Le sens du retrait des USA de l’Accord nucléaire iranien ? Un tournant dans une possible nucléarisation du Moyen-Orient

par Hamed
vendredi 11 mai 2018

  Le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien est effectif depuis hier. « J'annonce aujourd'hui que les Etats-Unis vont se retirer de l'accord nucléaire iranien », a déclaré le président américain Donald Trump dans une allocution télévisée depuis la Maison Blanche, faisant craindre une montée des tensions au Moyen Orient. « Tout pays qui aidera l'Iran dans sa quête d'armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis », a encore mis en garde le président. (1) Il annonce qu’il veut travailler à un nouvel accord, qui serait selon lui plus efficace, pour empêcher l'Iran d'obtenir l'arme nucléaire.

Côté européen, « la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine de sortir de l’accord nucléaire iranien  », a déclaré sur Twitter le président français Emmanuel Macron. Ce dernier a ajouté que ces pays travailleraient « collectivement » à un accord plus large couvrant « l’activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Yémen et en Irak ». « Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu  », a-t-il ajouté. (1)

Il est évident que cette annonce va avoir des répercussions néfastes au Moyen-Orient, pouvant pousser l’Iran à reprendre l'enrichissement sans limites de l'uranium. L’accord nucléaire, faut-il rappeler, a nécessité 13 années d’âpres négociations, et a visé une sécurité contre toute prolifération nucléaire au Moyen-Orient, et ce, malgré qu’Israël dispose d’un statut de puissance nucléaire non-déclarée. Pour que les grandes puissances, en particulier occidentales, aient acceptées, il était exigé des garanties vérifiables de l’Iran telles qu’elle ne pouvait pas tricher. Et elle a donné des garanties sérieuses et contrôlables pour que l’accord fût paraphé par les grandes puissances. Et jusqu’à ce jour, l’AIEA n’a jamais constaté la moindre violation des engagements pris par l’Iran. Alors pourquoi le revirement américain sur l’accord nucléaire avec l’Iran ? Quelles ont été les motifs qui ont poussé à remettre en cause l’accord nucléaire iranien ? Et quelles conséquences va-t-il inférer ce retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien sur le plan régional et mondial ? Cette prospective cherche à déchiffrer les forces de l’histoire et tenter de faire apparaître précisément ce qui est en puissance dans les antagonismes à la fois au plan régional et mondial. Et est-ce qu’il y aura une idée d’apaisement et de progrès ou de guerre dans un proche avenir, à savoir en 2018-2020 ?
 

  1. Chronologie des certifications de l’accord nucléaire iranien par le président américain, Donald Trump

 

 Tout d’abord, il faut rappeler que la chronologie des certifications de l’accord nucléaire iranien par le président américain. Le 13 octobre 2017, l’accord nucléaire iranien a été rejeté pour la première fois par Donald Trump.

 « Dans un discours au ton extraordinairement belliqueux, le président américain a refusé de certifier l’accord « historique » conclu en juillet 2015 à Vienne. Parlant de la « dictature iranienne », Donald Trump a annoncé une nouvelle stratégie très agressive envers l’Iran. L'ancien secrétaire d'Etat John Kerry, qui a négocié l'accord, estime que Donald Trump ouvre une crise internationale. Ils ont tout tenté. Le président français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa May lui ont parlé au téléphone jeudi. Une cohorte d’ambassadeurs européens et des négociateurs de l’administration de Barack Obama ont expliqué en long et en large mercredi au Congrès que l’accord historique de juillet 2015 sur le nucléaire iranien devait impérativement être défendu.

Même au sein de l’administration actuelle, le chef du Pentagone, James Mattis, et d’autres responsables l’ont exhorté à ne pas commettre l’irréparable. Ce vendredi, Donald Trump n’en a pourtant fait qu’à sa tête. Après l’avoir pourtant fait à deux reprises, il a annoncé qu’il ne certifierait plus l’accord conclu entre l’Iran et les six puissances négociatrices (5+1 : Etats-Unis, Chine, Russie, France, Grande-Bretagne et Allemagne). » (2)

En effet, depuis son intronisation, en tant que 45ème président des États-Unis, et bien qui l’ait certifié à deux reprises, Donald Trump, a refusé de certifier, le 13 octobre 2017, l’accord dit « historique » de Vienne entre l’Iran et le groupe de pays P5+1. Une loi américaine qui l’oblige à se prononcer sur l’accord nucléaire auprès des parlementaires tous les 90 jours. Selon lui, les bénéfices tirés par les Iraniens de ce texte de 2015 ne concordent pas avec les engagements à respecter par l’Iran. Pour justifier la non-certification de l’accord, Donald Trump invoque plusieurs violations présumées de l’accord, notamment en matière de production d’eau lourde et d’intimidation des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée de la mise en œuvre de l’accord. Ce qui n’est pas étayé par l’AIEA. Il décrit l’Iran comme une « dictature », un « régime fanatique », et comme l’un des principaux suppôts du terrorisme international. Il a déploré par ailleurs le soutien iranien aux « atrocités commises par le régime de Bachar el-Assad » et laissé entendre que Téhéran coopérait avec la Corée du Nord de Kim Jong-un.

Oubliant que ce sont les États-Unis et leurs alliés qui ont monté depuis les années 1980, la nébuleuse islamiste Al-Qaïda, organisation qui entraîne les moudjahidines avant de les envoyer en Afghanistan, pour combattre les forces soviétiques de l’ex-URSS. Depuis, convertis en djihadistes, ces groupes terroristes déstabilisent les pays arabes réfractaires à l’hégémonie américaine.

 « Aujourd’hui les Etats-Unis sont plus seuls que jamais face à l’accord nucléaire et plus seuls que jamais dans leurs complots contre le peuple iranien », réplique le président iranien Hassan Rohani. De même, le Prix Nobel de la paix 2017, ICAN, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, basée à Genève, a condamné la décision de Trump qui « incite à la prolifération, rend plus difficile la conclusion d’autres accords pour limiter la menace nucléaire et accroît le risque mondial d’utilisation (d’armement) nucléaire.  » (2)

Dans ce dossier, il faut encore relever un des plus concernés, ou plutôt le principal, par le retrait de l’accord nucléaire iranien, c’est Israël. Par la voix de son chef du gouvernement, il n’a pas cessé de critiquer l’accord de Vienne sur le nucléaire ou Plan d’action global conjoint (PAGC) aussi bien à Washington qu’à la tribune des Nations unies à New York. Il est évident que ce ton véhément d’Israël relève de la crainte que l’Iran accède au statut de puissance nucléaire déclarée. Et si cela arrive, c’est tout le statu quo de l’équilibre de puissance au Moyen-Orient qui sera ébranlé au bénéfice de l’Iran. Et Israël ne pourra plus arguer qu’elle est la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, et de surcroît non-déclaré dans le sens qu’elle n’a pas fait des tests nucléaires. Et donc Israël a poursuivi un programme nucléaire sans être inquiété par les puissances occidentales, la seule condition qui lui a été posée est de ne pas procéder à des essais d’explosion nucléaire. Une situation qui crée un déséquilibre stratégique sur le plan régional. Et on comprend sa crainte s’il vient à l’Iran de passer le seuil nucléaire qui lui donnerait le statut de puissance nucléaire déclarée.

Ceci étant, il demeure cependant que deux oppositions vont infirmer la décision du président Donald Trump de retirer les États-Unis de l’accord nucléaire iranien. La première vient de la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Dans un communiqué commun, ils déclarent soutenir pleinement l’accord nucléaire, précisant qu’il relevait de leur « intérêt national ». La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini n'a pas mâché ses mots : « Cet accord n'est pas un accord bilatéral, ce n'est pas un traité international. (...) A ma connaissance, aucun pays au monde ne peut mettre fin seul à une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a été adoptée, et adoptée à l'unanimité. » Et l'Italienne d'ajouter : « Le président des Etats-Unis a beaucoup de pouvoirs, pas celui-là. » (2)

La deuxième opposition est celle du Congrès américain. La loi américaine prévoit qu’en cas de « non-certification », le Congrès américain a 60 jours pour se prononcer, soit à réimposer les sanctions économiques levées en échange des restrictions au programme nucléaire iranien, censées empêcher Téhéran de se doter de l’arme atomique, soit à maintenir l’accord en vigueur.

En effet, deux mois plus tard, le 12 décembre 2018, « le Congrès américain n’a pas réimposé les sanctions contre l’Iran comme il en avait la possibilité après la décision de Donald Trump de mettre en cause l’accord historique sur le programme nucléaire iranien, dont l’avenir reste toutefois incertain. [...] « Les membres du Congrès ont fait preuve de sagesse », a réagi mardi Diplomacy Works. [...] Le président Trump avait prévenu en octobre qu’en cas d’échec à trouver des solutions pour durcir l’accord, il pourrait décider de « mettre fin » à tout moment à la participation des États-Unis. Combien de temps va-t-il accepter de patienter ? Théoriquement, la prochaine échéance de « certification » tombe mi-janvier, mais les services juridiques du Congrès américain sont en train d’analyser la loi pour savoir si Donald Trump devra à nouveau se prononcer à ce moment-là ou pas. » (3)

De nouveau, le 12 janvier 2018, le dossier nucléaire iranien rebondit. Cette fois, le président Donald Trump ne rejette pas l’accord nucléaire comme il l’a fait le 13 octobre 2017, il le certifie mais prévient que c’est la « dernière fois ». France24 donne l’information : « Le président américain a confirmé, vendredi 12 janvier, la levée des sanctions économiques dont bénéficie l'Iran aux termes de l'accord sur le nucléaire de 2015 mais a fixé un ultime délai pour renforcer cet accord.

Le Congrès oblige le président à redire périodiquement s'il certifie que l'Iran applique l'accord de Vienne et à émettre une dispense pour que les sanctions américaines restent suspendues. Donald Trump a émis cette dispense vendredi, mais pour la dernière fois, a-t-on ajouté de même source. Le fait nouveau est qu'il donne donc au Congrès des États-Unis et aux pays européens parties prenantes une date limite pour améliorer les termes d'un accord qu'il juge trop favorable envers Téhéran. » (4)

Et cette date limite, c’est évidemment la prochaine certification du dossier nucléaire iranien dans trois mois, i.e. le 12 mai 2018. Les pays européens, par cet ultimatum, devait durcir plusieurs clauses du texte signé par l’Iran et les grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne). Malgré les exhortations européennes de ne pas rejeter l’accord, le président, passant outre, annonce, le 8 mai 2018, le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.

Aujourd’hui, comme lors du rejet de l’accord nucléaire iranien en octobre 2017, il reste la réponse des pays européens et du Congrès américain. Pour le Congrès américain qui a 60 jours pour se prononcer, il est peu probable que les Républicains qui sont majoritaires dans les deux chambres vont de nouveau infirmer la décision du président. Il n’en va pas de même pour les pays européens, dont la réponse est de l’ordre de quelques semaines de négociation avec l’Iran. Pour cette réponse, le président iranien a répondu qu’il n’entend pas se retirer de l’accord sur le nucléaire. « L'Iran souhaite continuer à respecter l'accord de 2015 sur son programme nucléaire, après l'annonce de la décision de Donald Trump de le dénoncer », a déclaré mardi soir le président iranien, Hassan Rohani.

« Si nous atteignons les objectifs de l'accord en coopération avec les autres parties prenantes de cet accord, il restera en vigueur (...). En sortant de l'accord, l'Amérique a officiellement sabordé son engagement concernant un traité international », a dit le président iranien dans une allocution télévisée. « J'ai donné pour consigne au ministère des Affaires étrangères de négocier avec les pays européens, la Chine et la Russie dans les semaines à venir. Si, au bout de cette courte période, nous concluons que nous pouvons pleinement bénéficier de l'accord avec la coopération de tous les pays, l'accord restera en vigueur  ».

Rohani a ajouté que Téhéran était prêt à reprendre ses activités nucléaires après des consultations avec les autres parties signataires de l'accord. En vertu de ce pacte, conclu entre Téhéran et les pays « P5+1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu plus l'Allemagne), l'Iran a accepté de réduire ses activités nucléaires en échange de la levée progressive de la majeure partie des sanctions internationales qui avaient été imposées à la République islamique, dixit agence de presse internationale Reuters. » (5)

Et là encore, il y a très peu de chance que les pays européens se séparent de la décision américaine de sortie de l’accord nucléaire iranien comme en octobre 2017. Il y a de fortes présomptions qu’ils vont imposer un réaménagement de l’accord, qui ne satisferait pas le gouvernement d’Iran. Comme l’écrit l’agence de presse internationale Reuters. « Paris s’attend à des discussions difficiles sur l’Iran. La France, qui défend l'idée d'un accord plus large sur l'Iran après la décision américaine de se retirer du texte de 2015, s'attend à des discussions difficiles et à des avancées par à-coups dans les prochains mois entre les parties prenantes dans un contexte de regain de tensions dans la région.

« La négociation qui s'ouvre va être longue et complexe », souligne une source diplomatique française. « On est dans un scénario maximal avec une sortie sèche américaine. Ce n'est pas vraiment surprenant compte tenu des déclarations de Donald Trump ces deniers mois mais on aurait évidemment préféré un autre scénario.  » (6) Dès lors, une situation nouvelle va surgir qui changerait entièrement les donnes entre l’Iran et les pays occidentaux.

Nous avons ainsi fait la chronologie des événements qui ont concerné l’accord nucléaire iranien, mais nous n’avons pas parlé pourquoi le président Donald Trump, après qu’il ait certifié par deux fois l’accord nucléaire, a changé d’avis en octobre 2017. Puis, en janvier 2018, il l’avalise, en prévenant que c’est la « dernière fois », et le 8 mai 2018, il annonce le retrait des États-Unis de l’accord. Les questions qui se posent : « Pourquoi le retrait de l’accord en octobre 2017 ? Pourquoi Donald Trump le certifie en janvier 2018 ? Et pourquoi il refuse de le certifier en mai 2018 ? Qu’est-ce qui a pu se passer sur le plan international pour que le président américain Donald Trump refuse par deux fois de certifier l’accord sur le nucléaire iranien ? »
 

  1. Le plan occidental global de déstabilisation du Moyen-Orient. Le grain de sable, la Russie

 

 Tout d’abord, il faut revoir le contexte dans lequel le président Donald Trump a été amené à rejeter l’accord nucléaire iranien. Tous les grands États qui ont participé au PAGC sur le nucléaire iranien sont unanimes à dire que l’accord de juillet 2015 est le résultat de treize ans de négociations, et donc constitue un pas en avant dans leurs efforts de s’assurer que le programme nucléaire iranien n’est pas de nature militaire.

Il faut souligner un point important sur la crise nucléaire iranienne. Si une solution n’avait pas été trouvée en juillet 2015, par l’accord de Vienne, que les sanctions avaient été maintenues contre l’Iran, et l’Irak, la Syrie et Hezbollah qui étaient en guerre et se trouvaient, à l’époque, dans une situation très difficile avec les groupes armés dont Daesh le plus actif, l’Iran qui aurait vu ses principaux alliés s’effondrer n’aurait alors plus qu’un seul recours pour se défendre, qui serait évidemment « Passer le seuil nucléaire ». En effet, l’Iran, isolé, n’aurait pas d’alternative que rechercher l’arme nucléaire et balistique pour se défendre.

D’autant plus que trois mois et demi avant la signature d’accord sur le nucléaire iranien, le 26 mars 2015 l’Arabie Saoudite, à la tête d’une coalition, s’est lancée dans une guerre contre les rebelles houthistes, des chiites originaire du nord du Yémen. Et ces chiites yéménites étaient soutenus par l’Iran. Comme l’annonce l’agence Reuters, les États-Unis venaient en appui à la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite. « Depuis le début de l’engagement saoudien en soutien au gouvernement yéménite en exil à Riyad, en mars 2015, les Etats-Unis ont fourni du renseignement et une aide logistique à Riyad (ciblage, ravitaillement en essence) qu’ils appuient également par d’importantes ventes d’armes. En juin, des conseillers américains chargés de cette coopération sur le sol saoudien ont été rapatriés, et les équipes aidant à la planification de ces missions depuis d’autres bases ont été réduites. » (7)

En clair, affaiblir l’Iran en Irak et en Syrie par Daesh et les groupes rebelles armés, et par une campagne de bombardements des positions houthistes par la coalition saoudienne au Yémen. Il ne manquait alors que le nucléaire iranien qu’il fallait à tout prix arrêter, et c’est là où réside l’intérêt de lier l’Iran par un accord nucléaire. C’est ainsi que les 4 pays occidentaux signataires (États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne) consentent de suspendre les sanctions internationales contre l’engagement de l’Iran de ne pas rechercher l’arme nucléaire. C’est ainsi que le 14 juillet 2015, à Vienne est conclu l’accord entre l’Iran et les six puissances négociatrices (5+1). Il est ensuite validé par le Conseil de sécurité.

On constate là un souci occidental constant à la fois pour neutraliser l’Iran par un accord sur le nucléaire, affaiblir le pouvoir irakien et syrien et le Hezbollah face à Daesh et aux groupes rebelles fortement armés, qui ont pris plusieurs villes et une grande partie des territoires irakien et syrien, et enfin au Yémen, par les bombardements aériens de la coalition, affaiblir les houthistes. Les conséquences seraient très graves pour l’Iran qui se retrouvera isolé et affaibli.

Le plan stratégique global aurait pu fonctionner et arriver aux résultats visés par l’Occident et ses alliés arabes s’il n’y avait pas un grain de sable qui va bouleverser complètement les donnes. La Russie a une base militaire à Tartous en Syrie. Ceci d’une part, et si le plan occidental avait réussi, la Russie perdrait beaucoup sur le plan géostratégique dans cette région. Elle serait tout simplement délogée. Précisément, l’intervention militaire de la Russie en Syrie, le 30 septembre, va bouleverser le cours de la guerre. En deux ans, elle change complètement le rapport de forces. Le pouvoir irakien regagne pratiquement toutes les villes. Le pouvoir syrien, reprenant la plus grande partie du territoire, est désormais en position de force face aux derniers bastions de rebelles qu’il évacue, suite à des accords, vers la petite ville du Nord de la Syrie, Idlib.

Cette intervention de l’aviation russe a donc renversé la situation au Moyen-Orient. L’Iran, l’Irak, la Syrie, le Hezbollah et les houties du Yémen, même si la guerre se poursuit dans certaines régions, sont sortis vainqueurs. Les États-Unis et leurs alliés, européens et arabes, même s’ils conservent certaines positions, en Syrie, sont les grands perdants.
 

  1. L’irruption de la crise nucléaire nord-coréenne permet à Donald Trump de rebondir sur la scène nationale et internationale

 

 En 2017, un nouveau président est élu, c’est le milliardaire Donald Trump qui hérite cette situation moyen-orientale où les États-Unis ont perdu la main au profit de la Russie. Si, au Moyen-Orient, l’axe Russie-Iran-Irak-Syrie-Hezbollah continue de marquer des points face aux États-Unis, le nouveau président n’a pas posé de grands problèmes sur la certification de l’accord nucléaire iranien. Par deux fois, il a certifié l’accord au cours du premier semestre 2017.

Une situation toujours en défaveur pour les États-Unis au Moyen-Orient, un événement nouveau va néanmoins changer les donnes. Ce sont les tests nucléaires et balistiques de la Corée du Nord qui, en quelques mois, changent l’ordre de puissance en Asie et dans le monde. La Corée du Nord menace du feu nucléaire les États-Unis. Pour rappel, la montée en puissance de la Corée du Nord s’est opérée comme suit durant le deuxième semestre 2017.

Que peut-on dire de l’irruption de la crise nucléaire nord-coréenne ? Le premier élément qui ressort. Les essais nucléaires et balistiques de la Corée du Nord, attestant sa maîtrise de la puissance nucléaire (bombes A et H) et de la portée balistique de ses missiles (13 000 km) font désormais d’elle une puissance nucléaire déclarée, à l’instar des grandes puissances qui siègent au Conseil de sécurité. Le deuxième élément qui ressort. C’est que, eu égard à la perte d’influence des États-Unis Moyen-Orient, et un président poursuivi par une enquête qui doit déterminer s’il y a collusion entre l’équipe Trump et la Russie au cours de la campagne électorale 2016, cette crise nucléaire ne pouvait mieux tomber. Elle permettait à Donald Trump, en affrontant le président nord-coréen dans une joute verbale violente de rebondir sur la scène nationale et internationale. La crise nucléaire a joué un peu comme une bouée de sauvetage pour le président américain.

On comprend dès lors l’escalade verbale entre le président américain et le président nord-coréen. Et avec ce bras de fer sur le nucléaire nord-coréen, le nucléaire iranien ne pouvait que refaire surface. C’est ainsi, dans la chaude relation avec la Corée du Nord, le président américain lie l’accord nucléaire iranien à la crise nord-coréenne et refuse, le 13 octobre 2017, de le certifier comme l’exige la loi américaine dans la suspension des sanctions internationales. Ce refus sert le président américain dans le sens qu’il apparaît comme une riposte pour signifier à la Russie et à l’Iran qu’ils n’ont pas encore gagné au Moyen-Orient. Et commence alors le bras de fer sur l’accord nucléaire de l’Iran. Ni le Congrès américain ni les pays européens ne le suivent dans sa décision. Pourquoi ? Tout simplement, confrontés à la menace nord-coréenne de provoquer un « océan de feu » sur les États-Unis, suivre Donald Trump revenait à avoir non pas une crise nucléaire mais deux crises nucléaires, celle de la Corée du Nord et de l’Iran. La crainte était que l’Iran mettrait fin à l’accord et reprendra le programme d’enrichissement, ce qui enclencherait un dangereux engrenage, qui ne pouvait que mener l’Iran vers la maîtrise du nucléaire militaire.

En janvier 2018, Donald Trump se ravise et certifie l’accord nucléaire. Pourquoi ? Il est évident que le Congrès américain qui a infirmé la décision de Donald Trump et les alliés européens qui n’ont pas voulu le suivre l’ont fait réfléchir et l’ont amené à accepter de suspendre les sanctions mais tout en avertissant que c’est la « dernière fois ». Donc qu’il tient toujours à sanctionner l’Iran si l’accord sur le nucléaire n’est pas amendé. Et comme attendu, le 8 mai 2018, il met sa mise en garde à exécution, il sort les États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien. Là aussi, pourquoi il s’est ravisé et n’a pas craint une opposition du congrès américain qui bien qu’il est dominé par les républicains, a infirmé la décision une première fois ? Ni qu’il a craint l’opposition des pays européens sur sa décision.

Il est évident que cela relève des changements qui ont intervenu depuis le revirement du leader nord-coréen dans son discours du Nouvel An, le 1er janvier 2018.
 

  1. Une nucléarisation du Moyen-Orient est-elle possible ?

 

 Des questions d’actualité très importantes se posent aujourd’hui. Qu’en sera-t-il de la situation au Moyen-Orient dans les mois à venir ? En particulier de l’opposition Iran-Israël. Que réserve la rencontre Donald Trump-Kim Jong-un ? Qu’en sera-t-il des négociations entre l’Iran et les pays européens ? Une dénucléarisation de la péninsule est-elle possible ? L’Iran viendra-t-il à suivre les pas de la Corée du Nord. Israël restera-t-elle la seule puissance nucléaire non déclarée ? Un tournant donc dans une « possible nucléarisation du Moyen-Orient » ?

Déjà l’Arabie saoudite avertit qu’il pourrait acquérir la bombe atomique. « L'Arabie saoudite a prévenu mercredi qu'elle développerait son propre arsenal nucléaire si l'Iran s'y employait de son côté, au lendemain du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, des menaces qui exacerbent les fortes tensions dans la région. [...] Principal rival de l'Iran au Moyen-Orient, l'Arabie saoudite a immédiatement applaudi l'annonce de M. Trump, grand pourfendeur de l'accord et allié de premier plan de Ryad. Interrogé par la chaîne CNN sur l'éventualité que Ryad « construise sa propre bombe » si Téhéran reprenait son programme nucléaire, le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a déclaré : « Si l'Iran se dote d'une capacité nucléaire, nous ferons tout notre possible pour faire de même.
Que les Iraniens choisissent ou non de reprendre l'enrichissement de l'uranium et d'accélérer un programme militaire, on aura une « course nucléaire au Moyen-Orient », a estimé James Dorsey, analyste à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour, avant la déclaration de M. Jubeir.
 ». (9)

Peut-on prendre cette mise en garde saoudienne à la légère ? Non C’est une possibilité. Il est évident qu’avec l’agressivité américaine et israélienne, et Israël est seul à disposer d’un arsenal nucléaire, il viendra un jour, et peut-être il est très proche, qu’une nucléarisation du Moyen-Orient soit enclenchée. Une nucléarisation du Moyen-Orient n’est pas une fatalité. On ne peut l’attribuer, en dernier ressort, qu’aux forces de l’histoire. Les États-Unis, le Conseil de sécurité ont-ils empêché la Corée du Nord, l’Inde le Pakistan à se doter de l’arme nucléaire ?

L’analyse s’arrête là. Nous essaierons dans une prochaine analyse apporter plus d’éclairage de de ce qui ressort des événements à venir dans ces deux régions chaudes du monde : le Moyen-Orient et le Nord-Est asiatique.

Un bémol cependant, une prospective a été faite sur le pétrole en janvier 2018, et l’annonce a été faite que le prix du baril de pétrole pourrait être porté à 120 dollars. Aujourd’hui, le prix du baril se rapproche de 80 dollars. (10) Qui en sont les facteurs essentiels ? On peut dire que c’est à la fois Donald Trump, Kim Jong-un et la crise au Moyen-Orient, mais pour mieux préciser, c’est surtout Donald Trump puisqu’il préside le pays qui détient la « monnaie de base du monde, le dollar », et Kim Jong-un en particulier, par la crise nucléaire qu’il a provoquée, en est aussi un des facteurs essentiels. Paradoxalement l’argent dollar, euro, yuan, yen... couplé à l’énergie – le pétrole –, dope l’économie mondiale. Ce couple dollar-pétrole s’oppose à la stagnation économique du monde, du moins pour l’époque que nous vivons.

Aussi devons-nous souligner que ce n’est pas que les prédictions soient justes, il n’appartient pas à l’homme de prédire l’avenir, Seul Dieu détient l’avenir du monde. Cependant, il n’est pas interdit à l’homme de scruter les forces de l’histoire passée et présente pour en comprendre la marche du monde. Il est de notre intérêt de comprendre notre monde, nos pays et où l’on va dans cette marche mystérieuse de l’humanité.

 

Medjdoub Hamed
Chercheur spécialisé en Economie mondiale
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde.com

 

Notes :

1. « Trump se retire de l'accord nucléaire iranien, défie ses alliés », par AFP. Le 8 mai 2018
https://fr.news.yahoo.com/iran-trump-d%C3%A9voile-d%C3%A9cision-risque-tuer-laccord-nucl

2. « Trump déclare la guerre à l’accord sur le nucléaire iranien », par le journal suisse, Le Temps.ch AFP. Le 13 octobre2017
https://www.letemps.ch/monde/trump-declare-guerre-laccord-nucleaire-iranien

3. «  Nucléaire iranien : le Congrès américain n’a pas rétabli les sanctions  », par le journal de Montréal AFP. Le 12 décembre 2017
http://www.journaldemontreal.com/2017/12/12/nucleaire-iranien-le-congres-americain-na-pas-retabli-les-sanctions

4. « Trump préserve l’accord sur le nucléaire iranien pour la « dernière fois »  », par France24. AFP. Le 12 janvier 2018
http://www.france24.com/fr/20180112-trump-preserve-accord-nucleaire-iranien-derniere-fois-sanction

5. « L'Iran n'entend pas se retirer de l'accord sur le nucléaire, dit Rohani  », par Reuters. Le 8 mai 2018
https://fr.news.yahoo.com/liran-nentend-pas-se-retirer-laccord-sur-le-071125041.html

6. « Paris s'attend à des discussions difficiles sur l'Iran », par Reuters. Le 10 mai 2018
https://fr.news.yahoo.com/paris-sattend-%C3%A0-des-discussions-difficiles-sur-liran-104141221.html

7. « Deux bases russes restent en Syrie », par Sputnik. Le11 décembre 2017.
https://fr.sputniknews.com/international/201712111034267343-bases-russe-syrie-hmeimim-tartous/

8. « Yémen : la coalition saoudienne bombarde une cérémonie funéraire en plein cœur de Sanaa », par le journal Le Monde. Le 10 octobre 20116
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/10/10/l-arabie-saoudite-a-nouveau-pointee-du-doigt-apres-un-bombardement-aerien-sur-sanaa_5010798_3218.html

9. « Nucléaire iranien : Ryad prévient à nouveau qu'il pourrait acquérir la bombe », par AFP Le 9 mai 2018.
https://fr.news.yahoo.com/nucl%C3%A9aire-iranien-ryad-pr%C3%A9vient-%C3%A0-nouveau-quil-pourrait

10. « Immoralité des Quantitative easing. Un pétrole à 120 dollars et plus, une guerre nucléaire potentielle entre les USA et la Corée Du Nord ? », par Medjdoub Hamed. Le 16 janvier 2018.
https://www.agoravox.fr/tribune-libre
www.lequotidien-oran.com/

 


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