Le « risque pénal associé » d’Edouard Philippe

par Marcel MONIN
jeudi 12 novembre 2020

Le « risque pénal associé » d’Edouard Philippe. (*)

 

Que l’ancien Premier Ministre profite de son audition par les députés pour ( qui sait ?) préparer ou tester une éventuelle plaidoirie … rien de plus humain.

Sur le fond, ses propos sont-ils « recevables » au regard des principes de fonctionnement de l’Etat ?

Sans doute pas ! Assurément pas !

La démocratie ne peut pas fonctionner, les libertés ne peuvent pas être garanties, si ceux qui ont un pouvoir de décision, peuvent matériellement en abuser. Libertés et démocratie qui sont en danger s’il n’existe pas un système de contrôle et de sanction. Et si ce système de contrôle et de sanction ne fonctionne pas dans les faits. Ce qui est souvent le cas du contrôle politique.

Evidemment, ceux qui, à une époque donnée, jouissent en fait ou en droit d’une latitude d’action non contrôlée ne manquent pas de trouver des arguments pour essayer de continuer à en profiter ou pour se justifier. Surtout au moment où des comptes leur sont demandés ou risquent de l’être.

 

Quant au fond …

 

Lorsqu’un fonctionnaire a fait ce qu’il n’aurait pas du faire il engage sa « responsabilité » (1)  :

1/ sa responsabilité disciplinaire, auquel cas il peut se faire infliger une sanction allant jusqu’à la révocation ;

2/ sa responsabilité pénale, si ce qu’il a fait tombe dans le champ de ce que la société interdit et punit ;

3/ sa responsabilité pécuniaire si ce qu’il a fait sur le lieu et pendant le temps de son service peut être considérée comme une « faute personnelle » « détachable » (2) . Ce qui l’obligera à vider son porte monnaie.

Eh bien ! … le fait que les fonctionnaires risquent quelque chose ( 3) s’ils se comportent comme des délinquants ou des abrutis, n’a ni détruit la fonction publique, ni tari les vocations. 

Le fait qu’on ne supporte plus qu’un médecin soit ignorant, corrompu, ou incapable, (2) n’a pas augmenté la mortalité.

Il est rassurant que les citoyens se rendent compte que certains députés, au lieu de faire leur travail de représentants des citoyens, et de contrôleurs du pouvoir exécutif, ne représentent pas et protègent ceux qui ont une place au gouvernement.

Que des juges organisent des perquisitions à la même heure matinale, quelle que soit la place dans la cordée de celui qui en fait l’objet, montre que les juges commencent à porter des montres qui donnent la même heure.

Que ces mêmes juges osent juger qu’un délit est un délit, qu’un crime est un crime, que le délinquant soit ne soit « rien » ou qu’il se croie tout, n’instaure pas un « gouvernement des juges » (4) .

 

En guise de conclusion de ces premières remarques, on pourrait poser (comme c’est d’usage), une question :

Qu’est-ce que les politiques diraient si le « risque pénal associé » d’Edouard Philippe était plus grand et plus réel ?

Parce qu’ils feraient en sorte, par la rigueur et le dévouement (5) de ne pas y être exposés.

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités.

 

(*) 21/10/2020 ; commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire.

(1) qui consiste à être obligé d’assumer les conséquences de ce qu’on a fait .

(2) il a été jugé que constituaient (entre autres) de telles fautes, celles qui révélaient « un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ». Et évidemment, c’est le juge qui apprécie ( c’est son rôle ) si tel comportement peut être qualifié de manquement volontaire et inexcusable. Lesquels juges sont amenés ce faisant à ne pas faire toujours plaisir. Ce qui les fait alors regarder, quand une personnalité politique est en cause, soit comme « indépendants » soit comme « politisés ». 

(3) variable selon les corps et le grade …

(4) Le "gouvernent des juges ", ça a une réalité, mais c’est autre chose.

Par ailleurs, comme dans toute institution, le jeu personnel des individus peut avoir des effets pervers. Mais c’est également une autre question. A ce sujet, des avocats remarquent que certaines formations de jugement ayant une certaine jurisprudence, il leur faut attendre l’appel pour bénéficier d’une application de la loi moins surprenante. Là encore, est vérifiée la nécessitée d’avoir un système (ici l’appel, puis pour certaines questions, la cassation) de contrôle.

(5) comme les agents publics, spécialement au cours la période faisant l’objet des investigations de la commission parlementaire, parmi lesquels certains, ont, en plus, exposé leur vie pour sauver celle des autres.

 


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