Le Tour perd les pédales, reflet de la société ?

par Bernard Dugué
vendredi 27 juillet 2007

Étrange Tour de France. Cela a commencé dans une ambiance de suspicion généralisée, dès le départ. Il faut laisser planer le sale pour mettre en valeur le propre. Les organisateurs voulaient un Tour propre. Pourtant, rien ne s’est déroulé comme prévu. Un scénario digne des producteurs d’Hollywood. Et la consternation. C’est le Tour des révélations. Le public raffole de la grande boucle, la presse lance les nouvelles de dopage, de suspicion, comme s’il fallait en rajouter pour rendre l’épreuve plus excitante. En fin de compte, tout est brouillé alors que tout devait être clair. Est-ce là une énième déclinaison du paradoxe qui souvent, se fait french ?

Le Tour est complètement planté cette année. Par divers facteurs. Sa notoriété rend fous les coureurs, prêts à sacrifier un peu de leur santé et de leur vie pour quelques moments de gloire. Le sportif a plus de muscles que de neurones. Si c’était le contraire, cela se saurait. Hélas, le journaliste sportif n’a pas beaucoup de neurones non plus, mais c’est normal dira-t-on, car il faut bien qu’il ressemble au sportif. Parfois, quelques exceptions confirment la règle, comme ce Nelson Monfort qui présente les œuvres classiques sur une radio. Un drôle d’animal celui-là. Mais qui ne commente pas le Tour.

C’était un 25 juillet : Rasmussen, au terme d’une grande étape de montagne, l’emportait sur son rival après une courte échappée en fin de col. Et le public de siffler, et le journaliste de la 2 de jeter le soupçon sur ce coureur qui, à ce qu’on a compris, a été engagé pour participer à l’épreuve selon les règles en vigueur. Plus qu’un soupçon, un anathème, une injonction à se regarder dans le miroir. On se rappellera que, du temps des Hinault et des Virenque, les journalistes semblaient plus enthousiastes, mais bon, le journaliste sait être chauvin et n’est que rarement impartial, en politique et surtout en sport.

Cette année 2007, d’autres coureurs, contrôlés, ont été exclus, d’entrée de jeu. La suite est assez étrange. Les nouvelles tombent peu à peu. Vinokourov a été contrôlé positif pendant le Tour. Ce qui paraît étrange, et contraire aux règles, c’est que des informations extérieures à l’épreuve viennent s’immiscer dans le déroulement des événements. Oui, quelque chose de malsain s’est immiscé. Des règles claires, mais pourtant improvisées dans leur application, des soupçons et, pour finir, cette atmosphère de lynchage autour de Rasmussen, entretenue par une meute de journalistes. À ce qu’on sache, Rasmussen n’a pas été contrôlé positif pendant ce Tour. Il a été engagé conformément aux règles des organisateurs. Son seul tort, gagner des étapes et être maillot jaune. Et là, le soupçon, des supputations qui tombent. Mais, messieurs les organisateurs, si ces allégations justifient une exclusion de l’étape, alors il ne fallait pas l’engager ! Sans doute la vengeance est trop succulente pour ne pas y succomber et si vous n’avez pas eu la peau de Floyd Landis, vous avez eu celle de Rasmussen. Ah oui, quelle belle image vous donnez, mais bon, les masses vous suivront sans rechigner ni réfléchir.

Le directeur de l’épreuve peut bien se pavaner devant les caméras, se la jouer devant la meute du public excitée par ce lynchage, il ne peut se sentir soulagé de cette mascarade qui, selon les vrais penseurs de cette affaire, l’implique dans ce qu’il faut bien appeler de la lâcheté. On n’exclut pas un coureur sur la base de faits supputés alors que tous les éléments étaient disponibles pour l’engager ou l’exclure dès le départ. Appât du gain, naïveté ? Je ne suis pas juge de conscience. Cette manière de jouer sur les règles n’honore pas les organisateurs, mais illustre parfaitement les travers de cette époque où la folie du jeu, de la gagne, de la notoriété, de la gloire, fait perdre la raison aux hommes. Ce Tour de France 2007, osons le nommer Tour de la bêtise. Et cessons de glorifier l’épreuve mythique. "Tour pathétique" convient encore mieux. Comme l’est d’ailleurs la société tout entière : pathétique, qui ne vient jamais troubler le tranquille cours des tricheries, combines et autres arrangements. J’ai cru voir le tour de la France dans ce scénario pas très rigolo. Des valeurs, des règles de droit, des règles du jeu, des élites, qui se délitent. Triste spectacle annonciateur d’une société d’un certain mal-être. Les nuages ont commencé à s’amonceler sur la France d’après. Ce n’est qu’une intuition. Je me trompe de moins en moins. Mais je ne suis pas certain. Et je ne cause que depuis une tribune, comme les journalistes de la 2. Mon propos n’est pas fiable à 100 %. Alors, wait and see.


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