Le silence éloquent des algériens

par GHEDIA Aziz
mercredi 17 mai 2017

Aux élections législatives du 4 mai dernier, plus des deux tiers (>65%) des algériennes et des algériens, selon les chiffres officiels, n’ont pas daigné se présenter aux bureaux de vote ou alors ils avaient déposé dans les urnes des bulletins blancs, non parlant, donc nuls.

Pour utiliser un oxymore, disons qu’ils ont opposé un silence éloquent à celui qui, dès sa prise de pouvoir en 1999, avait fait savoir, à celle qu’on appelait à l’époque la « grande muette », qu’il n’accepterait pas d’être « un trois quart de Président ». Et effectivement, celle-ci, a accepté de faire sienne le principe de « la primauté du civil sur le militaire », pour la première fois de sa courte histoire, et s’est retiré de la scène politique. Comme prétexte idéal trouvé alors, sa professionnalisation et sa mission régalienne de défense du territoire national. Elle s’est alors retranchée dans ses casernes. Quant à lui, l’âge et la maladie l’ont amoindri très sérieusement à tel point qu’il n’arriva plus à glisser son bulletin de vote dans l’urne… en 2012 et cette fois-ci encore. 

Voilà pour le côté humour en guise d’introduction.

Mais plus sérieusement, les algériens dont on dit qu’ils sont devenus indifférents à la chose politique ont plutôt agi de la manière la plus conséquente cette fois-ci. Certes, ils n’ont pas obéi au doigt et à l’œil aux partis boycotteurs, à savoir Jil jadid et celui de l’ex chef du Gouvernement Ali Benflis, mais quelles que soient les considérations qui ont pu entrer en ligne de compte de ces abstentionnistes, de ces citoyens qui ont bravé les menaces d’une administration toujours faisant fi de la neutralité qui devrait normalement la caractériser dans ces moments de la vie politique du pays, quelles que soient donc les raisons objectives ou subjectives de ces citoyens pour ne pas se rendre aux urnes, « en masse », comme souhaité par le premier ministre Abdelmalek Sellal, l’on peut d’ores et déjà dire que la prise de conscience est là. Prise de conscience que les élections, en Algérie, ne servent à rien. Ou plutôt qu’elles ne servent juste qu’à entretenir l’illusion d’un changement alors que c’est le statu quo –qui pourrait être fatal à plus ou moins court terme- qui est ainsi imposé au pays. On a pu dire, à la suite de la défection de ces algériens, probablement en majorité jeunes et portés sur les TIC comme le montre leur activisme sur le Net, que ceux-ci constituent, en fait, la première force politique du pays, loin devant le FLN et son alter égo le RND. Encore faudrait-il savoir et pouvoir canaliser cette force silencieusement éloquente, lui inculquer le fait qu’elle constitue une réelle force capable de bouger les lignes en Algérie. C’est à ce niveau-là que devraient travailler dorénavant les partis de l’opposition, la vraie opposition et non celle qui a fini par céder aux chants des sirènes. 

Le but de cet écrit n’est pas de faire une analyse exhaustive des résultats de ces élections. Nous le savions dès le départ, comme à chaque élection en Algérie, que rien n’allait changer au fond et qu’il s’agissait tout juste de reconduire les mêmes partis de la coalition au sein d’une APN dont le rôle n’a jamais été vraiment de proposer aux algériennes et algériens des débats politiques d’un haut niveau quitte à être parfois houleux et contradictoires. Les algériens savent depuis longtemps déjà que cette vénérable institution ne sert en fait que de chambre d’enregistrement. Les lois proposées par le gouvernement y passent comme une lettre à la poste : sans censure et encore moins de motion de censure de la part des élus de la Nation. Dans ces conditions-là, il est tout à fait compréhensif et légitime que les électeurs, le jour du vote, préfèrent faire la grasse matinée ou aller à la pêche pour ceux qui ont la chance d’habiter pas loin des rivages de la grande bleue et qui disposeraient de cannes à pêche et de moulinets… 


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