Le tour de France 2020 aura-t-il lieu ?

par velosolex
mercredi 1er avril 2020

Déjà, la déprogrammation de « Plus belle la vie » est éminente. Le tour suivra-t-il, par effet domino ? Roxana Maracineanu, la ministre des Sports a annoncé « des discussions en cours avec les organisateurs » ; que « tous les scenarii étaient à l'étude » et que « le huis clos » en était un... »

 

    Les médias nous font pénétrer dans les secrets des dieux en blouse blanche, comme naguère les cameras nous faisaient entrer dans le vestiaire du PSG, à la mi temps.. Mais le corona a remis sa balle au centre. Chacun à son mot à dire maintenant sur le virus, ses stratégies d’attaque, connaît tout de la force virale qui s’épuise au bout d’un certain temps, sur les traitements à prendre et les autres à éviter.

     Des débats insipides sur les réseaux, ont pris la place des commentaires sportifs, autrement plus avisés, qui se passaient au bar du coin, fermé pour cause de confinement !

     Le professeur Raoult et son hydroxychloroquine ont pris la place de Ronaldo et de son ballon d’or. On voit par là qu’on ne soigne plus les foules de la même façon.

     Mais les engrenages de l’âme humaine restent toujours les mêmes, quel que soit le sujet. Une mécanique souvent aussi simple qu’un dérailleur de vélo, changeant de braquet en rapport à la pente qui se profile, marchant avec les bénéfices attendus d’une action, à très court terme, et tournés vers l’intérêt individuel, au mieux celui de la famille et du clan.

 En language cycliste qui fait plus court, ça veut dire qu’on a trop foncé la tête dans le guidon, sans regarder ce qui se passait sur le bas coté. On aurait pu s’arrêter de vouloir suivre le train, et s’asseoir dans l’herbe. Boire un coup avec les spectateurs, inventer une nouvelle parité avec eux, et se demander même si c’était raisonnable, de toujours vouloir aller plus vite que l’autre. 

     Le coronavirus n’est qu’un amuse-gueule de ce qui nous attend, mais il vient de vaincre le porteur de la flamme olympique ! Il a du faire demi tour, après avoir remballé son matériel, comme un campeur pris par l’orage. Une flamme olympique qu’on éteint, c’est un truc à exploiter dans le générique d’un film catastrophe, mais détestable dans la vraie vie. 

        

.     Tout est décalé, menacé dans ses dates et même dans son existence future. Je ne parle pas du bac « option coronavirus » dont le projet de grand oral ne trouve plus d’écho. Il y a bien plus grave ! L’arrêt du championnat de France de foot a été le premier coup de semonce. On a fermé les stades, autant dire les temples et les églises ! Les supporters en sont restés médusés, leur sandwich à demi bouffé, la boite de kro à moitié vide. Ils n’ont pas eu le courage de la finir. C’est dire. ! Les coups francs et ceux tordus de Benzema, les "best of"de sextapes ne font plus recette. Beaucoup d’orphelins des paris sportifs risquent de se mettre à jouer avec leur propre vie, en vidant méthodiquement les bouteilles qu’ils ne devaient boire qu’en cas de victoire de leur équipe .

      Et le pire est à venir…. On bouge les événements sportifs comme on le fait pour les lits des malades, qu’on expédie du grand est pour les zones moins touchées. Déjà le célèbre « Giro » a été repoussé aux calendes grecques.

     Comme pour mon projet de terrasse future, Paris-Roubaix n’a pas vu non plus ses pavés livrés à temps, avant que le confinement se fasse ! Il est plus facile d’admettre son malheur si il est partagé par les autres. Et voilà qu’on s’interroge sur le tour de France.. La célèbre épreuve sera-t-elle supprimée ?. On frémit.

  La crise est un révélateur de ses propres ressources. Le coureur cycliste est bien mieux équipé mentalement contre la souffrance et la frustration que le footballeur. Sur un peloton de 150 coureurs, un seul lève les bras ! Les autres restent zen !... Prêts à repartir pour l'étape suivante, prouvant leur résilience, disant qu'ils "tâcheront de faire mieux la prochaine fois" ! Cet immense troupeau de vaincus, "de veaux", aurait dit le grand Charles, aura cheminé sur des routes vicieuses truffées de dos d’ânes et de chicanes, de ronds points casse-gueule. « Le soleil » du cycliste passant pas dessus son guidon, n’a rien d’une salutation tranquille à l’astre d’or. Ne plus courir, c’est vrai, c’est se remettre la tête à l’endroit, et laisse le temps de réfléchir au bien fondé de l’action, si celle-ci n’est pas trop cabossée.

      Je relativise ainsi mon malheur, d’être privé de bicyclette, mais je porte tout de même déjà le deuil du prochain tour de France. On est toujours orphelin de ses passions à l’heure de la fermeture. Je sais, on me l’a dit 1000 fois. Le vélo, "C’est l’EPO du peuple !"... 

    Karl Marx, un coureur Allemand a beaucoup théorisé sur l’exploitation optimale de la force produite par un prolétaire monté sur un vélo. Il a ainsi mis en évidence le bénéfice obtenu par le vendeur de marque de lessive qui lui impose son logo publicitaire dans le dos, en l'aliénant.

  On s’est beaucoup moqué des coureurs cyclistes et du tour, jusqu’au moment où Roland Barthes a donné des lettres de noblesse à l'épreuve, en l’incluant dans ses célèbres " mythologies". Entre une expertise de la DS Citroên, et une autre sur Brigitte Bardot, il a décrypté l'épreuve avec un scalpel, et une clé de huit. Barthes ne voit pas des coureurs, mais les dieux Grecs montant en danseuse les cols des Alpes, à la poursuite de la toison d'or ! 

     "Les forçats de la route" dont Albert Londres en 1919 avait traduit ainsi l'exploit et le courage, ont rencontré le célèbre raccourci Sartrien, "l'enfer c'est les autres", dans le coude à coude homérique qui virent s'affronter Anquetil et Poulidor, lors de la montée mythique du Puy de Dôme en 64 ! https://bit.ly/2UPL6ij

      Le tour de France est le lien symbolique entre les régions françaises qu’on célèbre chaque, année, avec juste l’interruption des deux guerres. Jadis, si je me souviens bien, au lieu de porter un masque de protection, les gens aimaient avoir une casquette Pernod sur la tête, chipée sur le bord de la route, au passage du tour et de sa caravane.

      C’est donc une cause nationale. Il y a deux bunkers secrets nichés sous l’Elysée. L’un est composé de chercheurs travaillant à vaincre le virus, et l’autre de personnalités toutes aussi éminentes pour tenter de sortir le tour de France de la salle de réanimation. Il reste tout de même trois mois avant le tour, mais c’est pas trop, vu les immenses problèmes à résoudre. Le tour se déroulant par essence en plein air, c’est un défi au confinement ! De là une contradiction apparente qu’il faudrait pouvoir arranger, en réquisitionnant le génie Français.

        Il y a tout de même des fuites. Je vous les livre franco : Certains spécialistes pencheraient pour une course en vase clos. Le première étape se contenterait de la traversée du tunnel du mont blanc. La seconde se passerait dans le synchrotron de Genève ! Vers Narbonne, patrie de Charles Trenet, les cyclistes abandonneraient leur vélo pour continuer la course sur des pédalos, au fond des golfs clairs. La montée des trois étages de la tour Eiffel est un pendant intéressant à l’escalade du Tourmalet, mais il faudra s’assurer que certains malins ne prendront pas l’ascenseur. La vigilance resterait de rigueur comme elle l’a toujours été. Après tout, on resterait dans l’esprit du tour, qui a toujours été d’innover ! L’essentiel n’est-il pas de pédaler dans sa tête, si l’on ne veut pas tomber ?

       Mais l’aspect commercial avec les villes étapes prévues de longue date semble indépassable pour d’autres... On ne bouscule pas pareil monument, avec les contrats en béton, qui obligeraient à des compensations inimaginables. Le fric, toujours lui. N'attendez pas que le monde change le jour du lendemain ! 

      Les gens confinés applaudiront devant leur télé, voilà tout ! Il faudra juste anticiper l’effet glaçant induit par des coureurs portant des masques, passant dans les villages déserts, entre des rangées de goldoraks casqués. Il faudra apprendre à ces derniers que le maillot jaune n’a rien à voir avec un gilet jaune, et que le descendre d’un tir de LBD ferait du plus mauvais effet en direct !. Bref, il faut éviter que cela ressemble à une sorte de danse macabre, faisant passer dans l’imaginaire la grande faucheuse en place et lieu de la voiture balai ! 

      Attention donc aux erreurs de communications. Tout l’art de l’économie libérale est de s’emparer de la catastrophe, et de la transformer en opportunités pour les avertis. Comme on l’a fait pour les droits à vendre du crédit carbone, il faudra exiger des compensations. Pour assurer l'ambiance festive, on pourra avoir recours à des bricolages : Rajouter par exemple des enregistrements d’applaudissements, comme on se sert de boites à rire, comme béquilles à ces spectacles de comiques qui vous donnent envie de pleurer ! 

      Il faudra compenser le vide laissé sur les places désertes, en zoomant sur de beaux monuments pittoresques habituels, et les curiosités villageoises qu’on découvre par la magie des caméras embarquées dans l’hélico. . Mieux vaudra ne pas s’éterniser sur les mémoriels des anciens combattants et leur liste de morts long comme un jour de coranovirus sans fin !.

      En ces temps de pandémie, la distance réglementaire minimum d’un mètre à observer entre deux individus, devra-t-elle être respectée entre les coureurs ? ...C’est un autre problème susceptible d’être résolu avec une dérogation, qui ne serait pas indispensable pour les épreuves de contre la montre en solitaire.

   Reste l’option poétique, minimaliste, qui charmerait tous les écologistes, mais consternerait les vaches, autres spectateurs fidèles et disciplinées du tour ! Pourquoi ne pas organiser l’épreuve avec des petits coureurs en plastique, sur un tas de sable ! On tracerait des routes à la main, comme tous les gamins de la génération d’avant l’ont fait ? La caravane publicitaire pourrait être ajoutée pour un meilleur réalisme, avec des petites voitures miniatures. Une poupée Barbie pour remettre le bouquet au vainqueur ferait du meilleur effet.

     Cette version "créative" aurait pour avantage de créer des équipes inédites, en laissant toute part à l'imaginaire pour le nom des coureurs, et des équipes. Les partis politiques seraient ainsi vivement intéressés. Verra-t-on une équipe "En marche" avec un leader qu'il reste à definir, pour tenter de hisser enfin les couleurs de la France, sur la plus haute marche.

On le voit, l'immagination n'a jamais été autant au pouvoir. 

   Mais qui jouerait aux billes pour faire avancer les coureurs. Ou aux dés ?.. Allez savoir si ce ne sera pas la main libre et non faussée soi-disant du marché, qui joue à la roulette nos vies depuis le début de cette affaire, laissant ouvertes les frontières ?

      « Sommes-nous les forçats de la route du corona ? » , « Du maillot jaune aux beaux draps ! ».....

     " Cours camarade, le coronavirus est derrière toi"......Voilà quelques grands titres que des mauvais esprits n’hésiteront pas à imprimer, sur les manchettes de journaux.

      Non, vraiment, je vous le dis, le tour de France tient plus sa légende par les foules tassées de chaque coté de la route, et qui font la fête, qu’à ceux qui se prennent pour des dieux.

      Et qui sont interchangeables, comme les crânes d’œufs de l’Élysée et des ministères.

 


Lire l'article complet, et les commentaires