Le système politique français : absurde et obsolète !

par Fergus
mardi 9 mai 2017

Résumons : 2 tours de présidentielle, 2 tours de législatives, soit 4 tour pour savoir par qui l’on sera gouverné. Et encore, sans compter les 4 tours des primaires de la droite et du centre et de la « Belle alliance populaire ». Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Bienvenue en France...

Nulle part en Europe il n’existe en effet de système politique aussi pesant et aussi complexe qu’en France. La faute à la Constitution de la Ve République écrite sur mesure, et dans la plus grande confidentialité, par Michel Debré, Yves Guéna et quelques constitutionnalistes proches de De Gaulle pour servir le destin du général. Une constitution à caractère monarchique dont l’objet était, selon la formule dont on a usé – et même abusé – si souvent, de concrétiser « la rencontre d’un homme et du peuple ».

Une rencontre dont l’intérêt n’a cessé de perdre du crédit pour les citoyens au fil des derniers quinquennats. Comment pourrait-il en aller autrement lorsqu’on considère l’insigne médiocrité des derniers monarques républicains, du « roi fainéant » Chirac à l’inconsistant Hollande en passant par l’agité Sarkozy ? Des Présidents très différents en termes de personnalité mais unis dans l’inefficacité, l’incurie et l’indifférence aux attentes d’une population toujours plus meurtrie par une politique dure avec les faibles et douce avec les puissants manifestement mise en œuvre pour mieux servir les intérêts des grands groupes industriels et financiers.

Nul ne peut dire aujourd’hui ce que sera le mandat d’Emmanuel Macron. Mais son projet reste à l’évidence dans la ligne de la gouvernance de ses prédécesseurs. Et sauf à imaginer que le renouvellement législatif du mois de juin puisse déboucher sur des pratiques plus vertueuses au regard des attentes populaires, le risque est grand de voir poursuivie la politique de régression sociale et d’ubérisation de la société. Comment s’en étonner alors que Macron a été l’un des théoriciens de la Loi Travail qui, sans son départ du gouvernement au printemps 2016, eût été dénommée « Loi Macron » et non « Loi El Khomri », du nom de la ministre potiche qui a ensuite porté le dossier ?

Bref, « Tout ça pour ça ! », pourrait-on être tenté de dire durant l’été en rapportant la personnalité du nouveau Président de la République et son positionnement politique au lourd et long processus qui aura conduit à la mise en place opérationnelle du pouvoir « macronien » à l’Élysée et à l’Assemblée Nationale. Une campagne électorale interminable et 4 tours de scrutin pour en arriver à un tel « changement dans la continuité », voilà effectivement un scénario pour le moins baroque ! Et une dramaturgie républicaine qui, une nouvelle fois, ne devrait pas manquer de susciter l’incompréhension, et parfois la moquerie, de nos voisins européens, habitués à un système politique nettement moins complexe que le nôtre.

Pour s’en convaincre, il suffit de franchir les frontières : quasiment partout en Europe, les pays membres de l’Union sont organisés en régime parlementaire, que ce soit dans le cadre d’une république ou dans celui d’une monarchie. Dans ces pays, le chef de l’État – qu’il s’agisse d’un monarque ou d’un président – est réduit à un rôle de garant des institutions et à des obligations de représentation.

Rien de tel en France où notre régime semi-présidentiel – qui impose en théorie un pouvoir partagé entre le Président et le Premier ministre – donne lieu à des situations pour le moins cocasses en fonction de la composition de l’Assemblée Nationale. Tantôt notre pays se trouve de facto en régime présidentiel avec un Premier ministre réduit à l’état de « collaborateur » du Président, tantôt en régime parlementaire lorsque le chef de l’État est contraint par les urnes à une cohabitation qui le prive de la presque totalité de ses prérogatives au profit du Premier ministre. Cette absurdité constitutionnelle a évidemment été maintes fois soulignée. Mais jusqu’ici, jamais elle n’a suscité de réelle volonté de réforme hors des rangs de La France Insoumise dont les adhérents et les sympathisants ont compris l’urgence d’une VIe République moderne et adaptée aux exigences de notre temps.

Quand 6 % des voix pèsent plus que 45 %...

Nul besoin d’une nouvelle constitution chez nos voisins. Des « élections générales » (l’équivalent de nos législatives) à un ou deux tour(s) selon les états suffisent à porter au pouvoir un parti dominant – ou une coalition – et à désigner comme unique chef de l’exécutif un homme ou une femme issu(e) de ses rangs et tenu de rendre des comptes réguliers au parlement sur la gouvernance de la nation.

À ce jour, nul ne peut prédire ce que sera la composition de l’Assemblée Nationale au soir du 18 juin. Mais la très nette victoire d’Emmanuel Macron sur Marine Le Pen (66,06 % contre 33,94 %) et, malgré un nombre élevé de votes blancs et nuls, la dynamique induite par ce succès devraient permettre au nouveau Président de disposer d’une majorité parlementaire au moins relative, et plus probablement absolue, eu égard à la tradition « légitimiste » des Français. Dans un tel contexte, seul Les Républicains semblent à même de limiter les dégâts électoraux, contrairement à un Parti Socialiste éclaté qui subira sans doute la pire déculottée de son histoire sous la Ve République, très largement au profit des candidats d’En Marche !

Restent le Front National et les frères ennemis de La France Insoumise et du Parti Communiste, dont on ne sait plus trop à ce jour s’ils sont revenus au temps des divisions d’après Front de Gauche ou s’ils vont réussir à s’allier sur des candidatures communes.

Un FN qui devra sans nul doute revoir ses ambitions nettement à la baisse après le camouflet subi par sa candidate, très en deçà des attentes d’un parti qui avait bâti des châteaux en Espagne après ses bons résultats des élections régionales. Avec un effectif possible de 20 à 30 députés, le Front National n’en disposera pas moins d’un groupe parlementaire, mais que pèseront ces parlementaires face aux 250 ou 300 députés de la majorité présidentielle ? 10 fois moins d’élus alors qu’il y avait le 23 avril moins de 3 points entre les deux formations (24,01 % contre 21,30 %). Difficile de faire plus inique en termes de démocratie !

De leur côté, les Insoumis et les Communistes batailleront pour faire vivre les idées portées durant l’élection présidentielle. Mais pour combien de circonscriptions gagnées ? Assurément un nombre indigne du score de Jean-Luc Mélenchon (19,58 % des suffrages exprimés) et probablement pas supérieur à celui du Front National. Difficile là aussi de faire plus inique !

Au total, les élus du FN et ceux de la FI pourraient totaliser moins d’élus que le PS alors que ce dernier n’a obtenu que 6,36 % des voix au 1er tour de l’élection présidentielle contre... 45,58 % pour l’ensemble des partis qualifiés de « populistes » (FN + FI + DLF). On mesure là à quel point le système politique français est inéquitable et corrompu par un véritable déni de démocratie.

En résumé, entre les campagnes interminables, le nombre pléthorique de passages des citoyens par les urnes, et une scandaleuse sous-représentation de pans entiers de la population française au parlement, nos institutions démontrent à quel point elles sont non seulement malades et inadaptées, mais terriblement obsolètes en comparaison des pratiques de nos voisins. Emmanuel Macron aura-t-il le courage et la volonté de réformer sérieusement notre constitution pour en corriger les absurdités au-delà de l’introduction d’une dose homéopathique de proportionnelle aux législatives ? Réponse dans les prochains mois...

À lire également :

8 propositions pour moderniser la vie politique (14 décembre 2015)


Lire l'article complet, et les commentaires