Le tabou du viol, ça suffit !
par HClAtom
lundi 3 novembre 2014
Pour certains parler du viol d'une amie commune est une faute. Cela relèverait de "l'intimité", et même de la "sexualité", cela "ne se fait pas". Il est donc temps de rappeler que le viol ne relève pas de l'intimité, mais de la Cour d'Assise, et que le silence gardé s'assimile à de la non dénonciation de crime.
L'autre jour nous buvions un verre avec les copains et les copines. Dans le fil de la conversation, je leur révèle que notre amie commune, W, a été violée dans son adolescence, il y a 30 ans. Que n'avais-je dis là ! Immédiatement j'ai subi l'opprobre d'une bonne partie d'entre eux, qui m'ont expliqué que "parler ainsi des gens ce n'est pas bien, car cela relève de l'intimité, cela concerne la sexualité, et ça ne nous regarde pas". Une telle réflexion me choque profondément. J'ai donc décidé d'écrire cet article en guise de réponse. Il faut en effet rappeler les évidences que la morale pudibonde voudrait occulter.
Non, le viol ne relève pas de l'intimité de la victime, mais de la Cour d'Assise. Non, le viol de relève pas de la sexualité, mais de la violence pure, du crime. Non une femme n'est pas salie par un viol, elle est une victime, c'est l'humanité toute entière qui est salie par le violeur. Oui, le viol doit être dénoncé, par tout ceux qui en ont connaissance, sauf à devenir complice du violeur en lui accordant l'oubli par le silence. Le silence, c'est la non dénonciation de crime.
Il arrive peut-être que certaines femmes ne soient pas trop névrosées par leur viol, mais il arrive plus souvent qu'elles en ressortent lourdement traumatisées, ce qui gâche leur vie, et celle de leur entourage. Ce sont souvent des femmes difficiles à vivre. Pourtant, je ne peux leur reprocher leurs défauts. Comment serais-je en effet moi même, si j'avais été violé, est-ce que je m'en sortirais mieux ? Je reproche aux violeurs d'assassiner psychologiquement nos femmes. Non seulement il accomplissent leur crime, mais ils font subir à leur victime une petite mort, une vie durant, qui peut même se transformer en mort tout court, sous la forme de cancers, de toxicomanies, ou de suicides.
Voici maintenant de nombreuses années que je demande à mes amoureuses si elles ont été violées. La très grande majorité d'entre elles ont connu au moins une expérience traumatisante, qu'il s'agisse d'un viol ou d'une violence sexuelle quelconque, en tout cas d'un rapport clairement non consenti. Je les collectionne, me direz-vous, et bien non. Je peux vous garantir que la majorité des lectrices de cet article se reconnaîtra. Demandez à vos sœurs, vos mères, vos amies, vous serez surpris. Ces violences adviennent le plus souvent dans l'entourage proche, la famille elle même, ou les amis proches. Seule une infime minorité sont dénoncés à la justice, toutes les autres sont enterrés par le silence de "l'intimité sexuelle", par le "il ne faut pas faire de scandale", par le "c'est sale et honteux", par le "on ne parle pas de ça", par le "c'est à elle d'en parler si elle le souhaite", et puis le fameux "elle ne l'aurait pas un peu cherché ?" qui plane immanquablement.
Ainsi il serait séant de parler de W ayant été agressée dans la rue pour lui voler son argent, mais il ne faudrait pas parler de W ayant été violée, car cela relèverait de l'intimité ? Il y aurait ainsi le crime, simple et punissable, et le pire des crimes, qui resterait impuni, car moralement honteux ? Une telle conception des choses est irrecevable, sauf à protéger les violeurs.
Nous ne sommes plus au XXème siècle, nous devons désormais atteindre l'égalité homme-femme. Mais comment atteindre une telle égalité si la majorité des femmes sont brimées physiquement par la violence et la barbarie des hommes ? Nous n'atteindront jamais l'égalité si le plus violent des deux impose sa force. Et c'est toute une culture qu'il faut changer, celles d'autres siècles où la femme était l'esclave de l'homme. Il faut changer jusque dans l'éducation de nos enfants. Il faut maintenant parler haut et fort, car il faut que cela cesse. Il faut en parler dans les soirées, au bistrot, dans les stades, pour que ce mot se répande et que les violeurs se sentent surveillés. Qu'ils sachent désormais que le silence et la honte ne les protégeront plus. Il faut avant tout en parler dans la famille et avec les amis proches, car c'est là que se commettent le plus souvent les viols.
Le tabou du viol, ça suffit ! Osez regarder la réalité en face, même si culturellement, elle vous fait honte. Osez en parler, comme de toute autre violence faite aux femmes. Votre discours ne sera pas honteux, mais salutaire. Que ceux qui seront choqués comprennent bien qu'ils ne font que protéger les violeurs, mais qu'ils n'aident en rien la victime. Par leur morale pudibonde, ils accréditent au contraire l'idée que la victime serait sale et que le crime devrait alors être tu, ce qui est ignoble.
La pédophilie aussi, on ne voulait pas en parler, car c'était honteux pour les pudibonds à la morale douteuse. Nous avons pourtant tous à nous féliciter que la société se soit emparée de ce problème, et qu'aujourd'hui les langues se délient. Il est temps désormais qu'elle se saisisse aussi de l'autre tabou : celui du viol, problème encore plus vaste. Et cela commence localement, avec nos familles et nos amis.