à y être prêts.


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