Le syndrome des éco-tartuffes

par hans lefebvre
jeudi 8 octobre 2009

Après le règne des tartuffes de la philosophie, auto-proclamés apôtres de la nouvelle vague des amoureux de la sagesse, voici venu l’avènement des éco-tartuffes, espèce concomitante aux problématiques majeures que doit affronter l’humanité alors que le modèle économique dominant démontre ses profondes limites. Le plus emblématique d’entre-eux n’est autre que l’hyper médiatique Nicolas Hulot, dont le documentaire intitulé « Le syndrome du Titanic » vient inonder les salles de cinéma. Après Al Gore et Yann Arthus Bertrand, voilà que l’homme d’Ushuaïa se fend d’un soit-disant « brûlot » intraitable à l’endroit de notre société capitaliste désormais déclarée incompatible avec les grands équilibres de la planète.

À n’en pas douter, le film aura tout le succès escompté puisqu’une presse quasi dithyrambique n’a pas manqué de vanter les mérites d’un propos alarmiste mis en abime par une imagerie redoutable d’efficacité, selon les dits exégètes. Dés lors, pour entendre une voix dissonante, il faut se tourner vers les tenants d’une pensée réellement alternative, essentiellement portée par la mouvance des promoteurs de la décroissance [1] qui n’ont eu de cesse de dénoncer l’imposture que représente Nicolas Hulot et son discours certifié écolo-politiquement correct, alors que certains aujourd’hui n’hésitent pas à titrer : « Avec le syndrome du Titanic, Hulot passe du vert au rouge » [2]. Il faut bien manquer de discernement pour oser afficher pareille position alors que l’homme en question arpente les beautés du monde pour le compte du plus grand média européen depuis maintenant plus de vingt années, et qu’il perçoit pour son œuvre de biens confortables subsides solidement complétés par nombre de revenus annexes [3]. En outre, et rendons lui grâce de ne point s’en cacher, il revendique pour sa fondation quantité de mécènes improbables dénommés « partenaires fondateurs ». Chacun pourra mesurer combien la congruence n’est pas la qualité principale de l’institution créée par celui en qui les français ont le plus confiance pour défendre l’environnement [4]. Toutes ces années au service du groupe TF1 n’auront pas été vaines puisque le voilà devenu ce géant vert dans les représentations populaires. Parallèlement, et c’est ici ce qui interpelle le plus, les véritables grandes figures de l’écologie demeurent quasiment oubliées, non seulement des décideurs et faiseurs d’opinions, mais encore d’une grande partie de la population. Il n’est qu’à comparer certains chiffres aussi révélateurs qu’affligeants pour se rendre à l’évidence. Ainsi, alors que la fondation Hulot affiche ostensiblement plus de 860 000 engagés pour la planète, le mouvement créé par Pierre Rabhi n’est fort que de 6610 signataires [5]. De même, inutile de comparer les ventes en librairie des ouvrages rédigés par l’un et l’autre, parfaitement proportionnelles à leur exposition médiatique respective. En outre, parmi tous les citoyens qui s’empresseront d’aller visionner le documentaire de Nicolas Hulot, combien connaissent ne serait-ce que le nom d’Edouard Goldsmith, père de la revue « l’Écologiste », co-fondateur en 1968 de l’association Survival International, mais encore de l’association Ecoropa en 1975 aux côtés de Denis Rougemont, Jean-Marie Pelt et autre Jacques Ellul. Ce précurseur de la pensée écologiste, décédé il y a peu, aura commis quelques ouvrages fondamentaux au rang desquels figure le monumental « Tao de l’écologie », cette véritable bible dont l’actualité n’est plus à démontrer [6].
Dés lors, la démarche des décroissants reste parfaitement justifiée au regard de la démesure de l’imposture personnifiée par Nicolas Hulot, ce prince tout désigné de l’éco-tartufferie soutenu, directement ou indirectement, par une ribambelle de personnalités devenues les nouveaux prosélytes du discours écologiste, alors même que leur bilan carbone explose les compteurs de l’indécence. On comprend mieux les signataires du pacte scellé contre Nicolas Hulot [7] dont l’objectif n’est autre que de démontrer le vide et la non pertinence du propos développé par cet habile funambule médiatico-politique en parfaite odeur de sainteté auprès des grands de ce monde. Ainsi il s’agit de démasquer le père du pacte écologiste [8], cet inlassable arpenteur du monde qui ne se sera privé ni de décliner à l’infini nombre de produits estampillés de ce doux nom venu des terres australes sud-américaines, ni de vampiriser les messages contenus dans la pensée écologiste. Mais il revendique sa liberté notre thuriféraire de la « télé-écologie », et rien ne saurait l’empêcher de distiller son message tel un évangéliste habité par une foi aussi puissante que récente. Il y a urgence s’écrie t-il tout au long de son documentaire puisque la planète Titanic fait naufrage alors que seule une infime partie de l’humanité - ce qui n’est par ailleurs pas clairement énoncé par l’auteur - continue à danser sur le pont de l’embarcation, alors qu’une majorité d’humains travaille dans la salle des machines, ou bien reste contenue en troisième classe du navire. C’est ici que le bât blesse, puisque notre Hérault figure parmi les invités notoires de ce grand bal morbide. Que n’a-t-il réellement fait pour élargir la liste des participants et abolir les classes qui séparent tous les voyageurs du navire Terre ? Certes, il chante les mérites de la sobriété par écrans interposés, tout en continuant à constituer un matelas de plus en plus épais ; il vante les vertus du partage tout en persistant à accumuler bonne fortune ; il dénonce haut et fort les dérives du capitalisme tout en s’immisçant dans ses rouages les plus intimes ; il prône la limitation de vitesse alors qu’il ne se déplace qu’en première classe ; bref, il se nourrit de l’écologie alors qu’un milliard d’humains meurent de faim ! Mais qu’elle importance, puisque tout cela n’est pétri que de bonnes intentions, et à quoi bon se joindre à tous ces intégristes de la décroissance, tous ces fous qui veulent mettre à mal le seul système économique pertinent que l’on connaisse, alors qu’il suffit d’y ajouter un zeste d’écologie pour que la mécanique perdure ainsi de longues décennies durant.

[1] Institut d’études économiques pour la décroissance soutenable, Nicolas Hulot le pacte médiatique.
[2] Laure Breton, Avec "le syndrome du Titanic ", Hulot passe du vert au rouge", Reuters.
[3] Marc Landré, Ushuaïa le label Hulot certifié 100% rentable, l’Expansion. fr, juin 2005.
[4] Sondages 2012.
[5] Colibris, mouvement pour la Terre et l’humanisme.
[6] Edouard Goldsmith, Le Tao de l’écologie. Une vision écologique du monde, éditions du Rocher 1994.
[7] Pacte contre Nicolas Hulot.
[8] Un petit document qui en dit long.

Illustration tirée du blog d’Aurélien Bernier.

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